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Des "parasoldes" chez les Éditions çà et là pour joindre l’utile à l’agréable

29 juillet 2018 4 Commentaires
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Un livre offert à choisir parmi une sélection d’une vingtaine de titres pour l’achat d’un ouvrage du catalogue des Éditions çà et là, quel qu’il soit. Et l’offre est cumulable ! Valable jusqu’au 3 septembre 2018, cette « toute première opération commerciale » vaut le coup et le coût...

C’est bien la première fois que les Éditions çà et là, fondées en 2005 par Serge Ewenczyk et spécialisées dans les publications de bandes dessinées créées hors du domaine franco-belge, lancent ce type d’opération. Refusant auparavant de solder leurs livres, elles souhaitent en effet travailler étroitement avec les libraires indépendants - à tel point que les liens d’achat du catalogue des Éditions çà et là renvoient au site librairiesindependantes.com - et maintenir des relations équilibrées entre éditeurs et auteurs - les Éditions çà et là sont l’un des membres du Syndicat des éditeurs alternatifs.

Mais si chaque année depuis treize ans « ça passe ou ça casse », 2018 a démarré sous de sombres auspices. Il n’est d’ailleurs pas question pour l’éditeur de s’en cacher, lui qui est l’un des rares - le seul ? - à publier tous les ans ses chiffres de ventes, de retours et de ventes nettes.

Des "parasoldes" chez les Éditions çà et là pour joindre l'utile à l'agréable
Courtes distances © Joff Winterhart / Éditions çà et là 2018

Les libraires ne seront pas pénalisés par cette opération. Les vingt-six titres offerts sont retirés de la vente, ce qui permet de ne pas contrevenir à la loi Lang sur le prix du livre. Si l’opération fonctionne, l’éditeur, qui doit faire face à l’une de ses années les plus difficiles, pourra envisager l’avenir plus sereinement. Avec cent-quarante ouvrages à son catalogue, écrits et dessinés par quatre-vingt autrices et auteurs venus de vingt-et-un pays, les Éditions çà et là ont de solides arguments. Reste que l’équilibre financier est difficile à maintenir. Il faut parvenir à poursuivre le travail d’édition tout en dégageant suffisamment de revenus pour trois salariés...

Or c’est un défi constamment renouvelé. Quand aucun nouveau titre ne dépasse les 1500 exemplaires vendus, c’est tout l’édifice qui se trouve fragilisé. Ainsi, sur le premier semestre 2018, les ventes ont peiné à décoller et l’éditeur se voit contraint de faire appel à une nouvelle forme d’opération commerciale. L’objectif est donc à la fois de faire découvrir ou redécouvrir des auteurs peu lus, de faire vivre le catalogue de la maison d’édition tout en renflouant, au moins en partie, une trésorerie en berne.

NOW © Art Jeeno / Éditions çà et là 2018

Pourquoi ces difficultés ? La question mériterait une analyse fine de la situation éditoriale actuelle. La surproduction, même si tous n’en font pas le pire des maux, ne se dément pas. 5305 livres de bande dessinée publiés en 2016 (3988 strictes nouveautés... dont 11 chez çà et là cette même année !) selon le Rapport Ratier 2016, ce n’est pas rien. Elle a ses corollaires : épineux partage de l’espace et turn-over rapide en librairie, concentration des grands médias sur les titres les plus connus du public et best-sellarisation confirmée - une vingtaine de bandes dessinées dépassent chaque année les 100 000 exemplaires vendus, mais la plupart des ouvrages se vendent de moins en moins.

D’autres transformations seraient à prendre en compte. La diversification du paysage éditorial fait que la démarche des Éditions çà et là - se tourner uniquement vers la traduction pour faire découvrir aux lecteurs francophones ce que la bande dessinée mondiale a à proposer - n’est plus aussi exceptionnelle qu’en 2005. Les grands groupes d’édition comme les éditeurs alternatifs (Atrabile, L’Association, Misma, Presque Lune, Rackham notamment et avec des perspectives certes différentes) n’hésitent plus à sortir des espaces historiques de la bande dessinée - Belgique, États-Unis, France, Japon. Le lecteur ne peut que se réjouir de voir son horizon et ses choix élargis, mais son budget demeure par définition limité...

L’essor du financement participatif remet également en cause le processus éditorial classique. De plus en plus d’auteurs mais aussi d’éditeurs, comme les éditions Rouquemoute, ont recours à ce mode de financement permettant certes de réduire les risques, mais induisant également une libéralisation ambiguë - quels revenus pour les créateurs ? - et accentuant les phénomènes de surproduction et de best-sellarisation, comme l’a montré le succès de Laurel.

D’autres facteurs seraient évidemment à prendre en compte. Il y aura d’ailleurs une réflexion de fond à mener dans les années à venir, impliquant les acteurs publics - CNL, bibliothèques... - comme privés - libraires, auteurs et éditeurs - afin de maintenir à la fois la pérennité de structures souvent fragiles et la diversité de l’offre de lecture. Quoi qu’il en soit, les Éditions çà et là ont dû réagir presque dans l’urgence et comptent sur le soutien de leurs lecteurs et des curieux. Il faudra cependant patienter un peu pour recevoir toute commande - simple question de logistique - et habiter en Belgique, en France ou en Suisse - simple question de frais d’envois.

La fin d’été et la rentrée éditoriale s’annoncent cruciales pour les Éditions çà et là. Chacun pourra, à sa mesure, participer s’il le souhaite au maintien de cette maison d’édition, tout en se préparant des heures de lecture !

FH

Merci à Émilie Gleason & Serge Ewenczyk pour leurs précisions.

Consulter la page des Éditions çà et là présentant l’opération ainsi que le catalogue de la maison d’édition.

Lire un entretien avec Serge Ewenczyk, l’éditeur de çà et là, sur ActuaBD (par François Peneaud, 2006) & sur du9.org (par Nicolas Verstappen, 2008).

À lire sur ActuaBD, parmi nos articles récents sur les publications des Éditions çà et là :
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