C’est ce que les Surréalistes appellent un hasard objectif, et il en a fallu un pour que La Cité de la Bande Dessinée et le FIBD s’accordent dans un dialogue quasi harmonieux, alors que leur hostilité réciproque défraie régulièrement la chronique.
Au départ, il y a la proposition de Jean-Marc Thévenet, ancien directeur du Festival d’Angoulême, débarqué abruptement il y a bientôt six ans. Il avait mis quelques années, depuis son départ, à revenir à la bande dessinée, avec quelques expositions comme Archi & BD ou encore Bande Dessinée et Art contemporain au Havre.
Thévenet, chez qui la passion pour la BD est restée intacte, a proposé à Gilles Ciment, le patron de la Cité, une exposition sur ces auteurs de BD célèbres qui ont pratiqué la peinture à côté de leurs travaux de bande dessinée. « Une Autre Histoire : bande dessinée, l’œuvre peint », telle est le titre de cette collection particulière jamais montrée : « Le propos […] est en effet de faire découvrir le double visage d’une quarantaine d’artistes européens qui se sont livrés, simultanément ou consécutivement à leur création de bande dessinée, à l’élaboration d’une œuvre picturale autonome ou comment, le temps d’un voyage, ils sont passés de la bande dessinée à la peinture. Un voyage pour certains définitif, pour d’autres vécu comme des allers retours inlassables… »
On y découvre un Jijé qui trouve dans la peinture liberté de trait et de palette proche d’un Matisse, d’un Dufy ou d’un Derain, un Hergé flirtant avec l’abstrait, un Paul Cuvelier, produit de l’Académie de Mons et élève du neo-ingriste Louis Buisseret s’attarder sur des sujets érotiques, un Druillet producteur de grandes machines aux couleurs hurlantes, un Marc Sleen dont les paysages louchent vers Permeke et l’école de Laethem-Saint-Martin, un Will impressionné par Ralph Steadman, un Loustal aux couleurs californiennes, un Pellaert qui passe du Pop Art en BD à un réalisme rigoureux en peinture, la formidable puissance chromatique d’Alex Barbier, les facéties oulipiennes de Jochen Gerner, le trait griffé de Frédéric Poincelet, les impressionants abstraits de Jean-Marc Rochette, et le surréalisme populaire de Herr Seele…
C’est un véritable brassage visuel auquel nous invitent les commissaires de l’exposition Jean-Marc Thévenet et Marie-José Lorenzini. On regrette l’absence, lors de notre visite, du principal artisan de cet évènement, Jean-Marc Thévenet, à qui un oukase d’une mesquinerie dont la curie parigo-angoumoisine a le secret, a interdit, c’est le cas de le dire, droit de Cité, dans le cadre de cette exposition.
Cet évènement permet de toucher du regard un talent insoupçonné de bien des auteurs de bande dessinée. Ici, on s’aperçoit que, contrairement à une certaine acception, ces gens-là ne font pas de la BD parce que ce sont des plasticiens frustrés mais qu’ils font de la BD parce que, précisément, ce sont des vrais peintres et qu’ils ont trouvé dans cette art une manière de sublimer leur talent.
Le nom de Di Rosa
La signature de Hervé Di Rosa, acteur central de la Figuration libre, concepteur de l’Art modeste et compagnon de bataille du Groupe Bazooka a-t-il un lien avec la BD ? C’est évident, c’est assumé et même revendiqué.
Déjà, on avait vu Di Rosa accroché aux cimaises de Hey ! Ici, ce qui interpelle, ce sont précisément les bandes dessinées du peintre parues dans Dirosamagazine, une revue imprimée en sérigraphie à l’aube des années 1980. Le numéro 4, inédit, sera exposé à Angoulême et fera l’objet d’une publication.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Exposition « Dirosamagazine à Angoulême »
Musée d’Angoulême, du 26 janvier au 30 avril 2012
Exposition « Une autre histoire : bande dessinée, l’œuvre peint »
Musée de la bande dessinée du 16 décembre 2011 au 11 mars 2012
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
(C) Hervé di Rosa
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