Régulièrement entretenue dans les médias, l’affaire « Tintin au Congo » continue d’enflammer les esprits. Dans une émission assez opportuniste de Frédéric Taddéi sur France 3, le 15 décembre dernier, l’album d’Hergé a eu droit à un sévère réquisitoire de Michel Piccoli qui qualifie l’œuvre et son auteur de « malhonnêtes ». « On ne va pas pleurer sur Tintin ! » dit-il, péremptoire, appellant à son interdiction. De son côté, le sociologue Edgar Morin contextualise l’œuvre dans une époque « imbibée de racisme », appelant à une prise de conscience politique. L’économiste Michel Godet s’insurge : « Il faudrait alors supprimer tous ces westerns où les Indiens se font tirer comme des bisons ! ». Le débat restera sur cette passe d’armes pour se terminer dans un éclat de rire.
Zemmour défend Tintin au Congo par zaxx
De son côté, le ministre français de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand a pris position en faveur de Tintin. Le même jour, le député UMP (droite présidentielle) Christian Vanneste a interrogé le ministre de la culture et de la communication sur « la demande de censure de l’ouvrage Tintin au Congo par certaines associations communautaristes ou d’extrême-gauche ». Il aimerait connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet. [1].
La réponse du ministre est sans ambages : « Les contestations qui visent actuellement Tintin au Congo s’inscrivent dans le prolongement d’une polémique qui ressurgit à intervalles réguliers. Les demandes d’interdiction de l’album d’Hergé, ou d’insertion d’une mise en garde des lecteurs, font ainsi suite à une action en justice intentée en Belgique et aux décisions prises par des bibliothèques et une chaîne de librairies étrangères, de confiner l’ouvrage dans des sections réservées aux adultes. La version de l’album concernée par ces mesures est celle qu’Hergé a publiée en 1931. L’auteur a entrepris de la remanier en 1946, conscient d’avoir été marqué par les représentations coloniales qui caractérisaient son époque et son milieu. Pour autant, l’album d’Hergé ne révèle ni virulence idéologique ni caractère haineux. Les limites consenties par le cadre législatif français au principe de liberté d’expression sont définies de manière stricte et ne sauraient justifier une systématisation des demandes d’interdiction. Une telle évolution serait contraire tant à l’esprit qu’à la lettre de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer les actes racistes, antisémites ou xénophobes. Le cas spécifique des publications à destination de la jeunesse, réglementé par la loi de 1949 qui confère des compétences en la matière à l’autorité administrative, n’autorise pas davantage à banaliser la censure. L’application de ces dispositions appelle une extrême vigilance et un discernement particulier, afin de parvenir à combiner en toute rigueur la préservation de la liberté de création, les sanctions aux atteintes à la dignité humaine et le respect de la pluralité des identités. »
Il n’y a plus qu’à espérer que le procès belge se conclue rapidement afin de clore cette affaire qui empoisonne les esprits.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : M. Frédéric Mitterrand. Photo : DR
[1] Les questions et réponses de l’Assemblée nationale sont consultables en ligne.
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