« Il était grand et mince, étrange et bizarre de gestes et de comportement. Ses bras et ses jambes étaient d’une longueur disproportionnée, il avait les mains larges et plates, et des pieds d’une dimension si gigantesque qu’il semblait logique que personne n’eût jamais songé à lui voler ses couvre-chaussures d’hiver. Son nez était de style dit romain, mais d’une longueur si disproportionnée qu’il paraissait dominer le reste du visage. Une fois qu’on l’avait quitté, c’était ce nez dont on se souvenait le plus clairement, tandis que ses yeux petits et pâles, bien cachés dans leur orbite derrière les paupières qui les recouvraient à moitié, ne faisaient pas grande impression... » Ainsi William Bloch décrivait son ami Andersen dans ses Mémoires : sous les traits d’un « vilain petit canard » ou mieux encore, sous ceux d’un crapaud attendant désespérément le baiser d’une princesse. Ce qui n’est pas entièrement faux car Andersen resta célibataire sa vie durant et avait une telle hantise de l’amour physique qu’il fréquentait les prostituées sans même les toucher.
Un bon dessinateur
Il n’est pas étonnant qu’Andersen ait eu une telle fortune graphique après sa mort, de la mainmise de Disney sur la Petite Sirène aux innombrables versions illustrées de ses contes. « Parrain savait raconter des histoires, si nombreuses et si longues, peut-on lire en introduction du « Livre d’Images de Parrain » publié en 1868, il savait découper les images et dessiner, et quand Noël approchait, il prenait un cahier aux pages toutes blanches sur lesquelles il collait des images prélevées dans les livres et dans les journaux, et s’il lui en manquait pour ce qu’il voulait raconter, il en dessinait lui-même. » Et de fait, quand on regarde ses dessins, on constate qu’à l’instar d’un Victor Hugo, « Parrain » avait un bon coup de crayon.
Une adaptation originale.
Il aurait certainement apprécié l’adaptation du Danois Peter Madsen. D’abord, parce que L’Histoire d’une Mère (à paraître aux Editions Delcourt en Janvier) qui décrit une mère confrontée à la mort de son fils est l’une des plus touchantes de l’œuvre andersenienne. L’émotion va au plus profond des sentiments car elle évoque aussi bien la perte d’un être cher que la confrontation de chacun avec la mort. Ce récit avait fait l’objet d’une adaptation cinématographique de Claus Weeke en 1979, avec Anna Karina.
La version qu’en a faite Peter Madsen est magnifique, toute en lumières sourdes qui mettent en relief les volumes d’ombre. La magie du conte est là, dans ce halo de mystère. Ses originaux sont en ce moment sur les cimaises du CBBD à Bruxelles. On en profite tout en sachant que, dans l’œuvre immense de l’écrivain danois, d’autres joyaux semblables attendent, inépuisable trésor.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Bicentenaire d’Andersen : Histoire d’une mère - Histoire d’un passage
Du 14 décembre 2004 au 6 mars 2005
Au Centre Belge de la Bande Dessinée
20 rue des Sables à 1000 Bruxelles (Belgique)
Ouvert tous les jours (sauf lundi)
De 10 à 18 heures
Tel : +32 (0) 22.19.19.80 - courriel : visit@cbbd.be