Helter Skelter - Par Kyôko Okazaki – Nouvelle édition Atelier Akatombo

Ririko a un visage et un corps “parfaits” dûs aux innombrables opérations de chirurgie esthétique qu’elle a subies en secret pour devenir riche et célèbre.

Son incroyable physique entraîne des spéculations sur ses origines que la jeune femme maintient secrètes. Au sommet de sa gloire, la star peine cependant de plus en plus à camoufler ses imperfections jusqu’au jour où l’inévitable se produit : son agence engage une beauté de 15 ans... Cette menace va faire basculer Ririko dans une folie criminelle et une paranoïa qui la pousse à aller toujours plus loin dans sa quête de la perfection, quel que soit le prix à payer pour elle et son entourage.

Le classique de Kyoko Okazaki a beau avoir plus de 20 ans, le message qu’il véhicule et la situation qu’il décrit sont toujours valables en 2024. L’autrice a commencé à travailler sur cette œuvre en 1995. Elle a été prépubliée en feuilleton dans le magazine Feel Young de l’éditeur Shodensha avant d’être éditée en un seul volume en 2003 et de remporter le Grand Prix Osamu Tesuka l’année suivante. [1]

Publié en France en 2008 par Casterman dans sa collection Sakka, Helter Skelter a été suivi d’une adaptation cinématographique éponyme en 2012 qui a peu dépassé les frontières japonaises.

En reprenant ce manga en 2023, Atelier Akatombo a remis sur le devant de la scène le travail d’Okazaki, mangaka féminine majeure au Japon qui place au centre de ses histoires la sexualité et la sphère intime des femmes, à une époque où ces sujets prennent toute leur importance et où des tabous sont enfin levés.

Avec Helter Skelter, c’est le culte de la beauté à tout prix et la spirale de la déchéance physique qu’elle dépeint et critique avec un humour noir particulièrement cynique et mordant. Ririko est un être purement égoïste et égocentrique, manipulateur, pathétique et en même temps victime d’un système de valeurs qui repose entièrement sur l’apparence et la superficialité. On l’aime et on la déteste, on la plaint à cause des souffrances qu’elle subit mais on veut la détruire à cause du mal qu’elle fait volontairement : l’ambivalence des sentiments du lectorat envers elle est permanente tout au long des 316 pages du manga, sans que la fin ne permette de trancher d’un côté ou de l’autre.

Le dessin assez naïf et grossier vient contrebalancer la subtilité de la critique de l’autrice qui représente également de façon très crue et osée pour l’époque des scènes de sexe homosexuelle et hétérosexuelle sans complaisance ni tabou. Il rappelle en même temps que la beauté est superficielle et que sous les traits fins trafiqués par chirurgie esthétique se cachent une femme banale physiquement et laide mentalement, prête à tout pour réussir, quitte à écraser la concurrence et ceux qui se mettent en travers de sa route.

Dans un pays et sur un continent où la beauté, le maquillage et les apparences sont primordiales, Helter Skelter fait l’effet d’un pavé dans la mare qui éclabousse tout autant nos sociétés occidentales. Une pépite à (re)découvrir d’urgence !