Automne 1939 : la guerre est déclarée. La "ligue des jeunes filles allemandes" et les "jeunesses hitlériennes" rassemblent de gré ou de force toute la jeunesse du pays. Elen, par manque de motivation personnelle, et son frère Maximilian, par conviction politique, refusent de se joindre aux organisations nazies. La jeune fille revoit Alex, dont elle avait fait la connaissance quelques années auparavant. Difficile de s’aimer quand la guerre vous sépare ou vous oppose...
Les personnages d’Elen et de Max sont directement inspirés d’un groupe d’étudiants de l’université de Munich (dans l’histoire, l’auteur les transpose à Offendorf) appelé la Rose Blanche et qui tenta de s’opposer au régime d’Hitler en distribuant des tracts antinazis. Bien sûr, il est impossible de comparer la portée et la signification des actions de la Rose Blanche avec les méthodes employées par les résistants dans la plupart des pays opprimés. Mais manifestement, l’Histoire n’est, pour Keiko Ichiguchi, qu’un prétexte (un décor) pour rencontrer l’émotion.
Le parti-pris d’opposer uniquement des Allemands entre eux est intéressant. Il évite le manichéisme et renvoie surtout chaque personnage à ses propres contradictions émotionnelles : le courage, la persévérance, la foi en un idéal, mais aussi et surtout l’esprit de sacrifice pour une cause ; tous ces sentiments sont malmenés par les évènements pour finalement faire ressortir la part d’humanité enfouie en Max, Elen et Alex. L’auteur axe son récit sur l’ambiguïté des émotions, la difficulté d’éprouver un sentiment pur quand le contexte historique et politique ne s’y prête pas.
De ce point de vue, le personnage le plus fascinant est sans contexte Alex. Celui-ci rend les Juifs responsables de la mort de ses parents. Mais lors de la bataille de Stalingrad Alex commence à s’interroger sur le massacre des juifs. La scène où son ami Schultz est tué, constitue de ce fait une charnière dans le récit. Dommage que ce genre de séquences qui approfondit l’évolution des sentiments soit si rare. C’est sans doute là le point faible de ce manga. 1945 est un "one-shot" et les personnages traversent les six années de guerre à toute vitesse.
Le trait de Keiko Ichiguchi est relativement classique. L’auteur minimise les décors pour mieux centrer l’attention sur les personnages. Certaines images, plus symboliques, propulsent le lecteur hors du récit et l’invitent à s’attarder un peu plus sur tel ou tel sentiment.
En résumé : un livre intéressant mais qui méritait plus de pages.
(par Laurent Boileau)
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