Quel lien entre le Tour de France de cyclisme, entamé samedi en Corse, et Fausto Coppi, sans doute l’un de ses plus grands champions avec le Belge Eddy Merckx ?
De nombreux coureurs répondraient certainement que l’Italien est le précurseur d’une nouvelle manière d’appréhender le cyclisme que les cyclistes qui l’ont chronologiquement suivi ont largement intégrée : intérêt particulier pour les évolutions techniques de la bicyclette, place de la diététique, méthodes d’entraînement innovantes... mais aussi usage intensif d’amphétamines, à une période où les contrôles antidopages n’existent pas. Par delà ses victoires sportives, Fausto Coppi est donc aussi un acteur majeur des évolutions du cyclisme.
Centré sur l’année 1949, l’une des plus fastes du coureur, au cours de laquelle il remporte successivement le Giro puis le Tour de France -un exploit que l’on imaginait impossible à réaliser- l’ouvrage révèle la personnalité de Coppi, au-delà du champion d’exception qu’il a été. Constamment habité par le doute en dépit de ses succès, il est souvent proche de renoncer au cyclisme, perturbé par divers événements personnels qui l’affectent particulièrement. Davide Pascutti tente ici, en pénétrant les pensées du coureur, d’exposer les qualités et les contradictions d’un homme qui, par sa rivalité sportive avec son compatriote Gino Bartali, a galvanisé l’Italie de l’immédiat après-guerre.
Le Tour de France 1949 -à une époque où il se court par équipes nationales, marque l’un des sommets de la rivalité avec Gino Bartali. L’affrontement entre les deux hommes n’est pas seulement sportif : tout les oppose, que ce soit physiquement (Coppi est grand, maigre, peu prolixe ; Bartali est trapu, musclé, grande gueule) ou politiquement (Coppi est un laïc soutenu par les partis de gauche, tandis que Bartali, fervent catholique, a les faveurs de la droite). Alfredo Binda, le directeur technique italien, a fort à faire pour maintenir l’unité de son équipe. La bande dessinée restitue avec justesse les tensions que suscite cet affrontement.
Sur le plan graphique, la morphologie de Coppi semble parfaitement restituée : « Il présente des jambes démesurément longues, un buste court, une poitrine en forme de tonnelet, des épaules étriquées, des mollets étiques. Ses os paraissent trop lourds, qui saillent sous sa peau, des os fragiles comme du cristal, qui casseront souvent, trop souvent [...] Au paroxysme de l’effort, son buste reste bien en ligne, ses jambes tournent avec onctuosité, et ses traits figés dans l’indifférence trahissent moins l’effort que l’ennui » écrit Pierre Chany [1]
Le dessin, en noir et blanc, offre une alternance entre les moments euphoriques liés aux performances du champion et les instants de doute qui l’habitent sans cesse.
L’album est accompagné de quelques documents dans lesquels l’auteur, dans un exercice assez superflu d’auto-justification, explique ses choix narratifs. On trouve aussi une chronologie et un portrait éclairant des principaux acteurs de l’histoire. .
(par Damien Boone)
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