Né en 1970 dans l’Oregon, puis élevé au Texas, Nelson Alexander Ross, dit Alex Ross, est précocement sensibilisé au monde du dessin et de l’image par sa mère, Lynette. En effet celle-ci étudie dans les années 1940 à l’American Academy of Art de Chicago, là où plus tard Alex Ross lui-même ira se former. Elle devient illustratrice de mode avant d’interrompre sa carrière pour fonder une famille et finalement la reprendre trente ans plus tard.
Enfant, Alex Ross demande souvent à sa mère de lui dessiner certains super-héros et lui-même, très tôt, se lance dans ce type d’exercice. Il rend d’ailleurs hommage à Lynette de multiples façons, lui dédiant l’ouvrage Mythology ou en reprenant le dessin d’une "Batlady", effectué par sa mère encore étudiante, pour une de ses propres représentations de Batwoman.
Durant ses études d’art, entamées à 17 ans, il se trouve fortement influencé par l’hyperréalisme, celui du dernier Dali mais aussi et surtout celui qui se déploie aux États-Unis à la suite de l’expressionnisme abstrait et du Pop Art. Il est également marqué par les œuvres de grands illustrateurs américains comme Andrew Loonis ou Joseph Christian Leyendecker. À la croisée de ces deux univers on trouve naturellement la référence fondamentale concernant l’art d’Alex Ross : Norman Rockwell.
Alex Ross, celui qui rend réel l’irréel
Son diplôme en poche, Alex Ross devient d’abord illustrateur dans une agence de publicité. Mais il entre dans le monde du comics dès ses 19 ans, chez Marvel, avec Terminator : The Burning Earth (une commande) et se fait remarquer grâce à Marvels composé avec Kurt Busiek.
S’il commence à être reconnu pour ses gouaches photoréalistes, style et technique qui le distinguent et l’identifient pleinement, sa carrière prend un tour décisif avec Kingdom Come, coécrit avec Mark Waid. Cette mini-série de 1996 est aujourd’hui considérée par les historiens du comics comme signant la fin de L’Âge Sombre et le début de l’Âge Moderne du comic-book [1].
Les talents d’illustrateur d’Alex Ross, même si certains considèrent son style comme "pompier", sont aujourd’hui internationalement reconnus. Son style, immédiatement reconnaissable, vise à rendre réel l’irréel, à donner l’impression au lecteur de côtoyer physiquement, de frôler les super-héros qui sont d’habitude cantonnés à notre imaginaire. Son succès est tel que la catégorie de "meilleur peintre" du Comic Buyer’s Guide Fan Awards fut retirée de la compétition après sept victoires -écrasantes- consécutives d’Alex Ross.
Une exposition riche et pertinente
L’exposition proposée au Mona Bismarck American Center For Art & Culture, sous la direction de son commissaire Jesse Kowalski, est organisée par le Andy Warhol Museum, un des quatre musées Carnegie de Pittsburgh.
Sur trois grandes salles nous avons donc l’occasion de découvrir les différentes orientations ainsi que les origines de la carrière d’Alex Ross. Mais aussi certains de ses procédés graphiques, quelques-unes de ses influences. Les œuvres présentées alternent entre des impressions sur toile, de vastes panneaux, des gouaches sur papier, des lithographies et des dessins, notamment des réalisations d’enfance.
Le parcours est simple et déborde le cadre strict des productions DC. Après un introduction à l’univers des comics les réalisations d’Alex Ross sont classées en fonction des héros concernés. Des éléments de contextualisation et d’explication sont fournis, sur les influences et la technique notamment.
Certaines œuvres sont ainsi judicieusement mises en regard : certaines évidentes et connues comme la pochette de Bohemian Rhapsody, album de Queen, sur le JLA : The Original Seven ; d’autres plus étonnantes comme un Avengers face au Peace Corps de Norman Rockwel.
Retiennent particulièrement l’attention les dessins d’enfant. L’âge de leur réalisation frappe déjà : certains alors qu’Alex Ross n’avait que 4 ans ! Surtout, l’évolution de ses propres inventions en matière de comics, entre 10 ans et 13 ans, sidère tout bonnement.
Un ouvrage somptueux et éclairant
En complément de ces découvertes, le volume Mythology, par Chip Kidd et Geoff Spear, publié chez Urban Comics - 336 pages au prix de 39 euros - se révèle une mine extraordinaire. Outre les reproductions des travaux du dessinateur on y trouve de nombreux croquis, des dessins préparatoires et différents textes explicatifs d’Alex Ross lui-même sur ses choix et ses méthodes.
Présenté comme le catalogue de l’exposition, le volume déborde celle-ci très largement en proposant un matériaux faramineux, mais tout en négligeant pourtant certains de ses éléments, notamment ce qui relève de l’univers de l’éditeur Marvel, mais aussi certains des éléments d’enfance qu’on ne peut donc observer qu’à l’exposition. Manque sans doute aussi un sommaire pour se repérer dans l’ensemble.
Mais la masse d’information est telle, et les sortes de dossiers constitués si passionnants, qu’on passe rapidement sur ce désagrément. Ainsi, on notera particulièrement un beau passage consacré à Uncle Sam et surtout une sorte de reportage portant sur la technique du dessinateur, fondée sur la photo et sur le travail avec ses modèles. Véritablement passionnant.
(par Aurélien Pigeat)
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Visiter le site du Mona Bismarck American Center For Art & Culture
Se rendre à l’exposition : du 5 mars au 15 juin, au Mona Bismarck American Center For Art & Culture, 34 Avenue de New York, 16ème arrondissement de Paris. Du mercredi au dimanche, de 11h à 18h, excepté les jours fériés. Tarif plein : 7 euros. Tarif réduit (enfants de 12 à 17 ans, chômeurs, seniors de plus de 60 ans) : 5 euros. Gratuit pour les moins de 12 ans.
Photos : Aurélien Pigeat
[1] On découpe en général l’histoire du comics en périodes appelées "Âges". Ainsi l’Âge d’or, entre 1938 et 1945, l’Âge d’argent de 1956 à 1970, l’Âge de bronze de 1970 à 1985, l’Âge sombre de 1985 à 1996 et enfin l’Âge Moderne de 1996 à nos jours. La période d’après 1954 fut marquée par le Comics Code Authority tandis que celle avant 1938 est parfois appelée dans certains cercles étudiant le pre-comics, l’Âge de platine.