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Bananas suspend sa parution

1er mai 2007 4 Commentaires
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Nous recevons aujourd’hui un communiqué annonçant la suspension, pour une période indéterminée, de la revue Bananas. Dans un édito publié sur son site, ses éditeurs, Evariste Blanchet et Pierre-Marie Jamet, posent leur revue comme une « victime collatérale » d’une « logique de guerre » commerciale.

Les responsables des méventes de Bananas, selon eux, sont dans l’ordre :

La presse : « Sans nous attendre à un raz-de-marée médiatique, nous nous attendions néanmoins à un minimum de soutien de la part de quelques journalistes. […] Mais ni les entretiens avec les créateurs susnommés, ni les planches inédites de Neaud et Mussat, ni les récits du maestro Bottaro, ni les pages étonnantes de Munoz n’ont trouvé grâce à leurs yeux. » Sur ActuaBD, nous ne nous sentons pas du tout visés, puisque nous avons chroniqué plutôt longuement les deux seules publications de la revue, non sans dénoncer les errements critiques du numéro inaugural.

Les libraires accusés d’avoir opté définitivement pour un métier de « manutentionnaire qui passe son temps à faire et défaire des cartons de livres et se préoccupe surtout des best-sellers qu’il peut disposer en pile. »

Les éditeurs enfin, en particulier Soleil et Delcourt, en proie à un « productivisme autodestructeur » qui « agit dans les librairies et les supermarchés comme un tsunami qui emporte tout sur son passage, à commencer par les productions alternatives les plus fragiles. »

Constatons seulement que nos éditeurs s’exonèrent de toute responsabilité vis-à-vis de l’échec de leur entreprise. Pourtant, les causes énoncées n’étaient-elles pas prévisibles, dès avant la parution de leur premier numéro ? Il est quand même curieux qu’une revue qui entendait mener, dès son premier éditorial, « une guerre critique », se plaigne aujourd’hui d’en être la « victime collatérale ». Or, une « guerre », comme ils disaient, cela se prépare. D’abord avec un financement conséquent qui permette d’atteindre ses objectifs ; ensuite en se donnant une cause qui soit assez solide et suffisamment structurée pour entraîner l’adhésion des troupes invitées à combattre pour elle.

Tout le problème actuel de la critique est là : un groupe de gens autoproclamés « critiques de bande dessinée » s’est donné pour mission de « défendre une certaine idée de la bande dessinée » - je cite le premier édito de Bananas. Quelle idée ? Mystère. On comprend seulement qu’il s’agit de défendre quelques labels éditoriaux bien identifiés. Un discours « défensif » chevillé sur une « critique » qui n’est qu’une entreprise de démolition des labels concurrents (le terme même de « Plates bandes » mis en avant par Jean-Christophe Menu résume très bien cet état d’esprit) et qui, pour tenter d’asseoir son autorité, décrète que toute autre plume que la leur relève de la nullité. Si c’est leur droit, qu’ils ne s’étonnent pas de subir en retour des dommages « collatéraux », comme ils disent.

Nous aurions préféré, nous préférons toujours, un discours positif. Que les défenseurs d’une « idée de la bande dessinée », quelle qu’elle soit, emploient plutôt leur force à la promouvoir. Les catalogues de l’Association, de Cornélius, de Frémok, d’Ego Comme X, de Coconino Press, des Requins Marteaux, de la Cinquième Couche et de mille autres labels existant ou à naître sont suffisamment enthousiasmants pour qu’ils y ait des milliers de pages de commentaire à faire. Nous le faisons sur le Net, même si notre vocation est de défendre la bande dessinée dans son ensemble. Nous pensons que différentes écoles de pensée peuvent coexister et qu’une interaction est possible entre des sites comme le nôtre et d’autres consacrés à la défense des « indépendants » comme « Du 9 », par exemple. Sur ActuaBD, nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas couvrir, avec une égale excellence, tout le champ de la bande dessinée. Un proverbe flamand dit : « Reste à ta place, c’est déjà assez prétentieux comme cela ». Nous sommes conscients de nos limites, mais nous sommes aussi ravis de vous apporter nos éclairages et nos coups de coeur.

Au fond, le principal reproche que nous avons pu faire à Bananas ou à L’Éprouvette est le même que celui que nous avons fait naguère (et que nous faisons toujours) à Henri Fillipini : celui de préférer dénigrer ses petits camarades pour mieux défendre sa propre boutique, tout en se drapant dans la tunique de la critique vertueuse. Cet état d’esprit, nous ne le retrouvons pas dans des organes comme Hop ! ou Le Collectionneur de bande dessinée, certes moins enclins que nous à la polémique. Est-ce un hasard s’ils ont l’un et l’autre plus de trente ans ?

DP

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