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Alessandro Barbucci ("SkyDoll") : « Dans "Chosp", j’utilise l’ironie comme une arme face à la stupidité »

Par Charles-Louis Detournay le 14 décembre 2010                      Lien  
Le co-créateur de SkyDollpasse la vitesse supérieure ! Non seulement, il travaille sur les tomes 4 et 5 de cette série devenue fameuse et qui ressort sous une nouvelle mouture, mais il reprend également le dessin de Lord of burger tout en lançant une nouvelle série délirante : Chosp !

Alessandro Barbucci ("SkyDoll") : « Dans "Chosp", j'utilise l'ironie comme une arme face à la stupidité »
Après avoir travaillé des années en studio ou en équipe, vous vous attaquez seul à une nouvelle série, Chosp. Une envie de développer seul votre imaginaire ?

Oui ! Le travail d’équipe est très enrichissant, mais cela comporte également ses propres contraintes. Après cette complexité, j’avais envie de simplicité. En plus, je n’avais jamais réalisé un projet tout seul. C’était en quelque sorte un défi, je me suis mis à l’épreuve... Cela dit, ça n’a pas duré longtemps : ma femme Nolwenn m’a rejoint sur la réalisation des couleurs.

De par son format et son graphisme, Chosp pourrait ressembler à un manga, pourtant on y retrouve des références européennes alors que le principe du héros différent des autres est très inspiré des comics. Était-ce une envie de mélanger ces différentes cultures ?

C’est quelque chose qui m’arrive tout le temps, et spontanément. Dans SkyDoll, il y avait déjà des influences variées, ainsi que dans Witch. Ce qui change à chaque fois, c’est le “dosage” : l’influence manga est plus forte dans Chosp que dans les autres séries.

Chosp est récit aussi drôle que piquant, fortement inspiré des codes du manga

En intitulant votre premier tome, Le Pouvoir aux moches, et en choisissant un héros plutôt repoussant au milieu d’un univers où le paraître semble primordial, ne tentez-vous pas de casser l’image de notre société qui se focalise surtout sur les préjugés physiques ? Quel message voulez-vous faire passer aux enfants et adolescents qui vous lisent ? Que l’individualité doit dépasser l’esprit de masse ?

Je trouve que notre société est effrayante et grotesque. J’essaie d’utiliser l’ironie comme une "arme" à opposer aux attaques de stupidité que notre société nous réserve chaque jour. Je n’ai pas vraiment de message à faire passer ; moi aussi, je vis dans cette société, avec toutes ses contradictions. On se dit souvent qu’« on fait partie de cette masse qui méprise la masse » ! (rires) Je suis donc conscient de faire partie d’un groupe : le groupe de ceux qui disent "je déteste être dans la masse globale". Enfin, je crois que l’important est de ne pas perdre l’ironie. La parodie et la satire restent des armes très puissantes.

Bien entendu, l’humour joue une part importante dans le récit : le fait de pouvoir se moquer de soi-même, mais aussi de rire des autres avec les autres. D’ailleurs chacun de vos personnages semblent avoir sa propre tare : laideur, difficulté à s’intégrer, etc. L’humour est-il alors le remède aux barrières qu’on place malgré nous ?

Les personnages sont tous névrosés. Tous, sauf Chosp, le personnage principal, qui entame sa quête en toute tranquillité, mais avec beaucoup d’énergie. Il est très optimiste et sans préjugé. J’aime être avec lui en écrivant l’histoire, car il représente l’innocence et, en même temps, il possède l’ouverture d’esprit de quelqu’un qui a vu et vécu plein de choses bizarres. Son humour découle de tout cela ! Comment prendre au sérieux le monde complètement fou qui l’entoure ? J’aimerais bien être comme lui, mais ce n’est pas toujours facile !

La recherche des origines de Chosp va-t-elle se placer comme cœur de la série ? Avec une hypothèse évoquée à chaque album ? Ou allez-vous doubler cela d’une autre intrigue, maintenant que les personnages sont introduits ?

Les deux ! Dans chaque épisode, Chosp suit une hypothèse différente sur ses origines. Dans le tome 2, il se convaincra, aidé par son amie Melody, d’être un démon sorti des enfers ! Tout le récit sera donc en mode "horreur". Mais sa quête va lui faire découvrir les mystères les plus sombres de l’île. Il en dévoilera d’ailleurs un qui concerne toute la population de Tee-ville. Fin, je n’en dirai pas plus !

Si la première partie du récit est en couleurs, la seconde est en noir et blanc, renforçant cette impression ’manga’. Mais les prochains devraient être totalisement colorisés.

Que cela soit dans le séquençage en chapitres, les mimiques ou la gestuelle des personnages, on ressent fort la dimension manga. Encore plus en voyant la pagination ou le format du livre. Voulez-vous prouver qu’on peut faire des livres européens tout aussi denses et attirants pour les adolescents ? Est-ce pour cela que le premier chapitre est en couleur alors que la suite est en noir et blanc ?

Tout est né assez spontanément. L’histoire de Chosp est assez longue, et j’avais envie de prendre mes aises pour pouvoir la raconter sans devoir compter les pages, sans me restreindre à une pagination. En plus, je veux produire à toute vitesse : 1 ou 2 albums par an ! Tout ça mène forcément à des ressemblances avec les mangas. Ne pas mettre en couleurs la totalité de l’album est un choix, expliqué par le gain de temps. L’histoire, le scénario devrait suffire à communiquer les ambiances sans avoir à donner une couleur à chaque objet. Cependant, une version full colored est possible. Nous avons fait des tests et on a décidé que l’ensemble de la série serait entièrement colorisé. Ça commencera avec le tome 2.

Ce premier tome compte 120 pages, ce qui fort dense. Combien de temps mettez-vous à dessiner un tel contenu ? Quand pourra-t-on avoir le second tome de la série ?

J’écris et dessine une planche par jour (oui, je suis assez rapide !). En tenant compte de mes nombreux projets, je compte publier un Chosp tous les 6/8 mois. Le tome deux est déjà très avancé et sera en vente en mai 2011.

Chosp doit certainement vous prendre beaucoup de temps, aurez-vous la possibilité de continuer Lord of Burger, une autre série qui revendique également ce lien entre bande dessinée et manga ? Quel est l’avenir de celle-ci ?

Lord of Burger continue et, en plus, je reprends la relève du dessin ! Le premier tome était dessiné par Balak et Zimra, alors que je n’avais fait que créer graphiquement les personnages et les décors. Mais je reprends donc le dessin à part entière, et je viens de terminer aujourd’hui le tome 3. Avec une assistante au "clean-up", j’arrive à avancer très vite sur cette série ! Glénat a des grands projets pour Ambre et Arthur, les protagonistes de ce drôle d’euromanga. Et avec tout ça, SkyDoll continue bien évidemment !

Concernant le SkyDoll Decade qui vient de paraître, ce très beau livre reprend donc les trois premiers tomes, ainsi que l’introduction du tome 0 impossible encore à trouver dans le commerce. Pourquoi avoir choisi de ne pas republier SkyDoll’s Factory ? Le propos n’est plus intéressant ?

Excellente question, qu’il faudra la poser à l’éditeur ! (rires) Disons que SkyDoll Factory est né comme un "beau livre", on ne s’attendait pas à un tel succès. Depuis, on n’y a plus pensé. On verra après le tome 4...

Tome 0 : Doll’s factory explique la genèse de Noa

L’idée de SkyDoll provient entre autres de l’influence de l’église catholique. Comment pensez-vous que celle-ci progresse actuellement ? Cela ne vous donne-t-il pas des sujets pour de nouvelles aventures ?

L’église catholique nous a définitivement écœurés ! Nous n’avons même plus envie d’en parler, c’est un chapitre clos. Le but de SkyDoll, c’est de parler de la religion en général : ce qui pousse les gens à la quête du divin et comment certaines religions utilisent la foi des croyants pour les manipuler. Nous nous inspirons et aborderons d’autres cultes pour la suite.

Est-ce que ce sont les expériences réussies du livret du coffret des trois tomes et des illustrations de SkyDoll’s Factory qui vous ont poussé à réaliser cet hommage à votre personnage ?

Bien avant le coffret des trois tomes, nous avons commencé à recevoir des "hommages" que d’autres artistes réalisaient spontanément. Nous les avons trouvés très beaux ! outre les aspects esthétiques et amicaux, c’est très intéressant de voir ses propres personnages interprétés par d’autres, comment ils sont vus et ressentis par d’autres artistes. Dès lors, nous avons commencé à en demander, entre autres à Claire Wendling, mais au lieu d’un petit dessin, elle nous en a envoyé une vraie collection ! De là nous est venu l’idée de les rassembler et de tout montrer au public dans le livret du coffret. La suite est venue alors très facilement. Finalement, nous avons ainsi une centaine d’hommages à SkyDoll !

On y retrouve des auteurs qui ont réalisé une part de SkyDoll Collection et d’autres issus de la collection Métamorphose de Barbara Canepa. Comment avez-vous choisi ces divers intervenants ?

Comme tu as dit, nous aimons demander ça à des artistes que nous connaissons et estimons, et aux copains. D’autres ont été découverts sur le Net, à travers des "concours" organisés par Barbara. Nous avons même un site Internet avec ses compétitions et ses résultats.

Heaven Dolls se révèle être une mini-série de gags mettant en scène vos personnages dans la société de lavage. Comment cela vous est-il venu à l’esprit ?

Les gags de Heaven Dolls ont été créés pour Lanfeust Mag, dirigé par Arleston. En voyant que l’histoire de la série prenait un virage de plus en plus dramatique, nous avons voulu revenir vers cet aspect plus léger des Dolls : leur naïveté et leur ironie.

Heaven Dolls, initialement publié dans le Lanfeust Mag allège grâce à ses gags le ton plus dramatique de la série.

Après cette première décade (même si SkyDoll est née en 1997), quel regard portez-vous sur la réussite de votre série ? Comptez-vous continuer la SkyDoll Collection ou pensez-vous être allé là où vous le désiriez ?

En regardant notre parcours, nous sommes plus que jamais convaincus qu’il faut continuer, même si le projet demeure compliqué et parfois "lourd". Nous ressentons la pression d’une certaine "responsabilité" envers les fans de la série. C’est pour cela que nous ferons deux autres tomes de la série mère et quelques SkyDoll Collection à côté.

Avec vos divers travaux et les activités de Barbara Canepa, le lecteur peut se demander quand vous allez entamer un nouvel album de SkyDoll ? Comptez-vous prolonger la trame évoquée dans la ‘fin alternative’ de la Ville blanche dans la collection 2B qui semblait clore la série ?

Initialement, la fin était effectivement bien prévue dans le T3, comme on peut voir dans l’édition 2B, mais nous n’en étions pas satisfaits. C’est pour cela que nous l’avons modifiée en ouvrant un nouveau chemin pour Noa et ses compagnons. Ils auront à traverser encore deux planètes, correspondants à deux autres religions, avant de se trouver face au final. Nonobstant nos nombreuses activités (nous n’arrivons vraiment pas à nous calmer ! (rires) ), nous avons entamé le quatrième tome, ainsi que le cinquième également ! Ce dernier terminera la série, ou au moins clôturera Le Cycle des papesses.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Du même auteur, lire nos articles traitant de SkyDoll et Lord of burger
Lire les premières pages de SkyDoll Decade

 
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