Dans l’empire de Jesameth, être un hors-caste, c’est n’être pas tout à fait un homme. Alim le tanneur est de ceux-là. Mais la découverte de saintes reliques a changé sa vie : traqué par toutes les armées, cet homme humble et sa fille se voient obligés de fuir perpétuellement, entrainant les cataclysmes dans leur sillage.
De l’autre côté de l’océan, Alim a été séparé de sa fille mais, des années plus tard, il a l’occasion de participer à l’expédition, montée par l’empereur Khélob, vers l’île Sainte. À travers la puanteur des marais, cette mission tourne au fiasco. Pourtant, Alim avance, car il n’a pas d’autre piste pour retrouver sa fille, sans savoir quelle terrible conclusion le destin lui réserve.
Les premiers épisodes d’Alim le Tanneur firent grand bruit : un scénario intrigant mettant en scène les dérives de la religion, le magnifique dessin d’une jeune auteure, Virginie Augustin, assistée aux couleurs par Geneviève Penloup. Après un second tome qui confrontait la force brutale aux croyances de tribus pacifiques, le scénario inventif de Wilfrid Lupano sépara le duo formé par le père et sa fille pour transporter l’intrigue dans l’espace et surtout dans le temps, une dizaine d’années plus tard.
Après avoir donc explicité les différences entre les castes, puis les cultures, notamment à cause de la barrière de la langue, on attendait une conclusion originale dans ce dernier tome. Le lecteur ne sera pas déçu par ces soixante-quatre pages qui explorent les diverses fortes personnalités élaborées dans ce récit. Si l’on pouvait espérer une conclusion plus puissante, à l’image de certaines péripéties précédentes, celle-ci s’inscrit pourtant bien dans le droit fil de l’intrigue, mettant l’accent sur les relations filiales, sans doute les plus importantes que l’on puisse connaître.
Le dessin d’Augustin a évolué en cinq ans : le trait s’est cassé, renforçant la violence de certaines scènes tout en perdant un peu de sa poésie. L’évolution des couleurs interpelle également. Le départ de Penloup après le deuxième tome aboutit à une palette un peu plus terne, mais tout en nuances. On prend donc beaucoup de plaisir à suivre ces aventuriers, en particulier lorsqu’ils sortent de l’enfer vert, pour retrouver des chromatiques plus proches des valeurs initiales.
Le récit complet (ou uniquement le quatrième tome) est proposé avec un coffret qui reprend la couverture originelle du premier tome, ainsi qu’un essai présenté dans le cahier graphique du second opus. Malgré quelques faiblesses de rythme, Alim le Tanneur reste un grand récit de Fantasy, autant qu’une implacable démonstration contre l’intolérance et le machiavélisme du pouvoir.
(par Charles-Louis Detournay)
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