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Ana Mirallès : "Le chemin vers la solitude est le thème principal de Djinn "

Par Nicolas Anspach le 15 juillet 2009                      Lien  
{{Jean Dufaux}} et {{Ana Mirallès}} concluent le deuxième cycle de {Djinn}, la série mettant en scène les destins liés de Kim et de sa grand-mère Jade à la génération précédente. La dessinatrice aborde avec nous ce cycle qui mélange habillement le fantastique aux rites africains sombres et fantasmés.

Le dernier tome du cycle africain réunit les deux héroïnes de la série. Jade, devenue la déesse Anaktu après avoir bravé les dangers de la forêt à la tête de sa tribu, veut assurer une descendance à son peuple. Pour cela, elle s’unit au Roi Gorille et devient un mythe. Kim Nelson, sa petite fille, continue sa quête et essaie de comprendre les évènements vécus par Jade. Kim retrouve enfin la perle noire…


Ana Mirallès : "Le chemin vers la solitude est le thème principal de Djinn "Quelle implication avez-vous dans le scénario ? Donnez-vous des idées de lieux ou d’ambiance à Jean Dufaux ?

Non. Les grandes décisions concernant le récit dépendent de Jean Dufaux. C’est lui qui a décidé de faire voyager nos personnages de la Turquie à l’Afrique Noire. Le prochain cycle se déroulera aux Indes. Nous évoquons ensemble surtout les détails, ce qui a une implication sur mon propre travail. J’ai essayé de donner ma représentation de l’Afrique dans ce deuxième cycle. Même si Jean me donne de la documentation en même temps que le scénario. Il veut surtout m’aider à avoir la même visualisation des lieux où les personnages évoluent. En fait, il souhaite que je m’imprègne de l’ambiance. Je l’utilise ou pas, selon ma propre idée de la scène. Pendant les cinq années où nous nous avons réalisé ce cycle africain, je restais en permanence ouverte aux informations que je pouvais recevoir de ces pays : films, musiques, documentaires, art, etc. Je digère tout cela et je le retranscris dans mon travail avec ma propre sensibilité .
J’ai également été dans des musées pour apprendre à connaître les cultures de ces différentes peuplades. Cela m’a beaucoup servi pour la représentation des masques.

Le récit est loin d’être linéaire. Dans ce cycle, vous alternez les albums axés sur Jade et ceux sur sa petite-fille, Kim. Parfois vous traitez ces deux époques dans un même ouvrage, comme dans Le Roi Gorille.

Chaque album est un défi ! J’essaie de toujours apporter quelque chose de nouveau par rapport à l’histoire, sinon, je ne me m’amuserais pas en dessinant ! J’ai envie de m’investir graphiquement. Ce traitement narratif m’aide à me tenir en éveil.

Extrait de Djinn T9
(c) Mirallès, Dufaux & Dargaud.

La série contient, depuis les premiers tomes, de l’érotisme. Mais vous restez dans un érotisme élégant, en évitant la vulgarité. Comment arrivez-vous à ne pas dépasser certaines limites, à dessiner les femmes avec autant d’élégance alors que vous les représentez parfois entravées…

C’est difficile. Jean aime explorer les limites, voire parfois les dépasser. Il faut donc ne pas tomber dans certains clichés. Mon espace de liberté est parfois petit, mais je me débrouille plutôt bien. Je tiens à ce que mes personnages conservent leur dignité. Derrière chaque physique, il y a une personnalité qui doit toujours être cohérente. Ce sont souvent des personnages solides, forts. Leurs physiques est à l’image de leurs caractères …

Vos lecteurs sont forcément subjugués par votre manière de représenter les femmes. Mais ces dernières qu’en pensent-elles ?

Les hommes me demandent souvent des femmes nues en dédicace (Rires). Les lectrices, quant à elles, s’identifient souvent aux personnages. Beaucoup d’entre elles apprécient aussi la richesse de l’univers graphique : les tatouages, les vêtements, les ambiances. À vrai dire, cela me plaît beaucoup de savoir que la série plait à un public différent.

Extrait de Djinn T9
(c) Mirallès, Dufaux & Dargaud.

N’était-ce pas émotionnellement difficile de dessiner la partie où Jade se transforme en déesse, et où le rythme du récit devient plus haletant ?

Effectivement. C’était parfois douloureux. Les personnages nous échappent…

Le destin de Jade et de Kim sera-t-il toujours aussi lié dans le prochain cycle ?

Jade sera toujours présente. Elle est devenue immortelle, ce qui ouvre une porte narrative incroyable vers le fantastique. Je n’ai pas encore le scénario du prochain album. Jean couche actuellement ses idées sur le papier…

Jean Dufaux a déclaré que la série ne contiendrait que trois cycles. Redoutez-vous la fin de la série ?

Nous en avons parlé. À priori, le cycle indien devrait tenir en trois albums. Nous fermerons une boucle. Mais cela ne veut pas signifier que Djinn s’arrête. Il y a d’autres formules, comme les one-shots ou des cycles parallèles plus courts, qui nous permettraient de revenir sur le parcours de différents personnages.

Vous rendez-vous sur les lieux que vous dessinez ?

J’aurais aimé. Mais malheureusement ce n’est pas le cas ! Je ne connais que l’Afrique du Nord, pas l’Afrique Noire. J’espère aller aux Indes pour respirer cette ambiance particulière et m’imprégner de ses couleurs. En fait, cela va dépendre du scénario. Parfois les histoires ne reflètent pas le climat des rues, celui que l’on peut percevoir en allant sur place. Nous venons de clôturer un récit se déroulant en Afrique. Ce récit parle d’une Afrique rêvée et fantasmée. Ce n’est pas l’Afrique de nos jours, même si notre histoire contient quelques fragments d’éléments réels.

Extrait de Djinn T9
(c) Mirallès, Dufaux & Dargaud.

Quelle technique utilisez-vous pour avoir ces couleurs lumineuses ?

De l’aquarelle. Après avoir dessiné mon dessin au crayon, je le scanne. Je compose la planche à l’ordinateur en y incorporant les textes. Je réalise parfois des changements dans les vignettes. Puis, je réalise la mise en couleur à l’aquarelle sur des copies.

Ce cycle africain est assez violent. Vous vous débarrassez des personnages qui accompagnaient Jade au début de l’histoire.

C’est comme un chemin d’initiation. Nos personnages se dirigent vers la solitude. Jade a été accompagnée par un couple et a vécu une relation très forte avec celui-ci. Ce fut un ménage à trois. À la fin de l’histoire, elle est devenue une déesse et tous ceux qui l’accompagnaient ont disparu. Ceux qui sont tombés amoureux de Jade ont trouvé la mort. Ce chemin vers la solitude est le thème principal de l’histoire !

(par Nicolas Anspach)

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Lire un autre entretien avec Ana Mirallès : "Les lecteurs de Djinn se sont appropriés notre histoire (Décembre 2006)

Lire un portrait de Ana Mirallès, signé par Didier Pasamonik sur le site Mundo-BD.fr (juin 2009)

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Photo (c) Nicolas Anspach

Djinn Dargaud ✏️ Ana Miralles
 
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