Avec les Aigles de Rome, vous signez votre premier scénario… Est-ce un cheminement logique dans votre carrière ?
Oui. Je souhaitais avoir plus de liberté, et surtout développer mes propres idées. C’était aussi un défi : étais-je capable de développer mes propres personnages ? Construire une intrigue intéressante ? Cela fait quelques années que j’ai commencé à prendre des notes, à lire des livres sur la Rome Antique. J’achetais tout ce qui me passait sous la main sur ce sujet : des biographies, des livres d’archéologie, des romans historiques, etc. Je voulais m’imprégner de cet univers avant de le dessiner. J’ai attendu que le découpage des deux premiers albums soit bouclé avant de m’y atteler.
Soit la moitié de l’histoire puisque ce cycle est annoncé en quatre tomes…
Oui. Enfin, il est possible que le récit tienne sur cinq albums. Je connais la fin de l’histoire, mais je me laisse des ouvertures pour explorer d’autres voies. Je suis en passe de boucler le scénario du troisième album, et je m’aperçois que des personnages prennent plus d’importance que je ne l’aurais imaginé…
Cette histoire se déroule en l’an 11 avant Jésus-Christ. Pourquoi cette période ?
Elle n’a pas encore été traitée en bande dessinée jusqu’à présent ! Ermanamer, qui est devenu Arminius, a réellement existé. Mais les historiens savent très peu de chose sur sa vie. Des écrivains ont imaginé différentes aventures pour ce personnage. Elles sont, paraît-il, souvent plus héroïques que la mienne ! Je n’ai lu aucun de ces livres. Je voulais avant tout raconter une histoire d’amitié entre deux hommes. Cette thématique est finalement universelle, et j’aurais très bien pu transposer mon intrigue dans une autre époque. A condition qu’il y ait une opposition entre deux peuples, ou une guerre.
Arminius et Falco ont une relation mélangeant l’amour et la haine…
Pas vraiment ! Ce sont des jeux d’adolescent. Ils se cherchent, se provoquent. Ils sont issus de milieux différents. Arminius est un prince d’une tribu barbare. Falco est l’enfant d’un officier romain et d’une femme barbare. Suite à la demande de César, le père de Falco a accepté de l’épouser. C’est un homme sévère et dur. Falco est un peu fragilisé par ses origines. Arminius est confié par son peuple, en otage, aux Romains. Il en profite pour en apprendre le plus possible sur les Romains. A l’époque, il était normal et fréquent que les enfants des dignitaires alliés soient offerts en otage à l’Empereur. Ces enfants étaient traités d’une très bonne manière, comme des invités.
C’est le cas de votre Arminius…
Oui. Mais je prends des libertés. A défaut d’avoir des éléments tangibles sur sa jeunesse, je laisse libre court à mon imagination. A-t-il été élevé dans un Palais Impérial ou à la campagne ? On ne le sait pas. Il est cependant prouvé qu’il est devenu un citoyen romain, ce qui n’était pas évident à l’époque. Il est même parvenu à faire carrière dans les armes, et a atteint un rang d’officier qui lui conférait une certaine importance…
En tant que scénariste, avez-vous posé des pièges à Marini-dessinateur ?
Tout le temps ! L’histoire m’obligeait à réaliser certaines scènes que je n’avais pas forcément envie de dessiner. Mais il y a des séquences où le texte est plus important que les images, ou le dessinateur doit un peu s’effacer. J’ai plutôt l’impression que cet album est plus dense que ceux que j’ai publiés précédemment avec des scénaristes…
Vos cases manquent de décors si bien que l’on a parfois l’impression que le récit ne se passe pas dans la Rome Antique…
Ce ne sera pas le cas pour le deuxième album des Aigles de Rome qui se déroulera entièrement dans la capitale. C’était un choix narratif. Il était important que les personnages évoluent à la campagne, dans la nature. Il n’était pas naturel que des guerriers passent leur adolescence en ville, et qu’on les voit après combattre les barbares en pleine nature sauvage.
Vous êtes devenu un auteur très convoité. Il se murmure que certains de vos fans vous attendent dès trois heures du matin lorsque vous vous déplacez dans un festival…
Je tiens à préciser que j’y suis généralement annoncé pour l’après midi, et que je n’y suis pour rien si des gens attendent devant les grilles (Rires). Cela me flatte bien évidement que des lecteurs attendent dès ces heures-là. Mais j’ai envie de leur dire que cela ne sert à rien de se lever si tôt !
J’ai aujourd’hui un certain succès. On m’a rappelé lors de la tournée de promotion des Aigles de Rome que je dessinais depuis vingt ans ! Je deviens un dinosaure, un vétéran qui doit bientôt penser à sa retraite (Rires). Finalement, j’ai mis beaucoup de temps à me lancer dans un projet en solo.
Avez-vous pris du plaisir à écrire votre histoire ?
Oui. C’est un défi, d’autant plus que le français n’est pas ma langue maternelle. J’ai commencé à l’apprendre à quinze ans ! J’espère que les critiques et les lecteurs m’excuseront pour certaines tournures de phrase.
En février 2006, Thierry Smolderen me confiait avoir écrit une nouvelle histoire pour Gipsy, qui devrait tenir en deux albums…
Oui. Le scénario est sûr mon bureau… Ce retard est de ma faute !
Il y a également d’autres cycles de Rapaces qui sont annoncés…
C’est Jean Dufaux qui les annonce, pas moi ! Il aimerait continuer. Pour ma part, rien n’est décidé. Mais il faudrait d’abord que je lise un synopsis avant de me prononcer. Je manque pour l’instant de temps. J’ai beaucoup de plaisir à réaliser ma propre série, Les Aigles de Rome. Et puis, le Scorpion est également fort attendu ! Je dois dessiner le huitième album de cette série pour l’année prochaine. Ensuite j’attaquerai le deuxième tome des Aigles de Rome pour qu’il sorte début 2009 au plus tard. Mais je ne tiens pas à vieillir en ne dessinant que ces deux séries (Rires).
(par Nicolas Anspach)
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Les Aigles de Rome : la chronique du T1 ;
Le Scorpion : la chronique du T7, du T6 et du Hors Série ;
Rapaces : la chronique du T4 ;
Gipsy : la chronique de la première intégrale.
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Images © Enrico Marini, Dargaud
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