Ancienne colonie britannique rentrée dans le giron de Pékin (Beijing) depuis 1997, Hong Kong continue à jouir d’une relative autonomie. L’endroit constitue à ce titre une intéressante plate-forme depuis laquelle observer le dynamisme d’une bande dessinée chinoise, le manhua, appelée à un grand avenir. Elle s’y développe là comme en Chine continentale, à Taïwan, également de la partie à Angoulême (voir notre article de demain), voire à Singapour. Nonobstant certaines traductions dont, par exemple, celle du marquant Spirit, Le Dieu Rocher (Dargaud, 1998) de Li Chi-tak, notre vision au sujet de sa production reste souvent plutôt parcellaire. Cette édition 2011 du festival procurait une intéressante occasion d’en connaître davantage sur cette question.
Notable présence de la délégation hongkongaise au festival
Angoulême recevait cette année pas moins de 13 dessinateurs, issus de plusieurs décennies de cette fameuse production locale. Leur présence s’est cristallisée autour de l’espace MangAsie et, surtout, de l’exposition Kaléidoscope (Une histoire de la bande dessinée de Hong Kong). Celle-ci, installée dans les locaux de caractère des ateliers Magelis, en bord de Charente, s’en est faite particulièrement le reflet.
Le tout était chapeauté par la vibrionnante Connie Lam, commissaire de l’exposition et directrice exécutive du Hong Kong Arts Centre (HKAC). Cette organisation existe depuis 1977, s’employant à soutenir tous les arts contemporains, le neuvième inclus, et la culture hongkongaise, sur place et à l’étranger.
L’événement bénéficiait du partenariat de Create Hong Kong, agence dans la métropole asiatique datant de 2009 du Bureau du Commerce et du Développement Économique chinois, ainsi que de la collaboration très active de la Hong Kong Comics & Animation Federation. Son objectif vise, depuis 1999, à réunir les industries de l’animation et de la bande dessinée hongkongaises et de les promouvoir. Ce à quoi s’employèrent ses très cordiaux représentants à Angoulême : Thomas Tang et Alan Wan.
Les événements concernant Hong Kong avaient en outre trouvé un coordinateur en la personne de Nicolas Finet, directeur éditorial du DicoManga (Fleurus, 2008).
Une exposition pour en savoir plus
Exposition patrimoniale, historique et informative, Kaléidoscope s’ouvrait sur un mur bleuté. Il comportait un texte d’introduction sur l’évolution de la bande dessinée à Hong Kong et des portraits dessinés des auteurs ayant fait le voyage à Angoulême, signés par leurs soins lors de l’inauguration de l’exposition, le 28 janvier 2011.
Le manhua a pris son essor à Shanghai, dans les années 1920-1930, avant de connaître un second souffle à Hong Kong, après la prise du pouvoir maoïste de 1949. Kaléidoscope permettait donc, en cinq étapes, depuis la décennie 1960 jusqu’à nos jours, de faire le point sur la production hongkongaise durant cette dernière période.
On pouvait notamment y mesurer l’importance de valeurs sûres telles la série comique Old Master Q d’Alfonso Wong (Wong Chak Senior) (1964), qui a fait rire plusieurs pays d’Extrême-orient, ou Miss 13 Dots (1966) de Lee Wai-chun, ayant enchanté les jeunes filles hongkongaises depuis leur adoption du prêt-à-porter occidental, en s’appuyant sur un design prisant la mode et l’architecture.
Les incontournables références de vedettes du film d’action, de Bruce Lee à Jet Li font que, évidemment, leurs exploits se devaient d’être adaptés dans le manhua. Où ils s’apparentent à un genre à part entière. Tandis que l’exposition procurait encore une idée de l’intérêt de la bande dessinée indépendante, plus récente, à Hong Kong, etc.
Des perspectives d’échanges fructueux
En dehors de Kaléidoscope, les Hongkongais ont pris une part très agissante au festival, sur le devant de la scène ou dans ses coulisses. Ainsi, les auteurs invités ont contribué à son animation du fait de différentes performances graphiques, qui se tinrent aux ateliers Magelis ou dans divers autres lieux attractifs.
Ceux-ci ont aussi eu l’occasion de rencontrer plusieurs éditeurs francophones, parmi lesquels Yves Schlirf de Kana ou Stéphane Ferrand de Glénat. Auxquels ils montrèrent leur travail, dans la perspective d’éventuelles publications sous nos cieux.
De plus, d’autres liens se sont tissés durant la manifestation angoumoisine. Ainsi, Christophe Jankovic a pu faire découvrir les projets en cours de Prima Linea à Alan Wan. Durant cette entrevue, passionnante à suivre, entre le producteur de films d’animation comme U ou Peur(s) du noir et son homologue asiatique, acteur important de la Hong Kong Comics & Animation Federation, le désir de ce dernier de développer des synergies avec l’Europe semblait évident, tant il apprécie manifestement ses capacités de création.
Escomptons donc que ces échanges fructueux, initiés pendant Angoulême 2011, ne manquerons pas, à l’avenir, de porter leurs fruits.
(par Florian Rubis)
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En médaillon : Benoît Mouchart, directeur artistique du Festival d’Angoulême, et Connie Lam, lors du vernissage de l’exposition, aux ateliers Magelis, le 28 janvier 2011.
© 2011, Florian Rubis.