Décidément, on en a pas fini avec les philosophes qui vieillissent mal, innovants dans leur jeunesse et qui, à défaut d’autre chose, trouvent dans la maturité un sujet d’excitation à délivrer aux médias des phrases provocantes d’un air détaché. Sur le thème rebattu des « neiges d’antan », le nouveau philosophe un peu faisandé s’attaque au neuvième art. À la question de Libé, dans une interview de Catherine Calvet et Béatrice Vallayes publiée alors que le Festival de la BD d’Angoulême bat son plein, « Que pensez-vous de la BD ? », Alain Finkielkraut répond :
« Si je vous en dis du mal, vous me répondrez, comme pour le rap ou la techno, « tu n’y connais rien, cette scène est d’une richesse et d’une variété extrêmes ». Mais il y a tant de livres à lire, de toiles à admirer, que je n’ai pas de temps à perdre pour ce qu’on appelait autrefois les illustrés. La beauté des livres, c’est qu’ils sont sans images et qu’ils offrent ainsi libre carrière à l’imagination. Quand on me raconte une histoire, j’ai besoin qu’on me donne à penser, qu’on me donne l’envie d’interrompre ma lecture et de lever la tête, pas qu’on dessine pour moi les héros. Mais les enfants gâtés veulent rester des enfants. »
Funky le Finky ! Ignore-t’il que la bande dessinée a depuis longtemps abandonné le statut de littérature pour enfants pour devenir un art à part entière ? S’est-il aperçu que la bande dessinée revêtait parfois la forme d’un livre, avant de prendre celle, dans les années à venir, d’un iPod ou d’un e-book ? En rejoignant ainsi, dans la stigmatisation des illustrés, les enseignants réactionnaires des années 1930, Finkelkraut confirme ce que l’on savait déjà : qu’il est désormais un homme du passé.
DP
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Je trouve aussi la réaction de Didier exagérée. Le propos du philosophe est assez raisonnable étant donné la priorité qu’il se donne en postulat de base.
Le mot "faisandé" est par exemple proche de l’insulte. Il ne mérite pas ça. Il serait nettement plus intéressant de comparer son commentaire à ceux de Michel Serres, voire de les faire se rencontrer.
Les philosophes ne sont pas nos ennemis, d’ailleurs un certain Johan Sfar n’est-il pas philosophe de formation et n’en tire-t-il pas un grand enrichissement pour son activité d’auteur de BD ?
Insidieux
Voilà bien le problème des discours et de la parole . Il y avait là deux personnes. Elles débattaient des choses du monde et de la cité. Mettant en lumière les tensions, les horreurs, les malentendus, la mort qui rôde mais aussi l’espoir, la culture , la conscience dans ce chaos imprévisible.
Et puis sans doute , le journaliste au détour ou au terme d’une discussion que j’imagine riche en thèmes profonds en vint à des sujets plus légers comme la fréquentation des salles de cinéma, l’audimat et la bande dessinée.
Venant d’un journaliste de Libération, dont sans doute Alain Finkielkraut connaît sinon les goûts au moins les inclinations, cette question portait en elle un appel à la provocation. En effet, si besoin il y a , le philosophe se doit de remettre en question , distancier, mettre en perspective. Relativiser pour mieux appréhender, c’est son job. On ne peut lui reprocher à ce monsieur sévère de jouer au prof puisque le journaliste est venu pour ça, pour lui soutirer des enseignements, un point de vue éclairé sur notre société.
Alors Alain Finkielkraut plonge et se délecte. Il sait que Libé autour d’Angoulême fera l’un ou l’autre papier sur le phénomène, le succès, les auteurs. Pour ne pas abonder dans le panurgisme délictueux, il va donc donner de la bande dessinée une définition simplette et provocante ( Didier Pasamonik a bien raison de s’en offusquer et de réagir dans ces colonnes) mais une série de points dans les mots du filou-sophe me font penser que cela cache quelque chose. Ces petites pointes que l’on lance sciemment avec la certitude que ça va faire débat. Bon, on n’est pas nombreux à monter sur nos grands chevaux (tout au plus un poney de taille moyenne) mais il est intéressant de noter cette dissonance dans le concert de louanges. On peut même y trouver peut-être un ou deux points positifs.
La bande dessinée , ses lettres de noblesse, son territoire acquis, l’unanimité , toutes ces choses sont peut-être devenues un peu trop académiques. Alors voyons dans la ruade de l’ami penseur une réflexion sur le subversif . Il doit pour se faire bien comprendre utiliser les moyens les plus simplets. Puisque il parle en fin de citation ( on devrait sans doute lire l’intervention complète pour affiner) de l’enfant, des lectures liées à cette période de la vie que visiblement Alain Finkielkraut a rangé au plus profond de son grenier personnel, il oppose donc le monde adulte et raisonné du livre à celui enfantin, infantile et disons-le, débile de de la bande dessinée.
Il ne fait rien d’autre que glisser volontairement sur les pièges du langage. Pour un érudit de sa trempe c’est nul. Pourquoi ? Mais parce que nous aussi quand on veut schématiser, on emprunte grossièrement les termes relevant du domaine artistique . Un exemple ? Quand on dit qu’un président de la république exagère, on dira qu’il fait son ...cinéma, qu’il en rajoute dans la théâtralité . Les puristes de ces "microcosmes"-là pourraient aussi se vexer.
Par bande dessinée, il entend sans doute les couleurs criardes, les héros stéréotypés, les images naïves,les gros nez, les intrigues basiques et les chutes prévisibles. A la question " que pensez-vous du cinéma ?" , il aurait sans doute rétorqué dans le même registre en fustigeant les ressorts habituels,le romantisme primaire, les images grandiloquentes, les sequels attrape-ados ,l’ idolâtrie et les bagarres idiotes , se référant plus à Chuck Norris, Vin Diesel et Jerry Bruckheimer qu’à P.T. Anderson, Alain Resnais ou Jean Renoir.
Raccourci classique .
Ce qui est idiot c’est de lâcher une réponse si concrète et coupante à une question ouverte. Le monde du livre se résume pour lui si on doit le suivre dans son raisonnement obtus à la Pléiade, Victor Hugo , Steinbeck . Oubliant dans la même seconde les tonnes de conneries écrites qui ont la même forme que ses bibles : pas d’image non plus dans les romans crétins, les bouquins de stars et les harlequineries déguisées. Mais à question idiote, réponse idiote.
Le plus frappant dans ce petit mic-mac culturel c’est de voir à quel point un intellectuel un peu fatigué , un gourou courroucé peut se laisser aller à de telles énormités sur un sujet quelconque (car c’est pas non plus l’équilibre mondial qui est en jeu !) Qu’il régresse ou pas on s’en fout, qu’il se fourvoie ou pas c’est son problème, qu’il se fasse des ennemis on s’en moque, de toute façon il adore, la polémique c’est son fond de commerce .
Mais c’est en survolant des domaines aussi légers, optionnels comme peuvent l’être la musique, les chansons d’amour ou le design que se révèlent les personnes.
Sans vouloir jouer au devin (excellent LIVRE de Goscinny et Uderzo) je vois la dérive mélancolique de ceux qui tout simplement sont fâchés. Fâchés avec le monde dans lequel ils vivent, fâchés avec leurs contemporains parce que ces derniers se permettent des faiblesses.
Ce qui est choquant en revanche de la part d’un penseur reconnu invité partout ,c’est la désinvolture avec laquelle il traite le rapport à l’image .
Quand on pense à quel point lui Alain Finkielkraut vit de la sienne , on peut y voir là comme un paradoxe amusant.
http://www.liberation.fr/transversales/weekend/306200.FR.php
Relisez cet article en n’oubliant pas son titre :
Finkielkraut : « L’enfant gâté a succédé à l’homme cultivé »
Vous pouvez aussi bien lire l’article de Karloff sur le JDD à propos du même sujet.
Finkielkraut pas Finkelkraut...
Après les sophistes, les allumeurs.
Finkielkraut est non seulement passéiste, mais d’un passé bien lointain, puisqu’il distingue les toiles que l’on admire, d’un côté, et les livres que l’on lit, de l’autre, c’est-à-dire l’image (non narrative) et le texte (narratif). Une conception qui remonte au 19e siècle et qui a largement été mise en défaut depuis.
De plus, selon ses critères, il faudrait considérer la dramatique radiophonique comme infiniment supérieure au théâtre du simple fait qu’elle laisse davantage de place à l’imagination.
Mais bon, ce n’est pas bien grave. La bande dessinée n’a pas besoin de l’estime d’Alain Finkielkraut.
L’image non narrative, une conception du 19 ème siècle. Mais vraiment n’importe quoi ! Une image n’a pas besoin d’un texte pour être narrative. Il faut attendre le début du 20 ème siècle pour voir rejaillir, en occident, des images non narratives, abstraites.
Au 19 ème siècle et avant, au contraire, les images étaient figuratives et très narratives.
Pour ce qui est de Finkielkraut, le cataloguer comme passéiste, c’est un peu simpliste... Mais bon sang, lisez l’interview dans libé au lieu de vous concentrer stupidement sur le passage qui parle de votre petite BD d’enfants gâtés !
"Il faut attendre le début du 20 ème siècle pour voir rejaillir, en occident, des images non narratives, abstraites. Au 19 ème siècle et avant, au contraire, les images étaient figuratives et très narratives."
Pour vous paraphraser, cher anonyme, vraiment n’importe quoi ! Qu’on désigne parfois la bd par le terme de "figuration narrative" aurait dû pourtant vous donner un petit indice que les 2 ne vont pas automatiquement de pair. L’impressionisme, des toiles narratives...?! Le synthétisme ? Le symbolisme ?
Je ne vais pas vous faire un cours d’Histoire de l’Art... Mais il serait de bon ton, parfois, lorsqu’on intervient publiquement dans un débat de connaître le sujet sur lequel on s’exprime ou tout au moins admettre, comme Mr Finkielkraut aurait été bien avisé de le faire sur le sujet de la bd, que l’on y connait absolument rien.
D’accord Alex. J’ai simplifié, forcé le trait.
Vous avez raison, les choses commencent au milieu du 19ème siècle avec des artistes comme Cézanne et Turner...
Mais je ne suis pas d’accord, le Symbolisme c’est pas ce qu’on a inventé de moins narratif... Pour ce qui est du Synthétisme et de l’Impressionisme, tout cela reste très figuratif. Il faut vraiment attendre la peinture abstraite (que Kandinsky qualifiait de concrète) pour s’échapper du figuratif et de ce qu’il implique... de narratif.
Figuration narrative, cette définition m’a toujours dérangée pour parler de BD. Je trouve que c’est une définition bien trop vague.
Aïe, désolé anonyme mais vous vous méprenez une fois encore. L’abandon du sujet narratif intervient au milieu du 18e siècle avec le Romantisme. Et, désolé pour le piège que je vous ai tendu à propos du Symbolisme, mais si vous croyez que "Ophelia" raconte l’histoire d’une jeune fille qui s’est noyée, alors... Vous associez une fois de plus représentation figurative avec narration.
Je souhaiterai vous diriger vers un artiste du nom d’"Öyvind Fahlström", artiste pop décédé en 76 qui travailla beaucoup sur la bd. Ses collages "Mad", "Sitting" ou ses peintures amovibles de "Krazy Kat" proposent un beau sujet de réflexion sur le thème narration et abstraction -entre autres...
Et je ne peux conclure sans lancer une ultime pique au philosophe aveugle. Dénigrant les illustrés. Ça aurait quand même eu un peu plus de gueule s’il avait dit "Non, moi les manuscrits enluminés je ne comprends pas" Et oui on en est là Mr Fink., vous vous êtes aventuré sur un terrain dont vous n’avez aucune connaissance, c’est un spectacle assez pathétique pour l’amateur ou l’esthète.
"le journaliste (...) en vint à des sujets plus légers comme la fréquentation des salles de cinéma, l’audimat et la bande dessinée."
M. Salma considère donc la bande dessinée comme un sujet léger : c’est très exactement la position de Finkielkraut.
Mais noooon Monsieur Tarte (ou madame ?), c’est pas ce que j’ai voulu dire ! ça s’appelle une antiphrase.
Bon, après tout, même à considérer que la bande dessinée soit un sujet léger (avouons-le, en regard de la famine qui rôde , la pollution qui tue et le terrorisme qui guette, elle pèse pas grand-chose) ça n’empêche pas le philosophe de la télé d’être lui assez lourd .
Alain Finkielkraut fait toujours pareil : il lance les énormités réactionnaires les plus impossibles (il y a trop de noirs dans l’équipe de France, le colonies c’était bien, l’école c’était mieux avant, les femmes c’était mieux avant, l’art c’était mieux avant, tout était mieux avant, je suis de gauche mais tendance vieille droite,...), et chaque fois ses défenseurs nous disent pareil, ils nous disent qu’il fallait lire l’article entier, l’interview entière, qu’il ne voulait pas dire ça, que la phrase est extraite de son contexte, blablabla... Quand on a pas loin de quarante ans d’expérience des médias, je ne pense pas qu’on ait le droit de continuer à jouer les oui-oui, non, Finkielkraut sait très bien quel genre de phrase fera du bruit et quelle phrase n’en fera pas. Il sait très bien qu’un philosophe ou un essayiste honnête dans son métier (c’est à dire qui mesure ses propos et réfléchit avant de parler) n’a strictement aucune chance de vendre correctement ses livres ni d’être invité sur tous les plateaux télé.
La bonne nouvelle c’est qu’on n’a pas trop besoin de tenir compte des petits messieurs du genre d’Alain Finkielkraut (plus embarrassant est le cas d’un autre réac’ fameux, Milan Kundera : lui est un vrai écrivain). Il ne convainc pas son public, il ne fait qu’entretenir une fibre réactionnaire chez des gens qui l’ont déjà et qui veulent donner à celle-ci une caution intellectuelle.
Pas la peine de relever les énormités telles que « les livres d’avant, il n’y avait pas d’images » (archi-faux bien sûr : Dickens, Sue, Balzac, Hugo, et bien d’autres auteurs pas nécessairement pour enfants faisaient illustrer leurs livres par Cruikshank, Daumier, Gavarni etc., il est même parfois illogique que certaines éditions sans images existent). Pas la peine de s’appesantir sur les réflexions de café-du-commerce telles que « Sans les images, l’imagination travaille mieux », à laquelle on pourrait rétorquer que « sans le texte l’imagination travaille mieux aussi » et même que « Sans les intellectuels, les gens pensent par eux-mêmes ».
Au fond le problème on le connaît, il n’est ni celui d’un manque d’œuvres de qualité en bande dessinée (je ne vais pas faire de listes ici) ni même celui d’une qualité avérée en littérature (combien de nouveaux romans valent d’être lus, même en nrf ?), ni celui d’une sorte de malédiction du médium (quoique l’impureté du phylactère gène parfois l’amateur de dessin autant que l’amateur de littérature), non, le vrai problème c’est l’aura du médium : "pour enfants", "puéril", "débile", "imbécile", "distrayant", "facile", "libre" (le vrai crime)... Rien de tout ça ne semble très sérieux à quelqu’un qui a des prétentions intellectuelles mal assurées. N’essayez donc pas de convaincre Finkielkraut de quoi que ce soit, le problème vient de lui !
Et on s’en fiche d’ailleurs.
Plus embêtant sont les complexes dont souffrent certains auteurs qui, dès que possible, deviennent écrivains, cinéastes ou barbouilleurs, "comme des grands"... Et y perdent souvent leurs qualités. Je ne cite pas de noms.
Ce serait pas mal que certains lisent l’interview complète de Finkielraut, le propos sur la BD n’en est qu’une infîme partie. Dans l’ensemble si il me parait évident que celui que vous nommez "Finky" ne connait pas la BD (et c’est dommage pour lui), le reste de l’article témoigne de beaucoup de bon sens sur les maux actuels de la société...
Pas de quoi fouetter un chat.
Mais peut-être dans le monde de la BD cela fait-il bonne figure de tiquer sur le moindre propos d’un philosophe ayant soutenu Sarkozy ?
Attention, bien qu’il ait souvent des propos qui cousinent avec ceux du grand malade sensé nous gouverner, Finky ne l’a jamais soutenu. Il fut même l’un de ses premiers critiques à l’occasion de la clinquante équipée maltaise...
Pour revenir au sujet, il n’y a pas vraiment de quoi jaser. Son propos est pourtant simple "la bd j’m’en cogne et d’ailleurs j’ai pas le temps". Il a décidé de faire une impasse, c’est un choix personnel, rien de plus. Et vous allez me dire que ça vous étonne. Le petit microcosme du phylactère est donc à la recherche de parrains (à qui c’est faire beaucoup d’honneur...) et semble être très vexé de s’être fait envoyer sur les roses.
Je sais pas pourquoi, ce sujet me titille outre-mesure.
Laurent, intervenant mi-figue mi -raisin, appuie là où il pense que ça ferait mal.
Peut-être que oui certains tentent encore de trouver une légitimité à la bande dessinée, certains se sentent vexés qu’on méprise cette portion de la culture. D’autres se sentent diminués par les regards hautains etc...
En ce qui me concerne, il ne s’agit pas de ça. Pas du tout.
Nous sommes dans une société de loisirs( vieux refrain), en démocratie (tarte à la crème) et en définitive des millions d’individus avec nos envies, nos rêves, nos passions( expression-bateau).
J’ai lu une interview ( complètement) d’une personne digne d’intérêt. Elle a exprimé une opinion sur un sujet qui me touche. Si j’ai envie de réagir ( et de taper de mes petits poings sur le gros mur des injustices) c’est pas pour affirmer qu’il se trompe sur ce média( même si je le pense) mais pour lui signaler qu’étant à la tribune, ces paroles sont choquantes.
Une même discussion dans un bistrot ou ailleurs avec des gens qui n’apprécient pas vraiment la bande dessinée ne va pas me mobiliser. Oui, on s’en fout royalement des avis des autres. Si j’aime tel ou tel plat, goûte telle ou telle musique, je vais pas jouer au missionnaire pour convaincre la planète entière d’adhérer à mes opinions.
Laurent, sans doute a raison sur un point : y a que le microcosme qui réagisse un petit peu. Ben évidemment, il ne s’agit de rien de bien grave.
Et ce que vous appelez "microcosme" ( terme péjoratif si l’en est , pourriez pas trouver autre chose ? )est lui aussi constitué de multiples avis différents.
Je vous propose deux exemples pour tenter de faire comprendre mon énervement, je n’en dors plus, je ne mange plus, c’est simple la vie n’a plus le même goût depuis que je sais que l’éminent (et minant) philosophe n’aime pas les petits mickeys.
1) s’il avait prouvé jusqu’au bout de cette satanée interview qu’il était au fait des choses de ce monde,qu’il avait exposé avec rigueur et discernement des avis supérieurs sur bien des sujets graves, essentiels de la vie dans la cité,
et qu’au bout de celle-ci il avait dit que(c’est un exemple) mélanger du bleu et du rouge ça donne du vert, on devrait laisser passer ?
2) Une personne de son importance (relative mais réelle , la preuve) exprime des opinions, elle ont une résonance. S’il parle de la Bosnie, du Darfour, de l’enseignement (c’est son rayon là il est au top) ,de la littérature, du monde politique , même si l’on n’est pas d’accord, ses paroles portent. Elles vont convaincre des esprits distraits, ou moins informés ou indécis. Ces paroles ne mettent pas en danger la sécurité ni la santé du monde mais elles portent, elles ne sont pas anodines.
Si certains discours font progresser nos petits parcours de terriens désemparés( exemple : un comédien en forme sur une chaîne de radio ou de télé et une humeur générale peut être dopée ), d’autres la font régresser. Des propos ternes, un discours mou, réactionnaire ou bête , tout ça peut freiner le progrès, j’en suis convaincu.
Nous avons besoin les uns des autres c’est indéniable. Nous avons donc une part de responsabilité les uns vis-à-vis des autres ; je repense à une attitude toute bête : je suis devant un passage clouté. Derrière moi une bande de mômes. Peu de voitures. Le feu piéton est au rouge mais il n’y a pas de voiture ou alors très loin. Que faire ? Ben oui, attendre . Parce que je suis responsable l’espace d’un instant de mon entourage.
Un interviewé a cette responsabilité-là. Il peut avoir son avis bien entendu et détester ce qu’il a envie de détester, aimer ce qu’il a envie d’aimer et on est tous d’accord avec lui pour dire que le temps manque et file et qu’on va pas en perdre davantage .Moi-même, j’ai tant de choses à faire mon bon monsieur...
En conclusion, et en relisant encore ses réponses( je suis masochiste un peu) il y a aussi d’autres questions qui semblent posées. Sur l’image.
Incroyable raccourci. J’imagine qu’il tenait à conclure lui aussi pour aller prendre une bière mais répondre que l’image est superflue, que l’imaginaire blabla , c’est un peu effrayant non. Donc il va jamais au cinéma cet homme ?! Une magnifique illustration de Gustave Doré serait donc à bannir, la musique de film est à proscrire, la couleur est inutile.
C’est exactement le discours que tenaient bien des cinéphiles quand ils ont vu arriver le cinéma parlant (je vous parle d’un temps que les moins de cent ans...). Levée de boucliers :" Noon, la parole est inutile, le support , l’histoire de l’AAArt ne tolérera pas ce gadget." Comme quoi...
Pour info, l’ACBD (Association des critiques et journalistes de bande dessinée) a publié le 28 janvier un "droit de réponse" (une lettre ouverte) à l’interview de Finkielkraut :
http://www.acbd.fr/lettre-ouverte-a-alain-finkielkraut.html
Voir en ligne : Lettre ouverte de l’ACBD
@laurent : Et vous allez me dire que ça vous étonne. Le petit microcosme du phylactère est donc à la recherche de parrains (à qui c’est faire beaucoup d’honneur...) et semble être très vexé de s’être fait envoyer sur les roses.
Je ne vois pas en quoi les positions de Finkielkraut peuvent étonner ceux qui ont suivi le parcours du bonhomme qui a toujours flatté le « bon sens » culturel façon courrier des lecteurs du Figaro : l’art contemporain comprends rien, y’a trop de noirs dans l’équipe de France, Mozart c’est mieux que Tokio Hotel et Proust c’est plus important que Gaston Lagaffe...
Ce qui est intéressant, c’est que son public ne le suit que sur ce fond de commerce là, mais qu’il a toujours eu moins de succès ou de légitimité sur les grands sujets géopolitiques, qu’il ait raison, comme avec la Croatie (il était un des premiers à avoir remarqué que la Serbie était l’agresseur), ou tort, comme quand il explique que les territoires occupés par Israël sont une question qui doit rester interne à Israël (je ne pense pas que beaucoup d’israéliens le suivraient sur ce coup !). Bref, certains l’entendent quand ça les arrange, il donne une caution intellectuelle à ceux qui se veulent défenseurs d’une "culture cultivée" dont ils sont du reste généralement ignorants, car la question n’est pas de vivre réellement une pratique culturelle, mais penser qu’on est du « bon côté » juste parce qu’on a Proust en pléïade qui dort dans la vitrine du salon.
Tout de même, pour dire « La bande dessinée, c’est de la merde, la preuve est que je n’ai pas de temps à lui consacrer », il ne faut pas se prendre pour de la crotte !