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Abdallahi [Première partie] par C. Dabitch et J-D. Pendanx - Futuropolis

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 mars 2006                      Lien  
Après les exacerbations de la provocation et de la colère, il était nécessaire que l'on revienne à une image du dialogue entre l'Occident et l'Islam plus apaisée, davantage fondée sur les apports respectifs entre les deux civilisations. La palette profonde des dialogues et des couleurs de l'album de Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch permet cette lecture.

En lisant Abdallahi, une BD qui retrace de façon romancée la vie de René Caillié, le premier Français à entrer dans Tombouctou en 1828, ville alors réputée impénétrable pour les Chrétiens, on pense aux lettres du Harare de Rimbaud. On y retrouve, quelques décennies avant le poète, la même figure d’un Français déraciné, fils d’un ancien bagnard qui tente d’échapper à sa condition dans le cas de Caillié ; poète en perdition échappé de l’"enfer" dans le cas de Rimbaud, espérant un coup facile pour rentrer à Charleville suffisamment doté et y vivre le reste de ses jours « avec une rente et une femme ». Comme « l’homme aux semelles de vent », Caillié est un enfant de France empêtré dans les contradictions entre sa propre altérité que lui renvoie ses rencontres avec les Africains, pour lesquels il ne sera jamais qu’un Blanc, un Chrétien, un Français... et la réalité, forcément plus complexe, ne cadrant avec aucun cliché, ni aucune idée reçue, qu’il découvre sur un continent à bien des égards fascinant.

Pour survivre, il développe des trésors de dissimulation, perfectionnant à chaque étape la fiction qu’il a organisée autour de son identité factice, comme ce Coran qu’il connaît bientôt mieux maintenant que les docteurs de la foi et qui lui sert de blanc-seing en terre musulmane. Son objectif ? Être le premier Français à entrer dans Tombouctou, un exploit pour lequel il a été promis une bourse rondelette à tout citoyen qui y parviendrait. C’est avant tout l’aventure qui le pousse à conquérir ces contrées, terrifiantes parce qu’alors encore inconnues, encore en blanc sur les cartes. Ce récit revient, après d’autres, sur les débuts de la colonisation française en Afrique centrale. Avec sa vision créatrice et sensible quoique soigneusement documentée, grâce au talent du journaliste Christophe Dabitch, Abdallahi fait aussi penser au travail colossal des huit volumes sur l’histoire de l’Algérie, entrepris par Jacques Ferrandez dans ses « Carnets d’Orient ».

On découvre dans ce continent aux mille et une facettes un Islam conquérant favorisé par un ancrage sincère et profond de la foi musulmane au sein de peuplades très différentes ; mais aussi un commerce traditionnel d’esclaves, lesquels sont quelquefois vendus par leurs propres chefs de village ; des aventuriers atypiques venus chercher dans ce bout du monde une gloire ou des gains faciles ou, plus simplement encore, une identité...

Le travail graphique de Jean-Denis Pendanx est somptueux. Il y a bien plus qu’une documentation comme appui de cette fresque magnifique : il y a un ressenti, ce sentiment qui éclaire la connaissance. Ces lumières, ces visages, ces bâtisses en torchis, ces paysages - du désert fatal à l’oasis luxuriante - laissent une impression belle et forte, comme le ferait un inoubliable voyage.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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