N’en déplaisent à certains, Angoulême demeure le plus gros festival de bande dessinée, et à ce titre, ses sélections d’albums sont toujours attendues, même si les éditeurs s’en défient. Avec 86 albums, répartis en sélection officielle, jeunesse et patrimoine, on atteint néanmoins un nombre important, mais représentant toujours une faible proportion au regard des sorties annuelles croissantes.
Inutile de souligner que la sélection officielle s’attarde une fois sur les bandes dessinées plus expérimentales (que cela soit sur les sujets ou les modes de narration), souvent à contresens du populaire. Le festival désire ainsi continuer à valoriser un certain genre de lecture, en marge de ce qu’on pourra trouver en grande surface. C’est bien entendu légitime de soutenir ainsi la création, mais l’effet pervers de ces sélections est de creuser chaque année le fossé avec la masse populaire, réelle consommatrice d’albums. Ainsi, si l’événement est toujours relativement couvert par les médias, c’est loin d’être le cas pour les résultats !
Moins consensuelle pour des choix plus affirmés !
Parmi les sélections précédentes, on pouvait repérer au moins un album de chaque éditeur repris dans la sélection. Comme un effort réalisé pour le festival en remerciant de leur présence, cet accord tacite avait pourtant de quoi étonner, car de réelles piquettes se retrouvaient parfois au milieu d’excellents crus. Ce parti-pris semble avoir été oublié cette année car, dans les sélections, pas mal d’éditeurs n’y sont pas repris. Cela ne sous-entend bien entendu pas que les non-sélectionnés de cette année ont profité de complaisances précédentes, mais cela valorise d’autant plus la place de ceux qui y sont présents.
Dans les absents, et sans cela dénigre leur travail d’édition, on dénombre Denoël, Asuka, Akiléos, Paquet, Warum, des Ronds dans l’Ô, Panini, Emmanuel Proust, etc. Notons encore l’absence de Bamboo, un éditeur qui monte assurément, mais qui ne semble pas avoir attiré le regard du jury en sélection officielle, mais surtout en jeunesse, ce qui semble plus étonnant.
Cela veut-il dire que ces éditeurs n’ont pas convaincu le jury avec leur travail cette année ? Certes non, mais cette sélection imprime un choix assumé de mettre en avant les albums qui les ont réellement enthousiasmés, avec toute la subjectivité que cela comporte. Néanmoins, cette sélection qui s’éloigne de L’Ecole des fans légitime plus le jury face aux années précédentes. Pourvu que ça dure !
Glénat et Dargaud sortent du lot
En faisant l’impasse sur l’album de chaque label, la sélection met inévitablement en avant certains éditeurs par rapport à d’autres, en choisissant davantage de leurs albums. C’est donc l’occasion de réaliser un petit recensement, sûrement réducteur, car l’art ne se mesure pas, mais intéressant aux vues des efforts éditoriaux de certaines maisons.
Ainsi que nous le faisions encore remarquer l’année dernière, Glénat semblait habitué à se contenter de deux (voire trois) sélection chaque année ! La tendance s’inverse, car en y réunissant les albums Vents d’Ouest et Drugstore, l’éditeur grenoblois place onze albums dans ces sélections. Cette répartition est assez uniforme, que cela soit en jeunesse, en sélection officielle ou en patrimoine, mais également avec des albums plus populaires comme l’excellent Il était une fois en France, dont ce n’est pas la première sélection, mais également des albums issus de leur collection plus aventureuse, 1000 feuilles, avec Blaise, ou tout simplement le très beau le Bleu est une couleur chaude, déjà bien remarqué.
Même constat chez Dargaud, avec neuf albums fort bien répartis, signe d’un effort constant dans toutes les directions, avec toujours une bonne présence de Poisson pilote. Delcourt se place également bien avec six titres, boostés par leur excellent travail sur les comics ces dernières années. Bilan plus mitigé pour Casterman, heureusement sauvée par un excellent Mazzuchelli et leur innovante collection KSTЯ.
Petite soupe à la grimace pour le reste des éditeurs du groupe Média-Participations : malgré l’excellent programme éditorial innovant du Lombard, ils ne placent ‘que’ deux albums parmi cette sélection de 86 titres ! Aire Libre semblant en perte de vitesse, Dupuis est sauvée par son niveau constant en jeunesse, avec le dernier Spirou et Seuls, habitué à cette sélection, mais aussi le très beau travail de l’intégrale Jerry Spring en noir et blanc ainsi que la collaboration de Trondheim et Bonhomme.
Des résultats encourageants
Pas de miracle pour Soleil, dont le catalogue ultra-populaire ne convainc toujours pas le jury, mais qui tire son épingle du jeu grâce à ses labels Métamorphose, Noctambule et Quadrants, tandis que Futuropolis place deux bons albums, maintenant un bon niveau dans la sélection. Même résultat pour l’Association, avec trois albums sélectionnés, comme en 2010, mais contre cinq titres en 2009 ! Pourtant, ces trois sélections permettent-elles d’invalider la déliquescence évoquée de l’Asso ? Les festivaliers jugeront.
Parmi les ‘petites’ maisons d’édition, on notera l’excellent résultat de Cornélius avec quatre titres sélectionnés, poursuivant un travail de qualité. Sarbacane s’en tire également fort bien avec trois titres, tandis que Gallimard totalise quatre albums, en cumul avec Bayou.
Atrabile est également récompensé de son travail éditorial par deux sélections, ce qui n’avait plus été le cas depuis quelques années. Plus étonnant mais tout aussi valorisant, Desinge/Hugo & Cie atteint ce même niveau. Une nouvelle volonté d’ouvrir le regard des lecteurs vers des maisons aux titres détonants.
Quelques auteurs remarqués
Enfin, n’oublions bien entendu pas les auteurs soulignés par la sélection :
Fabien Nury dont trois albums sont en lice dans la sélection officielle. Il assure donc sa place de scénariste montant, aussi remarquable que remarqué.
Fabien Vehlmann est gratifié du même résultat, mais sans se contenter de la sélection jeunesse, car il joue la carte de l’éclectisme dans sa collaboration avec Gwen de Bonneval.
Puis, deux titres pour Anouk Ricard, seule auteure à avoir deux albums dessinés, mais également scénarisés.
Sans être réellement surprenants, les choix du jury sont donc interpellants dans leur direction convergente. Moins de laisser-aller afin privilégier la qualité à leurs yeux, et d’ouvrir le regard des lecteurs, sans oublier une part de populaire, plus soulignée dans la sélection jeunesse.
Quant aux résultats, les paris sont ouverts, mais faire partie des sélectionnés est déjà une belle récompense. Reste à savoir qui sortira réellement du lot ?
La sélection officielle :
Anna et Froga tome 4 : Top niveau, par Anouk Ricard (Sarbacane)
L’Art et le sang, par Benoît Preteseille (Cornélius)
Arzak, l’Arpenteur, par Moebius (Glénat & Moebius Productions)
Asterios Polyp, par David Mazzucchelli (Casterman)
Bambou, le petit cerf qui mange tous ses amis, par Gaëlle Alméras (Diantre)
Belleville story 1, par Vincent Perriot et Arnaud Malherbe (Dargaud)
Blaise Opus 2, par Dimitri Planchon (Glénat)
Le Bleu est une couleur chaude, par Julie Maroh (Glénat)
Body World, par Dash Shaw (Dargaud)
Cadavre exquis, par Pénélope Bagieu (Bayou)
Château de sable, par Frederik Peeters et Pierre Oscar Lévy (Atrabile)
La chenille, par Suehiro Maruo & Edogawa Rampo (le Lézard noir)
Chronographie, par Dominique Goblet et Nikita Fossoul, (l’Association)
Cinq mille kilomètres par seconde, par Manuele Fior (Atrabile)
Coney Island Baby, par Nine Antico (l’Association)
De briques et de sang, par David François & Régis Hautière (KSTЯ)
Les Derniers Jours d’Ellis Cutting, par Thomas Vieille chez (Bayou)
Les Derniers Jours d’un immortel, par Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann (Futuropolis)
L’Exilé du Kalevala, par Ville Ranta (Çà et là)
Le fils de l’ours père, par Nicolas Presl (The Hoochie Coochie)
Fritz Haber tome 3, par David Vandermeulen (Delcourt)
Gauguin, par Li-An (Vents d’Ouest)
Gaza 1956, En marge de l’histoire, par Joe Sacco (Futuropolis)
Girls Don’t Cry, par Nine Antico (Glénat)
L’Homme qui se laissait pousser la barbe, par Olivier Schrauwen, (Actes Sud/L’An 2)
Il était une fois en France tome 4, par Sylvain Vallée & Fabien Nury (Glénat)
Incognito tome 1, par Sean Phillips & Ed Brubaker (Delcourt)
Le Jour du marché, par James Sturm (Delcourt)
L, par Benoît Jacques (l’Association)
Las Rosas, par Anthony Pastor (Actes Sud/L’An 2)
Lo, par Lucie Durbiano (Bayou)
Logicomix, par Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou, Alecos Papadatos & Annie Di Donna (Vuibert)
Lutte Majeure, par Borris et Céka (KSTЯ)
Manabé Shima, par Florent Chavouet (Éditions Philippe Piquier)
La marche du crabe tome 1, par Arthur de Pins, (Noctambule)
Mélo Biélo, par Besseron & Felder (Desinge/Hugo & Cie)
Meti, par Aapo Rapi (Rackham)
La mort de Staline tome 1, Thierry Robin & Fabien Nury, (Dargaud)
Les Noceurs, par Brecht Evens (Actes Sud BD)
Omni-Visibilis, par Matthieu Bonhomme & Lewis Trondheim Dupuis
L’Or et le sang tome 2, par Fabien Bedouel, Merwan Chabane, Maurin Defrance & Fabien Nury (12bis)
La Parenthèse, par Élodie Durand (Delcourt)
Parker tome 1, par Darwyn Cooke & Richard Stark (Dargaud)
Pluto, par Naoki Urasawa d’après Osamu Tezuka, (Kana)
Pour l’Empire tome 2, par Merwan Chabane & Bastien Vivès (Dargaud)
Quai d’Orsay tome 1, par Christophe Blain & Abel Lanzac (Dargaud)
Santa Riviera, par Mancuso, Morvandiau & Arnal (Les Requins Marteaux)
Le Sens de la vis tome 2, par Manu Larcenet & Jean-Yves Ferri (Les Rêveurs)
Stéphane Clément, chroniques d’un voyageur tome 12, par Ceppi (Le Lombard)
Le Syndrome de Warhol, par David Cren & Renaud Cerqueux (Desinge/Hugo & Cie)
Toute la poussière du chemin, par Jaime Martin & Wander Antunes (Dupuis)
ToXic, par Charles Burns (Cornélius)
Trois Christs, par Denis Bajram, Valérie Mangin & Fabrice Neaud (Quadrants)
Trop n’est pas assez, par Ulli Lust (Çà et là)
Walking Dead tome 12, par Charlie Adlard & Robert Kirkman (Delcourt)
War Songs, par Ivan Brun (Drugstore)
Wilson, par Daniel Clowes (Cornélius)
The Zumbies,par Julien CDM & Lindingre (Fluide Glacial)
La sélection jeunesse :
Akissi tome 1, par Mathieu Sapin & Marguerite Abouet (Gallimard)
Les Aventures du jeune Jules Verne tome 1, par Pedro Rodriguez & Jorge Garcia (Glénat)
Basile et Melba tome 3, par Mathilde Domecq (Glénat)
Bestioles, par Ohm & Hubert (Dargaud)
Chambres noires tome 1, par Yomgui Dumont & Olivier Bleys (Vents d’Ouest)
Les Chronokids tome 3, par Stan, Vince & Zep (Glénat)
Cœur de papier tome 1, par Giovanni Rigano & Bruno Enna (Soleil)
Cruelle Joëlle, par Davide Cali & Ninie (Sarbacane)
Détective Conan tome 62, par Gosho Aoyama (Kana)
Ernest et Rebecca tome 3, par Antonello Dalena & Guillaume Bianco (Le Lombard)
Hôtel étrange, par Florian Ferrier & Katherine (Sarbacane)
Game Over tome 5, par Midam & Adam (Mad Fabrik)
Maïa tome 1, par Colonel Moutarde & Brigitte Luciani (Dargaud)
Naruto tome 50, par Masashi Kishimoto (Kana)
Patti et les fourmis, par Anouk Ricard (Gallimard)
Petit Pierrot, par Alberto Varanda (Soleil)
Prunelle, la fille du cyclope, par Cédric Kernel & Vicky Portail-Kernel (Ankama)
Le rêve du papillon tome 1, Luo Yin & Richard Marazano (Dargaud)
Seuls tome 5, Bruno Gazzotti & Fabien Vehlmann (Dupuis)
Spirou et Fantasio tome 51, Yoann & Fabien Vehlmann (Dupuis)
La sélection patrimoine :
Ashita No Joe, par Asao Takamori & Tetsuya Chiba (Glénat)
Bab El Mandeb, par Micheluzzi (Mosquito)
La fille du bureau de tabac, par Masahiko Matsumoto, (Cambourakis)
High Society, par Dave Sim (Vertige Graphic)
Jerry Spring, l’intégrale noir et blanc 1, par Jijé (Dupuis)
Necron tome 7, par Magnus (Cornélius)
Sabu et Ichi tome 1, par Shotaro Ishimonori (Kana)
Terry et les pirates (1934-36), par Milton Caniff (BDArtiste)
(par Charles-Louis Detournay)
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Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême - Du 27 au 31 janvier 2011
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