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Alan Moore et Kevin O’Neill font renaître la Ligue

Par Charles-Louis Detournay le 22 février 2010                      Lien  
Après des années d'attente, voici les nouvelles aventures de la célèbre Ligue des Gentlemen extraordinaires ! Bien entendu, de nouveaux héros y apparaissent, mais aussi une nouvelle présentation qui déstabilise autant qu'elle intrigue. Bref, du grand Alan Moore.

Dans les souterrains du British Museum, le célèbre chasseur de fantômes Carnacki est assailli par les visions d’une secte occulte invoquant l’Enfant Lunaire et la fin du monde.

Sous les ordres des services secrets de Mycroft Holmes, l’aventurier Allan Quartermain, le voleur repenti Anthony Raffles et la mystérieuse Miss Murray, membres de la Ligue des Gentlemen extraordinaires, mènent l’enquête...

Alan Moore et Kevin O'Neill font renaître la Ligue

Pour ceux qui auraient vécu dans un univers parallèle, Alan Moore est sûrement le scénariste de bande dessinée le plus réputé au monde. Ses séries originales ont révolutionné le genre, telles Watchmen, Lost Girls, From Hell, V pour Vendetta, etc. Autant de films d’ailleurs conspués par le maître lui-même, arguant qu’ils dénaturent l’esprit de son œuvre.

Il faut dire qu’avec Alan Moore, rien n’est simple : les personnages sont torturés, les univers multiples et complexes, les références abondantes et souvent sibyllines. Une des meilleures preuves est sûrement la Ligue des Gentlemen extraordinaires qu’il créa avec Kevin O’Neil : deux longs récits d’une centaine de pages chacun qui jouaient adroitement avec des personnages mythique de la littérature populaire du 19e siècle pour les placer dans d’inextricables situations, souvent dues autant à d’abominables méchants qu’aux propres membres de la Ligue elle-même. Cette série a d’ailleurs été récompensée par cinq Eisner Awards.

Renaissance de la Ligue

Sans entrer dans le détail, il faut rappeler que la Ligue s’était dissoute d’elle-même à la fin de leur seconde aventure : après avoir tué l’homme invisible, Jekyll/Hyde se sacrifiait en bloquant les tripodes venus de Mars (allusion à La Guerre des Mondes, d’H.G. Wells.) Ulcéré par l’utilisation de bombes bactériologiques, le Capitaine Nemo retournait auprès de sa famille, tandis que Mina Murray, ex-fiancée furtive du comte Dracula, et le vieil Allan Quatermain mettaient fin à leur relation. Campion Bond, le grand-père de James, et Mycroft Holmes, le frère de Sherlock, n’avaient plus de membres à leur ligue si extraordinaire !

Le Black dossier sera-t-il un jour traduit en français ?

Plus de dix années se sont écoulées avant qu’une nouvelle ligue revienne en place. Peut-être un peu moins illustres que leurs prédécesseurs, ses membres demeurent issus de la littérature. Bien sûr, il reste l’inamovible Miss Muray ! Elle est accompagnée de Thomas Carnacki, détective du surnaturel, du fils d’Allan Quatermain, et de l’androgyne immortel Orlando, tiré du roman de Virginia Woolf, et enfin d’Arthur J. Raffles, un gentleman cambrioleur, précurseur d’Arsène Lupin, et créé en 1890 par E.W.Hornung, le beau-frère de Sir Arthur Conan Doyle.

Si cette équipe bigarrée semble comporter l’ensemble des éléments contradictoires pour fonder une équipe intéressante et compétente, Moore ne prend bizarrement pas beaucoup de temps pour les présenter, au contraire de la première équipe dont chacun avait une séquence individuelle dans le premier tome. Le scénariste se concentre plutôt sur la fille du capitaine Nemo, qu’il suit tout au long de l’intrigue, ponctuant son récit de citations de L’Opéra des Quat’sous de Bertold Brecht et Kurt Weill, comme V pour Vendetta était allusivement sous-tendu par la Cinquième de Beethoven, son introduction résume en une dizaine de pages l’essentiel des malheurs qui s’abattent sur elle. Le climat s’appuie également deux thèmes majeurs de l’œuvre d’Alan Moore : l’occultisme auquel il s’adonne depuis fort longtemps, et Jack l’éventreur, à qui il consacra un récit important et majeur, From Hell.

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de lire les Archives secrètes de la Ligue, ou le Black Dossier, un hors-série toujours inédit en français, il est indispensable de rappeler que c’est bien Allan Quatermain lui-même qui est ici mis en scène, devenu immortel après s’être baigné dans la Flamme de vie en Ouganda. Il se fait passer pour son propre fils, tentant de camoufler ce don auprès de ses supérieurs. De même, les liens entre Orlando, Mina et Quatermain sont mis en avant dans ces autres récits, en bande dessinée ou sous forme de nouvelles. Ceci explique l’apparente désinvolture de Moore dans la présentation de ses personnages. Une fois de plus, il faut chercher pour en découvrir la véritable teneur.

Le capitaine Nemo est devenu un vieil homme fatigué

La fin de la nostalgie

Quelques changements, hautement symboliques, apparaissent également dans la présentation : fini les détournements d’anciennes publicités ou les portraits sentencieux des « héros », mais une unique présentation des auteurs. Finis aussi ces commentaires de fin de chapitre qui parodiaient sarcastiquement les anciennes publications, le récit est cette fois d’un seul tenant, quittant les ambiances steampunk pour un décor plus moderne, moins nostalgique.

Au final, il serait sans doute injuste de trouver cette nouvelle mouture déconcertante. Le dessin de Kevin O’Neil correspond toujours aussi bien à l’évocation dure et à la fois fantastique et moderne de l’empire britannique. Certes, Alan Moore surprend avec ce virage serré dans la construction de ces aventures, mais avec les références et l’ambiance spéciale qu’il créée, la surprise n’est-elle pas un élément déterminant de ses récits ? Il faut donc, pour en profiter pleinement, prendre cette nouvelle mouture pour ce qu’elle est, sans pour autant la rattacher aux aventures précédentes.

D’ailleurs, les deux autres volumes de cette nouvelle trilogie s’avèrent prometteurs, car elles se dérouleront en 1968 et enfin en 2008. Certains nouveaux membres de la Ligue devraient donc disparaître au profit d’héros populaires plus modernes. De plus, beaucoup de clés sont déjà livrées dans la nouvelle illustrée qui conclut ce premier tome. On y évoque les premiers immortels, le lien avec la Lune, de futurs membres de la Ligue, un de leurs anciens ennemis, et les liens amoureux entre certains d’entre eux. Bref, cette nouvelle trilogie se présente définitivement comme un défi à la hauteur de la renommée de la série et des ses auteurs !

(par Charles-Louis Detournay)

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Code EAN :

La ligue des Gentlemen extraordinaires, Century 1910 T1 - Par Alan Moore & Kevin O’Neil - Delcourt

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Lire également notre dossier spécial consacré à Alan Moore

 
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