On semble se diriger vers une situation comme celle des mangaka, au Japon : rythme de publication très soutenu, chances assez faibles de vivre de sa passion... et ce n’est pas parce qu’on ne les entend pas qu’ils acceptent cette situation !
La situation des auteurs de BD devient de plus en plus précaire, et ça, ce n’est pas une nouveauté, ni une exclusivité au monde de la BD.
D’après un article paru dans Marianne il y a 2-3 ans, les salariés des maisons d’édition aussi, sont exploités. De plus en plus d’entre aux sont obligés de travailler sous statut d’auto-entrepreneurs, et à des cadences infernales, avec des revenus qui décroissent ! Les éditeurs, surtout les grands, appartenant à des grands groupes, voire des multinationales, répercutent la pression de leurs actionnaires, dont certains sont de puissants fonds de pension, sur leurs salariés (conditions de travail), sur les auteurs (rythme de parution, ventes, voire contenu des œuvres), et sur le public (prix des livres qui augmentent en cas de hausse de TVA, par exemple).
Nous subissons donc tous, d’une manière ou d’une autre, cette pression financière.
Face à ça, c’est l’ensemble des créateurs -paroliers, compositeurs, écrivains, dessinateurs, stylistes...- et pas seulement les auteurs de BD, qui doit se mobiliser, et s’entendre sur la position à avoir vis à vis des éditeurs : formuler des contre-propositions, plus favorables, mais qui conviennent aussi au public, et que les éditeurs puissent accepter.
Dans tous les cas, que ce soit en BD, en musique ou ailleurs, celles et ceux qui ne gagnent pas assez seront les premiers (premières) à crouler sous le poids des cotisations à payer + les exigences croissantes des éditeurs (et aussi du public). Qui sait si, parmi ces personnes, figurent de potentiels Tardi, ou Taniguchi, pour ne citer que ceux-là ? Qui parlera pour ces personnes ?
Je pense qu’il faut aussi se poser cette question : Que se passera t-il quand tous les auteurs "établis" ayant réussi à défendre leurs droits, auront disparu ?
J’avais lu ailleurs que les scénaristes et dessinateurs de comics pour Marvel ou DC sont salariés : ils sont certes sûrs d’être rémunérés, mais leurs créations sont la propriété des éditeurs. S’ils ne les satisfont plus, ou s’ils démissionnent, ils n’ont plus leur mot à dire sur des séries qu’ils ont créé et popularisé ; et sont pour ainsi dire, interchangeables avec d’autres. Est-ce que c’est cela que nous voulons ?
Il faut parfois des années pour qu’un titre devienne un best-seller, ou, simplement, trouve son public : que faire en attendant ?
Travailler en attendant de pouvoir vivre de sa passion ? Oui, à condition de ne pas se retrouver complètement lessivé par son travail en fin de journée, être très bien organisé, et avoir une famille qui comprenne qu’on n’est pas toujours disponible pour faire à manger, le ménage ... même en semaine !
Travailler à plein temps sur ses BD, et vivre sur le salaire de son conjoint ? Pourquoi pas, à condition bien entendu d’en avoir un, de conjoint ! Assez compréhensif (compréhensive), assez aimant(e), et ayant une situation assez sûre pour cela. Je connaissais quelqu’un dont le femme travaillait sur ses bandes dessinées, et qui, en attendant, vivant sur son salaire, à lui. Problème : l’ambiance sur son lieu de travail était assez dégradée, et il devait faire profil bas pendant que d’autres s’appropriaient (en partie) son travail et recevaient les honneurs à sa place ...
Prendre un congé sabbatique de 2 ans environ, le temps de consolider les bases de son œuvre, se faire une base de fans, contacter les éditeurs, se faire connaître ? Cela demande beaucoup de rigueur dans ses finances, et de discipline, en général, parce qu’il faut pouvoir tenir 2 ans, sur ses économies, avec l’aide de sa famille, ou avec son RSA / chômage / autres allocations : combien peuvent tenir comme ça ?
Préserver le système actuel d’avance sur recettes quand on est publié ? Oui, mais si cette avance diminue d’année en année ? Et si on est un auteur débutant, sorti de nulle part, mais assez passionné pour se lancer ?
Une dernière question : les auteur(e)s qui débutent juste, et qui ne touchent aucun droit d’auteur, ou trop peu, sont-ils d’office obligés de cotiser ? Et celles et ceux qui travaillent à côté (dans le secteur public ou privé) ?
Encore désolé pour un post aussi long, mais j’essaie de comprendre, de compléter mes connaissances sur le sujet, et j’espère contribuer à faire avancer le débat sur un sujet qui concerne plus de monde qu’on ne le croit.
Et merci d’avance à qui peut apporter des réponses, ou même des fragments, aux questions formulées plus haut.