Pour un thème aussi évocateur, c’est dans un des quatorze musées traitant de la Bataille des Ardennes que Philippe Jarbinet nous convia pour présenter son dernier-né. Le mot n’est pas trop fort, car l’auteur ardennais est né dans un haut-lieu de la Seconde Guerre mondiale, et cela fait plus de vingt ans qu’il pense à ce récit.
"Ma grande-tante est décédée lors de l’offensive américaine, la moitié de sa maison ayant été ravagée par une bombe US, témoigne l’auteur. C’est d’ailleurs ainsi que mes parents ont hérité de la demeure où j’ai grandi. Sans cela, jamais je n’aurais entamé ce récit !"
Philippe Gillain, conservateur de ce Musée Décembre 1944, fut également le conseiller de Jarbinet, en ce qui concerne les uniformes des soldats : des casques aux boutons, en passant par les tanks et la présence ou non de neige en tel lieu. "Je pense que Philippe a du me trouver sacrément chiant (excusez-moi du terme) quand il a dû recommencer bien des dessins, explique le conservateur, car la tête de mort de tel uniforme n’était pas correcte, ou qu’il manquait un aigle sur un revers de col ! Mais quand on sait qu’il existait par exemple des centaines de casquettes allemandes différentes, on comprend toute la difficulté à entreprendre un récit illustré de détails réalistes !"
Véritable référence de cette incontournable contre-attaque allemande qui faillit être une des rares défaites des Alliés dans la reconquête de l’Europe, Phillippe Gillain a reconstitué dans son musée les diverses progressions des opposants, ainsi que des scènes de campagnes dans le rude hiver 1944, et regroupe toute une série de clichés pris autant par les belligérants que les locaux. Jusqu’à la fin décembre, les planches d’Airborne 44 décorent ce musée, permettant de mettre en perspective le souci de détail de l’auteur, donnant du mouvement aux Jeeps et aux hommes qui rappellent à leurs descendants l’âpreté des combats.
Derrière cette évocation de la Bataille des Ardennes, viennent se greffer deux importants pans du récit : le devoir de mémoire, et la vie qui continue, malgré la guerre, symbolisée par une histoire d’amour entre un GI déraciné et une jeune fermière.
D’un tempo particulier, dans l’œil du cyclone, l’épisode décrit reprend ces différentes thématiques pour les placer dans un ballet où la mort semble dominer en maître : elle plane sur les personnages, règne sur les photographies des génocides perpétrés par les nazis, et on se passionne pour ces héros, si communs mais attachants, en se demandant qui pourra lui échapper.
Malgré un début assez lancinant (sans doute le seul réel défaut de ce diptyque), Philippe Jarbinet est parvenu à construire un récit universel, une évocation aussi belle que terrible, et auréolée de planches profitant merveilleusement de ses couleurs directes. Si les détails historiques profiteront aux collectionneurs, le public ne s’y trompera pas et se passionnera pour ce sombre épisode de notre passé collectif. Un passé que nous ne devons pas oublier, sous peine de le revivre.
(par Charles-Louis Detournay)
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