Vous apportez un aspect particulièrement humain et touchant à l’univers de Jérôme K. Jérôme Bloche. Est-ce un exercice difficile ?
Non. Au contraire ! J’aime les gens attachants, et il m’est naturel de représenter cela dans mes livres. J’aurais beaucoup de difficultés à ne donner vie qu’à des personnages secs, acariâtres et désespérés.
La Relation entre Jérôme et Babette, sa fiancée, a évolué au fil des albums.
Si Jérôme K. Jérôme Bloche se démarque des autres séries, c’est justement parce que je tiens à rester réaliste. Jérôme a une profession, vit dans un appartement et a une fiancée avec laquelle il a des relations sexuelles normales.
J’en avais assez d’un certain type de bande dessinée, à l’ancienne, où la plupart des héros n’avaient ni profession, ni vie privée.
Ceci dit, je reste extrêmement pudique. Le lecteur devine que Jérôme et Babette ont une vie amoureuse et intime. Et il est hors de question que je dessine ce qui se passe dans leur chambre.
La série a été créée avec Makyo & Le Tendre. Pourquoi avoir assumé seul le scénario dès le quatrième album ?
Pour avoir plus de droits d’auteurs (Rires). Blague à part, je partageais, à l’époque, une maison avec Pierre Makyo. Nous y avions chacun nos appartements. Lors d’une discussion, je lui ai confié que je souhaitais réaliser une série réaliste. Policière de préférence. Nous avons parlé longuement de nos envies. Il m’a pris au mot et, le lendemain, m’a présenté une histoire. Les premières planches se sont enchaînées rapidement. Puis, Pierre a appelé Serge Le Tendre pour l’aider à découper l’intrigue.
Jérôme vous ressemble-t-il ?
Oui. Pierre s’est basé sur mon comportement pour le construire. Il paraît que je prends mon petit déjeuner de la même manière que Jérôme, en somnolant. Nous avons nourri Jérôme avec nos travers et nos petits défauts. Par après, Jérôme est devenu naturellement un prolongement de ma personne. Pierre a délaissé la série suite au succès de la Balade Au Bout du Monde et de ses autres collaborations. J’ai donc écrit Passé Recomposé.
Quels sont vos albums préférés ?
Mon premier scénario, Passé Recomposé. La Marionnette, également. Et puis Le Cœur à droite. La création de ce scénario a été particulièrement douloureuse. Je suis resté des mois sans trouver la moindre idée de départ pour cet album. Un soir, en me couchant, toute l’histoire s’est construite dans mon esprit. D’une manière si naturelle que j’avais l’impression de voir un film. C’était une expérience tellement singulière que cela m’a marqué. Généralement, je réalise un découpage du scénario avant de dessiner les premières pages. Pour Le Cœur à droite, j’ai dessiné l’album au fur et à mesure sans découpage. C’est la seule et unique fois où j’ai travaillé de la sorte.
Et ceux de vos lecteurs ?
Pareil. Ils ont également un petit faible pour Zelda, qui est un album beaucoup plus sombre. J’écris un scénario par an. Mes histoires sont sans doute le révélateur de mon état d’esprit de ce moment-là. Parfois, noir ou rose !
Ne vous sentez pas prisonnier de votre personnage ?
Je n’ai aucune autre envie. Jérôme me ressemble trop pour que j’aie envie de réaliser d’autres projets. Je travaille environ deux mois sur un scénario et j’en consacre dix autres à l’illustrer. Cet équilibre me convient parfaitement. Quand je dessine, j’ai hâte d’inventer une nouvelle aventure à Jérôme. Et inversement ! J’éprouve un véritable plaisir à écrire. Je ne pourrais plus m’en passer.
(par Nicolas Anspach)
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Photo en médaillon (c) Nicolas Anspach
Images (c) Dodier et Dupuis.