Le 14 mars 2016 se tient, à l’université de Paris-Dauphine, la réunion publique organisée par la Mairie de Paris au sujet du centre d’hébergement d’urgence qui doit être installé dans le 16e arrondissement de Paris, en bordure du Bois de Boulogne. Horde furieuse, les nantis du quartier débarquent en nombre et vocifèrent avec une violence et une vulgarité sans nom contre ce qu’ils considèrent comme une violation de leur espace réservé. Ce jour-là, présents dans l’amphithéâtre, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, deux sociologues spécialistes des classes les plus aisées de la population française assistent à ce spectacle d’une rare indignité et amorcent un travail d’enquête sur ce projet et sa réception par les riverains concernés.
Drôle, savant et pédagogue, l’ouvrage fait mouche et révèle, à partir d’un cas particulier qui se révèle rapidement cas d’école, les dessous des comportements d’une caste bouffie de privilèges et qui entend n’en lâcher aucun. Structuré en chapitres qui présentent les différents aspects et acteurs du "débat", le volume brosse petit à petit le portrait d’une classe sociale géographiquement ancrée dans un espace sur lequel elle entend conserver une entière domination au mépris de toute démocratie. Le vivre-ensemble y est pris à la lettre, perverti comme un rejet systémique et acharné de l’autre sous toutes ses formes. La démonstration des sociologues se fait aussi sidérante qu’implacable.
Les textes alternent étapes factuelles de l’enquête, informations nécessaires à la contextualisation des développements et analyses sociologiques qui le cèdent peu à la vulgarisation. Ils sont accompagnés des planches et illustrations d’Étienne Lécroart. Certaines scènes sont ainsi mises en relief, rejouées de manière ludique, certains éléments de compréhension schématisés, synthétisés et simplifiés. Et le tout témoigne d’une ironie mordante qui soutient parfaitement la rigueur scientifique de la démarche.
Nous sommes là clairement dans un ouvrage engagé, sur des enjeux cruciaux, qui livrent des enseignements non seulement pertinents mais surtout trop rares dans les médias traditionnels. Pour toutes ces raisons, que l’on veuille seulement comprendre ce qui s’est joué autour de ce centre d’hébergement dont les déboires divers ont alimenté une chronique médiatique superficielle ces derniers mois, ou bien saisir certains mécanismes profonds à l’œuvre dans les classes les plus privilégiées de notre société, Panique dans le 16e s’avère une lecture tout bonnement essentielle.
(par Aurélien Pigeat)
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