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Angoulême 2012 (3/4) : Cette bande dessinée qui s’internationalise…

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 9 décembre 2011                      Lien  
« Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême n’aura sans doute jamais été aussi ouvert sur le monde, dans toute sa diversité culturelle » écrivent Franck Bondoux et Benoît Mouchart dans le dossier de presse de l’édition 2012. Ah bon ?

C’est incroyable ce festival qui se découvre « international » alors que ce terme est inscrit pour ainsi dire dans ses gênes.

Son fondateur, Claude Moliterni, s’était attaché à créer un réseau de correspondants à travers le monde et, dès les premières années du festival, il y a près de 40 ans, on pouvait y retrouver des représentants des États-Unis, comme David Pascal, des Italiens et des Espagnols en pagaille, des Argentins, des Brésiliens... Dès les débuts du Festival, on y voit Kurtzman, Breccia ou Aragonès, Tezuka lui-même s’y rendit en 1982 et, dès 1975, alors qu’il est à peine en train de faire son come back aux États-Unis, Will Eisner reçoit un « Grand Prix. » Alors en quoi le Festival sera-t-il plus « international » en 2012 qu’il ne l’a jamais été ? En rien, en fait.

La présidence de Spiegelman

En dehors de l’immense satisfaction de voir élu ce grand auteur à la dignité de membre de l’Académie des Grands Prix d’Angoulême, l’élection de Spiegelman n’est pas d’une grande nouveauté : avant lui, les choix d’Eisner et de Crumb étaient bien plus couillus. On sait que Spiegelman qui est un proche de Lorenzo Mattotti et qui a épousé une femme française, navigue entre New York et Paris. Le FIBD n’est même pas le premier festival qui le gratifie de la qualité d’hôte d’honneur, celui de Solliès-Ville l’a fait avant lui., le dessinateur américain, qui a le sens de l’histoire, s’est considérablement investi dans les deux expositions qu’il a pilotées sur les bords de la Charente. Ceux qui le connaissent savent à quel point il est exigeant et méticuleux. Outre la rétrospective de son œuvre qui s’annonce exceptionnelle et dans laquelle il tentera de convaincre le public qu’il n’est pas l’homme d’un seul livre, le regard croisé qu’il s’apprête à établir entre la BD américaine et la BD européenne s’avère passionnant.

Le grand message que veut faire passer Spiegelman aux Européens, chose qu’il a rappelée lors de la conférence de presse, c’est que nous, Européens, nous n’avons pas à être complexés face aux comics et aux mangas : nos standards artistiques et économiques sont dignes d’intérêt car bien ils sont bien plus ancrés dans les Beaux-arts que les machines commerciales américaines et asiatiques, et donc admirées par tous.

Il est bon qu’en cette période de doute, un « étranger professionnel » comme Spiegelman vienne nous le rappeler...

« L’Europe, l’Europe ! »

« Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! L’Europe ! L’Europe !... Mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien » disait Charles de Gaulle [1]

En l’occurrence, cela aboutit au projet « L’Europe se dessine » qui a sollicité 50 auteurs européens parmi lesquels Enki Bilal, Ruben Pellejero, Ville Ranta, Hervé Baru, Ulli Lust, Joost Swarte, Sergio Salma, Nob ou Andi Watson pour dessiner l‘Europe autour de thèmes qui concrétisent positivement son identité alors qu’elle incarne aujourd’hui une sorte d’entité supranationale cherchant à imposer autoritairement un mode de vie qui ne nous correspondrait pas.
Pourtant, l’Europe, c’est nous, nous tous, et les artistes le prouvent.

Angoulême 2012 (3/4) : Cette bande dessinée qui s'internationalise…
Charles Berberian a dessiné Iris, une jeune femme voyageant dans toute l’Europe et devenue la mascote de l’exposition

Grands d’Espagne

L’exposition « Tebeos » mise en scène par Alvaro Pons réunit les grands noms d’une bande dessinée espagnole qui a fleuri après la chute de la dictature : Carlos Gimenez, Luis Garcia, Enric Sio… suivis de la jeune garde : Daniel Torrès, Miguelanxo Prado, Ruben Pellejero, Juanjo Guarnido… Une exposition qui réactualise la première grande présence de l’Espagne à Angoulême où elle était l’invitée en 1989, déjà…

9e art Viking

Les dessinateurs suédois que les Parisiens peuvent toujours découvrir dans leur hommage au Maus de Spiegelman au Mémorial de la Shoah à Paris, réitèrent leur performance à Angoulême sous la houlette de Fredrik Strömberg et de la Swedish Comics Association.

Ils avaient déjà fait acte de présence il y a un peu plus de dix ans dans le cadre d’une exposition des Pays nordiques au Musée du papier en janvier 1997 où quatre auteurs de chacun des cinq pays nordiques étaient exposés. Ce système de parité un peu curieux attribuant quatre auteurs pour des pays aux traditions de BD très inégales choqua quelque peu les auteurs. Ils se consolèrent en vidant le bar VIP de l’espace international : «  Les six raids vikings sur Paris au 9e Siècle n’étaient rien comparés au pillage systématique du champagne, du brandy et des expressos qu’a dû endurer cet humble établissement durant tout le festival » témoigna le Danois Frank Madsen sur son blog.

Ici, les Suédois ont décidé de singulariser leur création en se donnant un espace plus grand mettant en avant les qualités de la nouvelle génération sortie de l’école de Malmö et rendant hommage à l’écrivain August Strindberg dont on célèbre le centenaire de la disparition en 2012.

L’autre Chine : Taïwan

Avec ses 2 milliards de dollars taïwanais de chiffre d’affaires (env. 48 millions d’euros, soit 1/6 du CA de la France), la bande dessinée taïwanaise est obligée de s’exporter. Elle se positionne comme l’une des plus actives du continent asiatique et fait un tour de piste à Angoulême en 2012. Mais elle y vient après la Chine continentale, Hong Kong, la Corée et le Japon dont les mangas constituent près de 70% de leur marché domestique. Pas évident pour des jeunes auteurs de s’en sortir dans ces conditions…

Mais cette édition du Festival nous permettra de faire le point. Nous y reviendrons sans aucun doute.

Cette programmation éclectique « tournée vers l’international » repose surtout sur les efforts financiers des pays respectifs et des autorités européennes. C’est de bonne guerre. S’il est clair que ces pays sont surtout à Angoulême pour valoriser leurs produits nationaux, il n’est pas inutile de jauger notre production à l’aune de la création internationale : cela nous permet de progresser et de prendre mieux conscience de nos opportunités de croissance à l’export.

Angoulême est un Festival « international » ? Heureusement.

Taïwan : Insularité et singularité

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Festival International d’Angoulême, du 26 au 29 janvier 2012

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

[1Deuxième entretien radiodiffusé et télévisé avec M. Michel Droit, 14 décembre 1965.

 
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