Loin de New-York, la mégapole aux super-héros, Jessica Jones est appelée pour une affaire des plus ordinaires : la disparition d’une adolescente. La mère soupçonne son "ex" d’avoir kidnappé et violé sa fille Rebecca. Hélas ! l’enquête démarre mal : quand Jessica débarque dans cette petite ville, tout le monde sait pourquoi la détective est là. Dans ces coins reculés où rares sont les distractions, les rumeurs vont vite, ce qui est plutôt pour lui déplaire... Les éventuels kidnappeurs savent qui leurrer. La détective privée va vite comprendre que certains petits secrets se font pesants. Et que "les gens du coin" n’aiment pas les mutants, oh non !...
Munie du journal de la disparue, Jessica va plonger dans son intimité. Les dessins et découpages (de David Mack, créateur de Kabuki) nous plongent dans cette atmosphère oppressante d’isolement. La détective aura-t-elle les interlocuteurs fiables qui lui permettront d’y voir clair ? Un environnement glauque où le père se saoule à la trash-tv, haï par la mère-poule qui connaît mal sa fille mais partage tout avec sa soeur.
Le tout sur fond racisme aigu... Délires, mythomanie, haine d’autrui et l’ennui des petites bourgades repliées sur elle-mêmes, quel coin agréable pour les vacances ! Et si ce n’était qu’une bête fugue ?
Les thèmes abordés tiennent plus des X-Men que des 4 Fantastiques : l’association du spleen de l’adolescence et de la découverte de pouvoirs mutants. La construction de l’histoire par l’opposition graphique entre Gaydos (le réel) et Mack (le fantasme) fait admirablement douter le lecteur. Comme quoi, une histoire de pouvoirs mutants peut mettre en relief le banal et montrer les contradictions d’une société.
Alias a cette intelligence surprenante qui interpelle le lecteur averti : vous connaissez tout des superhéros : l’identité secrète de Captain America (tome 1), Spiderman qui a un patron qui rêve de le démasquer (tome 2)... Mais cette héroïne secondaire a abandonné son super-rang pour les enquêtes à la Marlowe, nous montrant le revers sombre de la médaille. Rafraîchissant et troublant.
Michael Gaydos aime les histoires sombres : il fut l’illustrateur attitré des éditions White Wolf, éditeur des jeux de rôles Vampire the masquerade et Werewolf : lutte de clans et super-pouvoirs plus vécus comme une malédiction. Alias est sa première série bd.
David Mack s’était fait connaître en remportant un Eisner Award pour son travail d’étudiant, Kabuki, mélange furieux de culture japonaise et de comics dans un découpage délirant. Si l’oeuvre est admirable, la traduction française par Génération Comics mérite un blâme par son chaos.
(par Xavier Mouton-Dubosc)
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