Lorsque Benoît Mouchart publia il y a un an une biographie de Jacques Van Melkebeke, le scénariste fantôme de l’école belge, il fit un certain nombre de révélations sur les arcanes de la création jacobsienne. Il révéla ses liens avec ce « scénariste propédeutique » et notamment le fait que ce créateur avait dessiné les premières planches de l’Espadon dans le Journal de Tintin. Chemin faisant, notre biographe avait accumulé un certain nombre de documents inédits, déniché des sources inexplorées, notamment familiales, qui nuançaient, voire contredisaient radicalement, les hagiographies du maître, à commencer par ses propres mémoires, Un Opéra de Papier.
De son côté, François Rivière, qui a réalisé plusieurs entretiens avec le maître de l’Ecole de Bruxelles, dont certains étaient restés inédits, a été un des premiers à écrire sur les auteurs de la Ligne Claire que ce soit sous la forme d’articles nombreux ou d’ouvrages qui furent à l’époque particulièrement marquants. Ces deux spécialistes ont réuni leurs forces pour accomplir une biographie dont on peut d’ores et déjà affirmer qu’elle fera autorité.
Le succès vécu comme une damnation
A la suite d’une minutieuse enquête « à l’anglo-saxonne », les auteurs se sont attachés à montrer les véritables relations entre Jacobs et Hergé, qui étaient moins idylliques qu’on veut bien le dire. Ils décrivent aussi la lente et secrète gestation de cette poignée d’albums qui vont porter la série Blake & Mortimer au rang de mythe. Ce qu’ils appellent si justement « les images inoubliables ». Enfin, en dévoilant quelques éléments de sa vie privée (sa collaboration presque fraternelle avec « l’ami » Jacques Van Melkebeke, son divorce douloureux avec sa première épouse, son accident de circulation, suivi d’un délit de fuite dans les années 80, sans compter la solitude quasi paranoïaque qui est la sienne dans les dernières années), ils donnent quelques éléments d’explication sur l’étrange destin d’un homme qui, fait pour la musique et pour la scène, devra à la bande dessinée de vivre son triomphe comme une damnation.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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« La Damnation d’Edgar P. Jacobs » par Benoît Mouchart et François Rivière. Editions Seuil/Archimbaud. Couverture de Ted Benoît.