En cette année anniversaire, Glénat choisit de palier un manque de son catalogue en lançant une nouvelle collection, 1000 feuilles, susceptible d’accueillir les auteurs dits ’de la nouvelle génération’. Si des auteurs emblématiques de ce courant ont publié leurs premières œuvres chez l’éditeur grenoblois (tels que Larcenet ou Baudoin), on remarque que Glénat signe bien moins de ces talents que Dargaud avec Poisson Pilote, Delcourt avec Shampooing et Encrages ou Soleil via sa joint-venture avec Gallimard, Futuropolis ou encore sa prometteuse filiale Quadrants.
Glénat souhaitant présenter toutes les facettes de la bande-dessinée, 1000 feuilles se veut une collection défricheuse de talents, même si elle ne s’interdit pas non plus parfois de signer quelques auteurs confirmés.
Adapter la forme au fond
De plus, ils souhaitent adapter la forme au fond, et non pas le fond à la forme. C’est d’ailleurs ce qui avait sans doute tué dans l’œuf leur ancienne collection Carrément 20/20. Les romans graphiques, journaux intimes et autres chroniques humoristique devraient donc être soutenus dans l’originalité de leur discours. Ces différences pourraient être liées à leur format, la reliure (souple ou cartonnée), la pagination (du 46 planches aux romans graphiques de 500 pages), de la couleur au noir et blanc, ainsi que toutes autres particularités qui mettraient en avant le projet.
En plus de la liberté de pagination offerte aux auteurs, 1000 feuilles veut évoquer dans l’esprit du public le nom de la pâtisserie pour donner l’idée d’une gourmandise à savourer sans retenue.
Blaise est un gosse "moins con qu’il en a l’air", qui assiste, impuissant, au spectacle absurde que jouent et rejouent chaque jour les adultes qui l’entourent : notamment, ses parents petit bourgeois et très intellos-de-gauche, et une grand-mère dite ‘facho’ mais pas trop... Autour de Blaise, ça discute guerre, star et politique, et de façon si primaire que toute conversation en devient ridicule.
Cet album semble bien revendiquer les statuts de 1000 feuilles : un format hors-norme, pour un suite de gags assez grinçants, et dont le ’dessin’ est composé d’une technique de collage plus amateur que professionnel, mais qui donne le sentiment de ne plus savoir ce qui est réel et virtuel.
Un album de lancement
C’est d’ailleurs tout le sujet de l’album de Dimitri Planchon ! Presque muet et immobile, Blaise tente de saisir les valeurs et les lois qui régissent notre société qui cultive l’absurde, où le pire semble être devenu l’ordinaire, et où la guerre et la dictature s’installent dans l’indifférence générale. Planchon tire donc tout azimut ... et fait mouche : il dénonce les réactionnaires, les médias, les hommes politiques, les préjugés, bref une bonne partie des travers de notre nature humaine dans cette société pressée et stressée où le paraître a depuis longtemps dépassé l’être.
On appréciera le second, voire troisième degré de l’album : en particulier le père de Blaise qui lit Blueberry dans son lit tout en énonçant des stupidités tragiques (rapport ou pas, à vous de voir), ou le fameux joueur de football Dabi Doubane (la personnalité préférée des Français) qui sait donner aux associations tout en restant du bon côté de la barrière.
Aussi drôle que subversif et dérangeant, voilà une carte de visite qui donne envie de découvrir les futures signatures de 1000 feuilles.
Les projets
Dans cette collection qui ne devrait compter qu’une demi-douzaine d’albums par an, on nous promet déjà :
Topless, de Olivier Balez & Arnaud Le Gouefflec (parution juin 2009)
La Chair de l’Araignée, de Hubert & Marie Caillou (septembre 2009)
Erzsebet, de Cédric Rassat & Emre Ohrun (octobre 2009)
L’Orage, de Carlospop & Moutch (octobre 2009)
Le Fils d’’Hitler, de Pieter de Poortere (2010)
Bandaiyan, de LF Bollée & Philippe Nicloux (2011)
Bien que très différents dans leur approche graphique et leur ton, 1000 feuilles préfèrent les rassembler plutôt que de les lâcher en hors-collection. On retrouvera donc prochainement un livre d’humour absurde à la Roland Topor, un journal intime féminin sur l’anorexie et une bande dessinée d’horreur à la carte à gratter, un roman graphique narrant la naissance de l’Australie sur plus de 500 pages, etc.
Bien que Glénat soit surtout réputé pour des albums grands publics et des sagas historiques, il leur semble primordial de montrer la création contemporaine hors des grandes lignes graphiques classiques, comme un reflet de notre monde.
(par Charles-Louis Detournay)
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Les illustrations sont © Planchon/Glénat.
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