La page Astérix et Disney, les expositions phares de l’année dernière, est tournée. Sous la présidence de Willem, qui n’a fait qu’une courte apparition le 27 novembre dernier lors de la présentation à la presse et aux éditeurs de la prochaine édition, le FIBD revient donc à la bande dessinée "sérieuses". Accueilli dans les murs de l’Institut du Monde Arabe et de son directeur Jack Lang, grand promoteur de la bande dessinée pendant sa vie politique, le Festival a présenté le menu des réjouissances pour l’édition 2014. Si Franck Bondoux ouvre l’édito du dossier de presse en posant la question « que va-t-il se passer dans le monde du 9e Art ces dix prochaines années ? », en ce qui concerne le programme des expositions, l’accent est plutôt donné sur le patrimoine et les rétrospectives.
L’exposition phare de l’année prochaine est ainsi consacrée à Jacques Tardi et son travail sur la Grande Guerre. Commémorations obligent, le grand spécialiste de la période en bande dessinée est à l’honneur. Depuis près de 40 ans, la Première Guerre mondiale hante le travail de Tardi, avec des titres majeurs comme C’était le guerre des tranchées et Putain de guerre !, qui constitueront d’ailleurs la base de l’exposition, la troisième partie étant focalisée sur les travaux de l’artiste (affiches et illustrations) non publiés. C’est Jean-Pierre Verney, coscénariste de Putain de guerre ! et dont la collection forme l’essentiel des objets exposés au Musée de la Grande Guerre à Meaux, qui joue le rôle de conseiller scientifique, et même de représentant de son ami Jacques, qui ne sera pas présent à Angoulême.
Comme à chaque édition, le Grand Prix de l’année aura droit à une exposition rétrospective. Avec « Willem, ça c’est de la bande dessinée ! », 150 originaux présenteront donc plus de 40 ans de carrière de l’artiste néerlandais. Cela permettra à beaucoup de se rendre compte de la variété de son travail, qui ne se cantonne pas au dessin de presse. Parallèlement, un atelier de dessinateurs eux aussi néerlandais concevra pendant le Festival des affiches qui seront placardées dans la ville tout au long du week-end. Sous la direction de Joost Swaarte, l’initiative promet des lectures réjouissantes. Sous les BD, la plage !
Pour ses 50 ans, la jeune Mafalda, aura droit elle aussi à une exposition rétrospective. Très appréciée des lecteurs francophones, la fillette est une star absolue dans l’espace latino-américain et hispanique. Il faut dire que pendant la période de publication de ses strips (1964-73), elle a représenté une opposition pleine de finesse, de profondeur et d’impact sur la population argentine face au régime militaire en place. L’anniversaire sera d’autant plus émouvant que Quino, 81 ans, sera présent à Angoulême pour l’occasion. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte.
Avec Gus Bofa (1883-1968), le Festival va piocher un peu plus loin dans le patrimoine, tout en restant dans les classiques. En intitulant l’exposition « Gus Bofa, l’adieu aux armes », le commissaire Emmanuel Pollaud-Dulian (auteur de l’impressionnant Gus Bofa : L’enchanteur désenchanté, publié chez Cornélius le mois dernier) met l’accent sur le rapport du dessinateur avec la guerre et l’armée. Gustave Blanchot, mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, sera comme tous ses compagnons d’infortune fortement marqué par cette expérience et l’exprimera avec génie sous des formes variées (dessins de presse, livres illustrés, eaux-fortes, phototypies, etc) qui seront exposées à Angoulême grâce aux archives familiales des descendants de l’artiste.
Finalement, on s’aperçoit que la parenthèse ludique n’est peut-être pas aussi refermée qu’annoncée, puisque trois expositions sont clairement orientées vers un public jeunesse. Celle des Légendaires (plus grosse vente des Editions Delcourt avec Walking Dead), devrait attirer en masse les foules adolescentes. Que l’on ne s’y trompe pas, le succès de la série dessinée par Patrick Sobral atteint des niveaux que peu de séries ont tutoyé ces dernières années dans l’univers jeunesse. Au rayon des classiques, on trouvera le Journal de Mickey, qui fêtera l’année prochaine ses 80 ans d’existence. Avec un tirage toujours fringant, le journal fait partie des derniers monuments de la presse jeunesse. On attend avec impatience de voir ce que le commissaire Jean-Paul Jennequin a concocté pour lui rendre hommage. Enfin, dans un Musée d’Angoulême réinvesti, l’exposition "Ernest & Rebecca" reviendra sur les aventures de cette petite fille accompagnée de son ami le virus vert, réalisées par Guillaume Bianco et Antonello Dalena.
Pour être complet, n’oublions pas deux expositions à la tonalité plus grave, sur les violences faites aux femmes. "En chemin, elle rencontre..." présentera les trois tomes du recueil du même nom publiés chez Des ronds dans l’O, qui abordent les violences, le droit des femmes et l’égalité femme-homme. L’exposition "Fleurs qui ne se fanent pas" prendra place dans les caves du théâtre d’Angoulême, et montrera des œuvres de dessinateurs sud-coréens sur l’épineux sujet des "femmes de réconfort" pour les soldats japonais pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour clore le chapitre des expositions, évoquons "Misma" au musée du papier, sur les dix ans de cette petite maison d’édition, ainsi que "Du Transperceneige à Snowpiercer", sur les dessins de Jean-Marc Rochette en écho au film de Bong Joon-Ho.
Citons enfin les concerts de dessins, dont celui de Barbara Carlotti illustré par Christophe Blain, et le concert Melvile, avec les dessins de Romain Renard illustrés musicalement par… Romain Renard lui-même et son groupe. Plus une multitude de Rencontres internationales, mais nous aurons l’occasion d’y revenir avant la fin janvier.
Partenariats obligent, la présentation du Festival a été beaucoup occupée par les représentants de Cultura, de la SNCF, de kisskissbankbank et de la Caisse d’Epargne. On aurait pourtant aimé avoir une sorte de présentation officielle du nouveau trio placé à la direction artistique du Festival au printemps dernier. Ou du moins leurs commentaires sur leur vision de la manifestation pour les années qui viennent. Ce ne fut pas le cas. Nicolas Finet et Ezilda Tribot sont montés sur scène pour présenter quelques expositions, alors que Stéphane Beaujean est resté dans le public. On aurait apprécié également, et pourquoi pas ?, un clin d’œil à Benoît Mouchart, qui est resté dix ans directeur artistique du FIBD avant de poser ses valises chez Casterman. En ce qui concerne la prochaine édition, il n’aurait pas été inutile de préciser pourquoi Akira Toriyama, Prix du quarantenaire en janvier dernier, ne sera pas présent à Angoulême. Et pourquoi aucune exposition ne lui sera consacrée (en attendant 2015 ?), faute d’accord avec lui-même et ses éditeurs. Dans le même ordre d’idée, après les couacs du nouveau mode de scrutin l’année dernière, il aurait été pertinent de faire le point sur la question de l’élection du Grand Prix de la ville d’Angoulême (ce qu’a fait le Festival hier).
Et pour conclure, impossible de ne pas parler de l’intervention soudaine de Jean-Louis Gauthey, fondateur des éditions Cornélius. Perturbant le déroulement de la présentation, il monta sur scène pour se livrer à un véritable exercice de stand up, avec un réel bagou. Mais, alors que les auteurs de ce genre « d’incidents » s’opposent à la manifestation qu’ils troublent ou profitent de l’instant pour afficher des revendications, Jean-Louis Gauthey prit la parole pour se faire l’avocat de 9e Art +. Réagissant à la publication le matin même d’un article de la Charente Libre, il fustigea ceux qui montaient en épingle les problèmes de budget ou les querelles de personne. Brandissant la menace d’une disparition du Festival si l’on continuait ainsi à soulever des questions qui fâchent, il déclara que l’événement était un bien commun qu’il fallait, en quelque sorte, chérir. Il conclut en proclamant avec ferveur qu’il fallait pour le Festival, certes de l’argent, du bon esprit et le sens des responsabilités, mais surtout de l’amour. Cette sortie, cohérente avec le fait que les éditions Cornélius sont soutenues depuis des années par le Festival, laissa le public pour le moins perplexe. Franck Bondoux reprit alors la parole en remerciant cet appui confraternel, regrettant qu’on voulut détruire quelque chose qui fonctionnait. Voulant peut-être dire par là, problématique récurrente entre le directeur de 9e Art + et certains médias, que l’organisation du Festival d’Angoulême devait nécessairement être exempt de critiques.
Avant de donner la liste des 62 livres en compétition pour 2014, terminons par une information que le grand public n’a pas forcément en tête à l’heure de la remise des Prix : la composition du Grand Jury qui attribuera les fauves des différentes sélections. En qualité de Grand Prix, Willem est le président de ce jury, et sera accompagné de Jean-Pierre Fuéri (Journaliste à Casemate), Samuel Le Bihan (Acteur), Jean-Claude Loiseau (Journaliste à Télérama), Lisa Mandel (Auteure), Catherine Meurisse (Auteure) et Denis Robert (Journaliste et auteur).
Ainsi se tut Zarathoustra – Nicolas Wild (La Boîte à Bulles / Arte éditions)
Annie Sullivan & Helen Keller – Joseph Lambert (çà et là / Cambourakis)
L’Attaque des titans #1 – Hajime Isayama (Pika)
C’est toi ma maman ? – Alison Bechdel (Denoël Graphic)
Carnet du Pérou – Sur la route de Cuzco – Fabcaro (Six Pieds sous terre)
Cesare #1 – Fuyumi Soryo (Ki-oon)
Charly 9 – Richard Guérineau et Jean Teulé (Delcourt)
Le Chien qui louche – Etienne Davodeau (Futuropolis)
Come Prima – Alfred (Delcourt)
Deadline – Christian Rossi et Laurent-Frédéric Bollée (Glénat)
L’Étranger – Jacques Ferrandez (Gallimard)
Fenêtres sur rue – Matinées / Soirées – Pascal Rabaté (Soleil)
Fuzz and Pluck #2 – Splitsville – Ted Stearn (Cornélius)
Goggles – Tetsuya Toyoda (Ki-oon)
Goliath – Tom Gauld (L’Association)
Les Guerres silencieuses – Jaime Martin (Dupuis)
Hawkeye #1 – Ma vie est une arme – David Aja, Javier Pulido et Matt Fraction (Panini)
In God We Trust – Winshluss (Les Requins Marteaux)
Jonathan #16 – Celle qui fut – Cosey (Le Lombard)
Kililana Song #2 – Benjamin Flao (Futuropolis)
Lastman #1 – Bastien Vivès, Balak et Michaël Sanlaville (Casterman)
Le Livre de Léviathan – Peter Blegvad (L’Apocalypse)
Macanudo #4 – Liniers (La Pastèque)
Mauvais genre – Chloé Cruchaudet (Delcourt)
Mon ami Dahmer – Derf Backderf (çà et là)
Opus #1 – Satoshi Kon (Imho)
Paco les mains rouges #1 – Éric Sagot et Fabien Vehlmann (Dargaud)
Un petit détour et autres racontars #3 – Hervé Tanquerelle et Gwen de Bonneval (Sarbacane)
La Propriété – Rutu Modan (Actes Sud BD)
Le Roi des mouches #3 – Sourire suivant – Mezzo et Pirus (Glénat)
Saga #1 – Fiona Staples et Brian K. Vaughan (Urban Comics)
Les Temps mauvais – Madrid 1936-1939 – Carlos Giménez (Fluide Glacial)
La Tendresse des pierres – Marion Fayolle (Magnani)
Vapor – Max (L’Apocalypse)
Les Voleurs de Carthage #1 – Le Serment du Tophet – Hervé Tanquerelle et Appollo (Dargaud)
Agito Cosmos #2 – Pro Humanitae – Fabien Mense et Olivier Milhaud (Glénat)
Battling Boy #1 – Paul Pope (Dargaud)
Carnets de Cerise #2 – Le Livre d’Hector – Joris Chamblain et Aurélie Neyret (Soleil)
Détective Rollmops – Olivier Philipponeau et Renaud Farace (The Hoochie Coochie)
Jane, le Renard et moi – Isabelle Arsenault et Fanny Britt (La Pastèque)
Kairos #1 – Ulysse Malassagne (Ankama)
Klaw #1 – Eveil – Joël Jurion et Antoine Ozanam (Le Lombard)
Louca #1 – Coup d’envoi - Bruno Decquier (Dupuis)
Le Monde de Milo #1 – Christophe Ferreira et Richard Marazano (Dargaud)
Space Brothers #1 – Chûya Koyama (Pika)
Walhalla #1 – Terre d’écueils – Marc Lechuga et Nicolas Pothier (Glénat/Treize Étrange)
Zita, la Fille de l’espace #1 – Ben Hatke (Rue de Sèvres)
Amy et Jordan – Mark Beyer (Cambourakis)
Cowboy Henk – Herr Seele et Kamagurka (Fremok)
Fritz the Cat – Robert Crumb (Cornélius)
Frontline Combat volume 2 – Collectif – Harvey Kurtzman (Akileos)
Jack Kirby Anthologie – Jack Kirby (Urban Comics)
Melody – Sylvie Rancourt (Ego comme X)
Nancy – 1943-1945 – Ernie Bushmiller (Actes Sud / L’An 2)
Poissons en Eaux troubles – Susumu Katsumata (Le Lézard noir)
Spirou par Y. Chaland – Yves Chaland (Dupuis)
Les Trois Royaumes – Luo Guanzhong (Fei)
Heartbreak Valley – Simon Roussin (Editions 2024)
Lartigues et Prévert – Benjamin Adam (La Pastèque)
Ma Révérence – Rodguen – Wilfrid Lupano (Delcourt)
Scalped #8 – Le Prix du salut – R.M. Guéra et Jason Aaron (Urban Comics)
Tyler Cross – Brüno et Fabien Nury (Dargaud)
(par Thierry Lemaire)
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