On l’apprend par un communiqué d’Hachette Livre : « Hachette Livre achète à Albert Uderzo sa participation de 40% dans les Éditions Albert René, détenue via la société SYADAL, et à Anne Goscinny, fille de René Goscinny, sa participation de 20% ». Ce faisant, le premier groupe français d’édition qui était déjà l’éditeur des 24 premiers tomes de la série, prend le contrôle des droits éditoriaux d’Astérix ainsi que de l’ensemble des droits dérivés liés au personnage, y compris les droits audiovisuels.
Depuis la création de la série en 1959, près de 325 millions d’albums ont été vendus, les droits dérivés générant chaque année plusieurs millions d’euros. Le dernier titre avait tiré à 8 millions d’exemplaires vendus dans 27 pays. Selon Livres Hebdo cité par l’AFP, la société d’édition avait généré 11,3 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2007.
Nous ne sommes pas surpris par cette annonce. Lorsque le 9 septembre 1998, à l’issue d’un long procès, Albert Uderzo récupère les 24 premiers titres d’Astérix jusque là publiés chez Dargaud, il ne les donne pas à Albert René, la société d’édition qu’il a créée en 1977 pour exploiter les droits d’Astérix, il les donne à… Hachette. Pourquoi ? Parce que la fille de René Goscinny détenait 20% de cette société et que l’apport de ces titres à cette entité risquait de rompre les équilibres entre les ayant-droits et les actionnaires. Par ailleurs, Hachette était déjà le diffuseur-distributeur d’Albert-René.
Transmission d’entreprise
Il faut toujours compter avec Albert Uderzo. Déjà, en 1977, lors de l’enterrement de René Goscinny au cimetière de Montparnasse, Georges Dargaud avait commis la gaffe suprême, il avait déclaré : « Goscinny est mort, Astérix est mort ». Uderzo s’est senti humilié. Non seulement il a accompli le vœu de Goscinny d’éditer Astérix lui-même, mais il en a en plus publié neuf albums de mieux, cumulant des ventes bien plus importantes que celles que René Goscinny avait connues au cours de sa vie. A cette exploitation, il faut ajouter un Parc Astérix qui a réussi à rester tout au long de ces années, substantiellement bénéficiaire et quelques films qui ont crevé les plafonds du box office. Le tableau serait parfait si l’entreprise qu’il avait entre-temps confiée à sa fille unique, Sylvie Uderzo, n’avait créé entre elle et lui des frictions qui, au fil des ans, sont devenues inconciliables, au point que la gestion de la société lui avait été retirée il y a 18 mois.
C’est finalement une décision sage de la part du créateur, 81 ans aux chanterelles, que de confier son œuvre à un opérateur neutre, mais compétent et puissant, qui en assure la gestion sur le long terme et le rayonnement international. « À mon âge, déclare Uderzo à l’AFP, il était temps de songer à l’avenir de l’œuvre que j’ai créée avec mon ami René Goscinny ».
C’est aussi la fin d’une époque, celle où les pionniers de la bande dessinée contrôlaient la gestion de leurs droits patrimoniaux. Depuis plusieurs années, avec la disparition de leurs créateurs, la plupart des grandes séries qui ont fait la gloire de la bande dessinée franco-belge : Tintin, Blake & Mortimer, Lucky Luke, les Schtroumpfs, le Marsupilami, Boule & Bill, Achille Talon, Cubitus… sont animées par d’autres talents que leurs créateurs d’origine et exploités par des grands groupes d’édition. La vente des éditions Albert René et des droits d’Astérix à Hachette, au-delà des très humaines questions familiales et patrimoniales, n’est jamais finalement qu’une banale question de transmission d’entreprise.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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