Dans un dessin d’humour récent, publié dans Le Canard, je crois, on voyait un conseiller d’image d’Eva Joly lui dire : "Ce n’est pas le moment de parler de réchauffement de la planète" alors que le France venait d’essuyer les plus grands froids du siècle. L’argument vaut pour l’ambiance au sein de la rédaction du mensuel Fluide Glacial ces temps-ci.
La revue d’’Umour et de Bandessinée" créée par Gotlib & Diament en 1975 est un des derniers joyaux de la presse de bande dessinée française. Elle avait été à l’origine de la création des éditions Audie, devenues Fluide Glacial, avant que le tout ne soit revendu à Flammarion par ses créateurs en 1999.
L’effacement de Gotlib qui fédérait les grandes signatures de l’humour autour de son nom (Binet, Daniel Goossens, Edika, Jean Solé, Franquin, Alexis...) et le départ pour Dargaud de Jean-Christophe Delpierre, bon gestionnaire qui est resté aux manettes pendant près de 10 ans, a été un premier choc culturel pour Fluide qui entama une valse des rédacteurs en chef confrontés à un noyau d’auteurs difficiles : Ronan Lancelot, Albert Algoud tinrent quelques saisons avant de laisser la place au Belge Thierry Tinlot venu de chez Spirou.
Animateur sur-actif, Tinlot sut, après une période de "bizutage" assez rude de la part des auteurs-maison, impulser un certain dynamisme, développant des hors-séries, souvent dirigés par Léandri, apportant des auteurs anciens (Margerin, Dupuy & Berberian...) et nouveaux(Sattouf, Arthur de Pins, Pedrosa...) à une équipe qui fonctionnait plutôt jusqu’ici à la cooptation. Il tint six ans avant d’aller rejoindre la direction de la rubrique culture du quotidien Le Soir dans sa Belgique natale. Les ventes, en baisse en raison de la crise des kiosques, sont aujourd’hui de l’ordre de 60.000 exemplaires mensuels, répartis à peu près équitablement entre le kiosque et les abonnements.
À partir de juillet 2011, Christophe Goffette lui succède. Venu de la presse musicale (Best, Music Up, Compact, Crossroads...) et cinématographique (Brazil), Goffette rate son entrée et passe mal la période de "bizutage" qui attend tout nouveau rédacteur-en-chef fluidien.
Ses éditos sont maladroits et ses méthodes de management mal ressenties par l’équipe comme en témoignent les articles de plus en plus critiques d’Éric Deup à l’égard de sa rédaction qu’il accuse de "manquer de floÿde". Arrêtant la publication d’articles qu’il juge litigieux et, après une première tentative de convocation préalable au licenciement qui provoqué un tollé auprès des dessinateurs, le patron de Fluide Glacial-Casterman, Louis Delas, adresse à Eric Deup en date du 31 janvier 2012 une lettre de licenciement en bonne et due forme au motif que celui-ci refuse de suivre la nouvelle ligne éditoriale imposée par Goffette et qu’il aurait par la suite fourni des articles "décevants", son travail "ne répondant pas aux exigences de qualité, d’inventivité, d’ouverture et de dynamisme qu’attend le journal."
Depuis, il semblerait que Christophe Goffette soit sur le départ (il aurait, selon nos sources, quelques ennuis de santé qui tombent mal en ces périodes de trouble) et que la direction de Fluide mène une intense réflexion pour redonner une impulsion positive à cette affaire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon. Le personnage de Bidochon par Binet, l’un des piliers de Fluide Glacial. (C) Fluide Glacial.
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