Comment vous est venue l’idée de parler de cette Brigade juive ?
À vrai dire, je ne me souviens plus exactement... En avançant sur Grand Prix, j’avais de moins en moins envie de quitter cet univers. J’aimais bien le personnage de Leslie Toliver et je trouvais dommage de l’abandonner. Finalement, il a fini par prendre le contrôle, il s’est imposé à moi. Cela arrive quelquefois : ce n’est pas moi qui trouve l’histoire, mais c’est l’histoire qui me trouve... Je ne sais pas comment cela fonctionne et je ne veux pas le savoir non plus. C’est ainsi, en tout cas, que l’idée de La Brigade juive s’est imposée.
Quelles ont été vos sources ?
Des livres surtout… Sur la campagne italienne, sur les derniers mois de la guerre et les premiers mois d’une prétendue "paix", que les Allemands appelaient “Stunde Null”, l’Heure Zéro, cette période incertaine où l’Europe était au bord du gouffre, au bord d’une guerre civile continentale... J’ai consulté des biographies, un manuel pour les forces d’occupation britanniques en Europe, des articles dans la presse de l’époque, des témoignages d’anciens brigadistes… Beaucoup des activités de cette brigade n’ont à l’époque pas été inscrites dans les rapports militaires, pour la simple raison qu’elles étaient illégales !
Comment vous êtes-vous documenté pour les costumes, les armes, etc.?
Sur la Deuxième Guerre mondiale, il y a énormément de matière iconographique, heureusement.
Il semble, lorsqu’on vous lit, par exemple dans la trilogie Berlin ou encore dans Grand Prix, que vous vous intéressez particulièrement à l’après-guerre, à cette Europe qui est en train de se construire sur les ruines fumantes de la tragédie qu’elle vient de connaître. Pourquoi ?
C’est là que s’est créé le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Nous avons intérêt à prendre la peine de comprendre d’où nous venons. Sinon, comment savoir où l’on va ?
Les trois séries sont d’ailleurs semble-t-il de plus en plus liées. Quel est votre projet ?
Ce lien est venu petit à petit. Il n’y a jamais eu un “Grand Projet”. Mais quand on travaille d’une façon plus ou moins logique, les pièces du puzzle ont peut-être tendance à s’imbriquer plus facilement les unes dans les autres, je ne sais pas. En tout cas, La Brigade juive m’a déjà mené à une élaborer nouvelle histoire, que je suis en train de développer pour voir où elle peut me mener. Jusqu’à maintenant, c’est fort prometteur, je dois dire.
Vous décrivez des destins et des personnages qui se croisent et dont les intentions sont souvent ambigües, jamais univoques en tout cas. Comment construisez-vous vos personnages par rapport au récit ?
Plutôt rudimentairement. Je crée les personnages, puis je leur laisse la possibilité d’évoluer... Dans La Brigade juive, Safaya a tout de suite évolué d’une façon imprévue, mais cette évolution cadrait avec le développement et la scène finale que j’avais en tête. C’est elle qui m’a donné des idées pour cette nouvelle histoire que je viens d’évoquer. C’était amusant d’observer cette évolution.
Jusqu’où allez vous développer l’histoire de la Brigade juive, jusqu’à l’indépendance de l’état d’Israël ?
Jusqu’au 15 mai 1948, quand neuf pays arabes ont attaqué un pays qui n’existait que depuis 24 heures tout rond, créé avec l’accord confirmé et prononcé par les Nations Unies. C’est le moment où la Brigade arrête d’exister puisqu’elle constitue le noyau de la toute nouvelle armée israélienne. C’est donc une fin logique à cette trilogie.
Pourquoi cela vous intéresse-t-il de raconter ce genre d’histoire aujourd’hui ?
C’est le bon moment pour le faire, je crois. On entend souvent des gens raconter des bêtises à propos de la situation au Moyen-Orient, dans la presse quotidienne en premier lieu ! Les gens ne savent plus ce qui s’est passé il y a un bon demi siècle. On bavarde sans savoir de quoi on parle et cela ne semble gêner personne. En outre, le politiquement correct anesthésie la réflexion, le sens critique, il me semble.
Il y a en France en ce moment une situation qui laisse entendre que la parole antisémite se serait libérée, un peu comme dans l’avant-guerre. Vous qui voyez cela de Belgique, de Flandre même, quel est votre sentiment ?
C’est une des choses qui fait que la situation présente me fait bigrement penser aux années 1930. Raison de plus pour se pencher sur les ressorts de cette période dangereuse.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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