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Angoulême 2011 : Un succès entaché par une crise entre le FIBD et la Cité de la BD

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 1er février 2011                      Lien  
La 38e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême s’est terminée sur un constat de satisfaction de la part de ses organisateurs, mais qui risque bien de se transformer en bataille rangée politique.

On se souvient du psychodrame d’octobre 2009 entre le maire d’Angoulême et le Festival international de la bande dessinée (FIBD) qui avait débouché sur une solution prise en charge par l’agglomération du Grand Angoulême.

Le maire avait obtenu ce qu’il voulait : une réduction de ses charges. Les deux parties avaient sauvé la face : le Festival conservait son enveloppe initiale et c’est l’Agglomération du Grand Angoulême et la Chambre de Commerce d’Angoulême qui prenaient le relais pour ces frais. Depuis, entre la mairie et le Festival, c’est papouilles et gazouillements.

Angoulême 2011 : Un succès entaché par une crise entre le FIBD et la Cité de la BD
Dimanche, 18 heures. Conférence de presse du Festival célébrant "un grand succès". De g. à dr. : Benoit mouchart, directeur artistique du FIBD, Philippe Lavaud, maire d’Angoulême, Franck Bondoux, patron de 9eArt+, Gérard Desaphy, adjoint à la culture de la mairie d’Angoulême, et Gérard Balinziala, président de l’Association du Festival.
Photo D. Pasamonik (L’Agence BD)

Pas d’ « accord historique »…

Le préfet de Charente nous avait même annoncé à grand renforts de moulinets, Franck Bondoux, le patron de 9eArt+ , parlant même d’ « accord historique », la signature d’un contrat triennal entre les autorités publiques régionales et le Festival avant la fin du mois de janvier, lequel assurerait à 9eArt+, annuellement et pour les trois prochaines années, la coquette somme de 2,1 millions d’euros de fonds publics, répartis à concurrence de 542.600 € (+300.000 € d’aides techniques) pour la ville d’Angoulême, 542.600 € pour l’Agglomération du Grand Angoulême, 245.735 € pour le Département, 226.000 € pour l’Etat, 215.245 € pour la Région et 30.000 € pour la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Angoulême.

Cet accord avait suscité une question de la part de Bertrand Morisset de l’Agence Tome 2, Commissaire général du Salon du Livre de Paris, qui s’étonnait de ce qu’une subvention d’un montant aussi élevé ne fasse pas l’objet d’un appel d’offre réglementé.

Du côté de la mairie, on prétend que cela n’est pas nécessaire, le maire affirmant dans une interview qu’il nous a consentie en décembre dernier qu’il n’y avait « pas de « combat des chefs » entre le Maire d’Angoulême, le Président du Conseil Général, le Préfet de la Charente, le Président de la CCI, la Présidente de la Région et le Ministre de la Culture. »

… mais bien un « désaccord historique »

Or, nous apprenons par La Charente libre du 31 janvier 2011 que ceci est faux : l’accord n’est pas signé entre les parties et le Conseil Général n’a pas l’intention de le signer tant qu’il n’y aura pas une prise en compte par le Festival des exigences de la Cité de la Bande Dessinée et de l’Image.

Le président du Conseil Général, Michel Boutant , par ailleurs président de la Cité de la Bande Dessinée et de l’image, a été traumatisé par l’attitude du FIBD vis-à-vis de la Cité avant et pendant le Festival, au point qu’il a déserté toutes les manifestations officielles (ouverture, remises des prix) pour marquer sa désapprobation. Et il se montre menaçant : pas question de signer le moindre contrat avec 9eArt+ sans qu’un accord satisfaisant ne soit négocié au préalable avec la Cité.

Michel Boutant, président du Conseil Général et, à ce titre, président de la Cité de la BD (ici dans l’exposition "Parodies"), aurait bien besoin de Superdupont pour le sortir de cet imbroglio.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Lors de la conférence de presse de clôture dimanche, Franck Bondoux, après avoir ironisé sur le fait "que l’on n’était pas au pays de Oui-Oui", pratiquait sa langue de bois habituelle : il prétendait n’être au courant de rien, cette négociation se faisant, dit-il, « sous l’autorité de l’État ». Circulez, il n’y a rien à voir.

Or, l’État était bel et bien présent à la cérémonie des prix d’Angoulême dimanche dernier, puisque le ministre de la culture M. Frédéric Mitterrand, était sur la scène pour réclamer un deuxième « Fauve » (On ne sait pas s’il l’a reçu. La distinction lui avait été accordée l’année dernière, peut-être en remerciement des services accordés à 9eArt+...) Nous sommes donc bien dans une confrontation totalement inédite.

Un Maire qui a changé de camp

Franck Bondoux se sent fort : avec, dans sa poche un ministre de la culture (pour pas cher, juste un « fauve ») et le maire d’Angoulême lui-même, tout jouasse d’avoir refilé à son agglomération et à la Chambre de commerce les charges qui incombaient jusque là à la ville, il peut affronter, à la manière des Horaces et des Curiaces, le seul écueil qui lui résiste encore : le Conseil Général.

Mais l’abdication de cette autorité aurait quelque chose de scandaleux car elle réduirait la Cité et le Musée de la bande dessinée, institutions nationales, à un rôle d’équipement-croupion d’une manifestation qui ne dure que quatre jours alors même qu’ils ont coûté des dizaines de millions d’euros au contribuable. Le FIBD claque en moins d’une semaine l’équivalent des fonds publics que le budget de l’institution consomme en un an !

Ce qui frappe, c’est la violence des échanges entre la Cité et le Festival. Nous vous avons rapporté l’histoire du caviardage du site de la Cité à la suite d’une mise en demeure de 9eArt+. Nous avons été témoins de bien d’autres passes d’armes peu amènes, sur des sujets parfois très puérils. On ne les voit pas s’entendre de sitôt, surtout que 9eArt+ voudrait, dit-on, interdire à la Cité d’accéder au sponsoring et s’arroge un droit de propriété sur tout ce qui bouge, comme les informations sur le Festival, que le site de la Cité utilisait pourtant comme n’importe quel média.

On s’interroge en particulier sur le rôle trouble du maire, Philippe Lavaud dans cette affaire. On voit ce socialiste proche de Ségolène Royal prendre le parti d’un ministre de la culture du gouvernement Fillon contre un autre socialiste que l’on dit proche de Dominique Strauss-Kahn...

Chez ActuaBD, nous ne sommes pas très habitués au décryptage politique. Force est de constater que celui-ci est particulièrement compliqué.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médaillon : Franck Bondoux, patron de 9eArt+, qui a signé avec le Festival un contrat de 10 ans.

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3 Messages :
  • Juste pour information : le maire d’Angoulême, Philippe Lavaud est aussi Président du GranAngoulême, la communauté d’agglomération. A ce titre et contrairement à ce que vous affirmez, il ne s’est pas défaussé sur l’agglo (puisqu’il en est le Président !), mais a simplement demandé une plus juste participation des uns et des autres. Les retombées du festival ne bénéficient en effet pas uniquement à la seule ville d’Angoulême...

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  • Il faut peut etre arreter d’élire des clowns........
    Tout cela ressemble bien à des querelles de gamins gatés.
    Maintenant la question de fond : Angouleme merite t elle d’etre la capitale mondiale de la BD ? Paris regarde tout cela d’un oeil envieux.

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    • Répondu le 3 février 2011 à  18:58 :

      Il me semble souhaitable, à ce stade de l’histoire, d’informer le public que le fait de verser de l’argent public à une société anonyme à responsabilité limité, autrement dit privée, pour la tenue d’une manifestation culturelle, véritable patrimoine de notre pays et détenue par une association de loi 1901, est inhabituelle.

      Il est important également de signaler deux points très discutables concernant l’accaparement d’un "monument historique" par une société privée :

      1. comment expliquer que le copyright des expositions et des événements culturels produits par le Festival ne soit pas détenu par l’association ? Avec de l’argent public et l’oeuvre morale des auteurs il serait logique que ce fut le cas !

      2. Comment expliquer également que la société Neuvième Art + organisatrice du festival et récipiendaire des subventions publiques ait mandaté une société de prestation en vue de démarcher les sponsors dont le gérant et actionnaire majoritaire n’est autre que... le directeur du festival. Cela fait beaucoup.

      Quant aux annonces claironnantes de 200 000 visiteurs, je mets au défi la société organisatrice de prouver ce chiffre. Étant entendu qu’au prix du ticket d’entrée, la simple multiplication aurait tendance à prouver que le Festival n’est nullement menacé financièrement.

      Enfin, il faut aussi dire que les prestations de l’équipe du Festival sont de bonne qualité et que leur travail mérite le respect, surtout avec des lieux éclatés et un art exigeant. Ce n’est pas pour autant que l’opacité financière, la distorsion de concurrence et les arrangements sinueux doivent perdurer.

      Bertrand Morisset
      Agence Tome 2

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