Faire de la bande dessinée quand on s’appelle Forest peut être aussi délicat que de se nommer Picasso et être peintre. Précisons donc d’emblée que Judith n’est pas la fille de Jean-Claude.
Sa première œuvre en bande dessinée (car cette jeune femme est également graphiste et photographe) parle beaucoup de rapports familiaux. Ainsi, après une quinzaine de pages, on fait la connaissance de son père. Ou plutôt, avec la relation e-épistolaire que Judith entretient avec lui. Leurs échanges de courriels vont servir de fil rouge à l’album.
C’est un dialogue de sourds. Lui, homme d’affaires trop occupé pour prendre le temps de s’arrêter. Elle, jeune provinciale inscrite aux beaux-arts, engoncée dans ses habits d’artiste en devenir.
A vrai dire, les premières pages de « 1h25 » laissaient craindre un récit assez convenu.
Cette première impression était fausse car ce premier album est d’une très grande finesse. En prenant ouvertement modèle sur le Journal de Fabrice Neaud [1], Judith Forest choisit de livrer des parts importantes de son intimité.
A l’entame de l’histoire, on subit quelque peu les agaçants comportements d’étudiants d’école d’art. Heureusement, dès les premiers chapitres, l’auteure porte un regard extrêmement lucide sur les gens qui l’entourent, et se détache de ce petit milieu nombriliste. On assiste alors à une lente maturation, tant de la jeune femme que de l’artiste. Entre le début et la fin du livre, le propos se fait plus précis, plus singulier aussi. Délicat, le dessin de Judith Forest suggère plus qu’il ne décrit, et sert à merveille le récit d’une jeune adulte à la recherche de son équilibre.
Judith Forest a décidé de se raconter avec une sincérité totale : dans ses souffrances, ses espoirs et ses addictions. La sincérité est une vertu qui n’est pas toujours synonyme d’intérêt. Mais « 1h25 » est bien plus qu’un simple livre sincère, c’est une première œuvre brillante.
(par Morgan Di Salvia)
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[1] Quatre volumes parus chez Ego Comme X entre 1996 et 2002
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