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Angoulême 2013 - Gilles Ciment (Directeur de la Cité de la BD) : "La Cité se porte bien."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 21 janvier 2013                      Lien  
Nommé depuis 2007 à la direction de la Cité de la Bande Dessinée, Gilles Ciment a fait sortir de terre le nouveau Musée national de la bande dessinée (2009) et conforte chaque année l'offre culturelle du Festival de la Bande Dessinée avec, cette année, pas moins de 70 événements maison. Petit tour d'horizon.
Angoulême 2013 - Gilles Ciment (Directeur de la Cité de la BD) : "La Cité se porte bien."
En 2013, le bâtiment Castro devient Le Vaisseau Moebius

Comment va la Cité de la BD ?

La Cité se porte bien, et confirme en 2012 ses bons chiffres de fréquentation de 2011 (180 000 visiteurs qui ont fréquenté l’un de ses lieux et/ou participé à l’une de ses activités). Ses publications en ligne (citebd et neuviemeart 2.0) développent considérablement leur audience (1,2 million de visites), la librairie a augmenté son chiffre d’affaire, le cinéma ses entrées… Les quatre grandes expositions Une autre histoire : bande dessinée, l’œuvre peint, Le Musée privé d’Art Spiegelman, Mangapolis, Quelques instants plus tard… art contemporain et bande dessinée ont été saluées par les médias et par le public.

Le musée et la bibliothèque poursuivent l’enrichissement de leurs collections : parmi les acquisitions notoires de l’année passée, je signalerais l’intégralité des planches originales de la Rosalie de Calvo (première pierre d’une ambitieuse acquisition de nombreuses œuvres de ce maître de la bande dessinée) et du HP de Guido Buzzelli, des exemplaires de la revue britannique The Graphic qui publia au XIXe siècle de superbes bandes dessinées totalement oubliées, jusqu’à ce que Thierry Smolderen les découvre et les révèle dans neuvièmeart 2.0, et deux livres rares d’E.W. Kemble.

Où en sont les projets du musée du dessin animé qui serait complémentaire au Musée de la BD dans les chais encore vides ?

La Cité n’a pas (pas encore ?) été impliquée dans ce projet, qui est entièrement piloté par le Pôle Image Magelis. Il semble que les collectivités qui financent Magelis n’aient pas approuvé le dernier projet proposé. Des décisions devraient être prises dans les prochains mois. Nous les attendons avec intérêt, car une complémentarité avec nos activités, dans le même bâtiment que le musée de la bande dessinée, serait déterminante pour la Cité, ses orientations et sa fréquentation.

On a rebaptisé le bâtiment Castro en Vaisseau Moebius...

Ce bâtiment a porté pendant vingt ans le nom de la structure qu’il hébergeait : le CNBDI. Lorsque l’établissement public de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image a été créé, se déployant sur deux autres bâtiments (la maison des auteurs et le nouveau musée de la bande dessinée, dans les chais), cet immeuble qui est restait le siège social a pris faute de mieux le nom de l’architecte qui l’avait façonné à la fin des années 1980, Roland Castro. À la disparition de Jean Giraud, j’ai proposé au maire d’Angoulême de rebaptiser ce bâtiment « Vaisseau Mœbius ». Cette idée a été approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration de la Cité et le conseil municipal de la Ville d’Angoulême, propriétaire des murs (dans la foulée, la Ville a décidé de partager avec la Cité le coût d’un nettoyage des façades vitrées, qui en avaient bien besoin).

Nombreuses sont les raisons qui légitiment un tel choix :

- la forme du bâtiment, alliant classicisme et futurisme, évoque le double visage de Giraud-Mœbius ;

- sa double vocation (bande dessinée et cinéma) illustre la variété des talents de celui qui, parallèlement à son œuvre de bande dessinée, a travaillé pour le cinéma (affiches, costumes, décors…) et l’animation ;

- la présence en ses murs de la salle d’activités Le Garage hermétique et de la salle de cinémaRené Laloux (du nom du réalisateur avec lequel Mœbius a collaboré sur Les Maîtres du temps) ;

- l’ancien musée a accueilli en 2000 la première grande rétrospective consacrée à Giraud/Moebius (Trait de génie), plus de dix ans avant celle de la Fondation Cartier à Paris ;

- la façade de l’avenue de Cognac est encore ornée d’une reproduction géante d’un dessin de Mœbius, « le Gardien », qui fut un temps le logo du CNBDI ;
- enfin, Jean Giraud a été le tout premier visiteur du nouveau musée de la bande dessinée, en 2009.

Une formalisation plus solennelle de ce baptême se déroulera en présence d’Isabelle Giraud le mercredi 30 janvier 2013, avec le dévoilement d’une plaque commémorative, la projection en 3D relief de La Planète Encore et l’exposition de portraits photographiques de Jean Giraud par Nicolas Guérin, qui l’a placé à plusieurs reprises devant son objectif.

Rappelons que dans ce bâtiment travaillent quotidiennement 200 personnes (salariés de la Cité, de l’ENJMIN et de CREADOC, ainsi que les étudiants des deux écoles) et que 500 visiteurs en moyenne le fréquentent chaque jour, pour ses expositions, sa bibliothèque de prêt, son cinéma, son restaurant, ses conférences, ses manifestations…

Gilles Ciment avec Art Spiegelman en janvier 2013

Comment vont vos relations avec le Festival ?

Nous avons signé en novembre un protocole d’accord qui détermine les rôles et territoires de chacun. Cela permet de bien « cadrer » notre partenariat et éviter les malentendus et frictions des années passées. Nous savons ce que nous pouvons faire et ce qui nous est interdit. Nous ferons, après la manifestation, le bilan de cette coopération et envisagerons la forme qu’elle pourra prendre l’année prochaine. Je ne peux pas en dire davantage à l’heure qu’il est.

Cette année, le Grand Prix, c’est Jean-Claude Denis...

Traditionnellement, l’exposition du Grand Prix est accueillie à la Cité, dans l’ancien musée, au niveau zéro du Vaisseau Mœbius. Ce ne sera pas le cas cette année, Jean-C. Denis ayant choisi une forme plus réduite, dans un lieu plus intime (l’Hôtel Saint-Simon).

Cependant, en accord avec les organisateurs de la manifestation, nous avons invité Jean-C. Denis à une « carte blanche » au musée de la bande dessinée. Dans l’esprit du Musée privé d’Art Spiegelman (mais beaucoup plus modeste), cette proposition consiste en un parcours du Président dans la collection permanente du musée.

Choisissant parmi les quatre cents documents (originaux et imprimés) présentés ceux qui lui paraissent les plus remarquables, il en a retenu une vingtaine, signalés à l’attention du visiteur et agrémentés de courts textes de commentaire qui éclairent ses choix et témoignent d’un regard pénétrant sur des œuvres toujours singulières. De Benjamin Rabier à Nicolas de Crécy en passant par Hergé et Robert Crumb, ce parcours très personnel dans l’histoire de la bande dessinée est un nouveau regard d’un créateur sur le patrimoine de la bande dessinée. Vous savez que nous aimons les « dialogues » entre artistes ou entre création contemporaine et patrimoine.

Autre grand hôte de marque : Albert Uderzo !

En effet. Quinze ans après la mémorable exposition Astérix à Angoulême présentée en 1998 au musée de la bande dessinée à l’initiative du CNBDI, nous sommes ravis d’accueillir de nouveau Albert Uderzo, auquel le FIBD consacre une grande exposition rétrospective, hébergée au niveau zéro du Vaisseau Mœbius. Nous projetterons à cette occasion sur grand écran le portrait filmé de 52 minutes que nous lui avions consacré en 1998.

Vous accueillez aussi une exposition concernant la BD et l’art contemporain. C’est la deuxième année que vous associez Peinture et BD, c’est un enjeu important pour vous ?

Il y a plusieurs enjeux et plusieurs envies. D’abord, varier les types d’accrochages, les genres d’expositions : chacun sait que la bande dessinée est difficile à exposer, or nous proposons déjà, dans l’exposition permanente du musée, plus de 400 planches et imprimés.

Ensuite, « ouvrir » à d’autres domaines. Dans nos expositions comme dans notre programmation cinématographique, nous faisons la part belle au film d’animation ; nous avons invité un chorégraphe à intervenir dans une de nos expositions ; nous présentons un spectacle d’audiothéâtre avec le Théâtre d’Angoulême ; et bien sûr nous nous intéressons aux œuvres picturales des dessinateurs de bande dessinée. Après Une autre histoire qui montrait « l’œuvre peint » d’une quarantaine d’auteurs en regard de leurs planches, [Quelques instants plus tard…->http://www.citebd.org/spip.php?rubrique320] propose des œuvres à quatre mains réalisées par quarante tandems formés d’un auteur de bande dessinée et un plasticien d’art contemporain.

Cela correspond aussi à notre volonté d’établir des « dialogues » : entre création contemporaine et patrimoine (Cent pour cent, mais aussi Le Musée privé d’Art Spiegelman et la Carte blanche à Jean-C. Denis), entre bande dessinée et autres arts (Parodies), entre bande dessinée et peinture (et le Dalí par Baudoin dont nous exposons aussi les plus belles planches cette année en est une autre illustration) et enfin entre bande dessinée et art contemporain. Parce qu’un art qui ne connaît pas son passé n’a pas d’avenir et parce qu’un art qui ne fréquente pas les autres arts ne peut s’épanouir.

Gilles Ciment dans l’exposition "L’Autre Histoire" (commissariat J-M. Thévenet) en janvier 2012 commentant l’un de ses auteurs favoris, membre de l’Oubapo, Jochen Gerner

La Maison des auteurs continue à exposer les travaux de ses résidents, dont cette année Jessica Abel et Matt Maden...

C’est un anniversaire : la maison des auteurs fête ses dix ans d’existence (avec 165 résidents accueillis).

Outre la traditionnelle exposition annuelle des travaux des résidents de l’année passée (avec en effet Matt Madden et Jessica Abel, mais aussi Lucas Varela, en compétition pour les Fauves, Alfonso Zapico, lauréat du prestigieux Prix National espagnol, mais aussi Sarah Glidden, Julie Maroh, Laureline Mattiussi, Amruta Patil, Benoît Preteseille, Zviane…), nous sortons un livre sur les cinq dernières années de résidence (En résidence, 2007-2012, qui fait suite à un premier catalogue paru en 2007), nous projetons un très beau documentaire de 15 minutes sur la maison (En résidence), organisons des rencontres avec des résidents (Jessica Abel, Matt Madden, Julie Maroh, Johanna Schipper, Alfonso Zapico). La maison des auteurs est également impliquée dans d’autres événements, mais nous allons y revenir.

Il y a une série de petites expos dont une sur L’Apocalypse, la maison d’édition de Jean-Christophe Menu, votre pote des Cahiers de la BD...

En effet, nous avons écrit en même temps aux Cahiers de la bande dessinée. Mais nous avons surtout été très proches au sein de l’OuBaPo, pendant de longues années. Le « coup de projecteur » de la librairie de la Cité à L’Apocalypse (la véritable exposition, elle, se tenant dans la galerie Chez Cax, en centre-ville) est notamment motivé par la présence, dans les premiers titres de cette nouvelle maison d’édition, de trois ouvrages d’anciens résidents de la maison des auteurs : Rachel Deville, Thomas Gosselin et François Henninger, Sandrine Martin. Cela me semble de bon augure.

Et puis des événements : les 24 heures de la BD...

C’est la septième édition de ce marathon graphique organisé. C’est un rendez-vous désormais traditionnel, un moment important qui réunit vingt-cinq auteurs à la maison des auteurs et quatre cents autres sur la Toile. En 2012, 174 000 visites ont été enregistrées sur le site des 24 heures de la bande dessinée pour lire en direct les histoires en train de s’écrire et de se dessiner. Cette année, la contrainte sera donnée le 29 janvier à 15h par Matt Madden, qui est le membre américain de l’OuBaPo.

Un autre événement est motivé par la présence de Matt Madden en nos murs, qui nous permet de fêter les vingt ans de l’OuBaPo. Le jeudi 31 janvier à 17h, en salle Nemo, plusieurs membres de l’OuBaPo et quelques invités aux démarches proches, se livreront à un spectacle dessiné : l’OuBaPoShow. Des exercices sous contrainte en direct et en interaction avec le public, des performances, des projections, des sons : 90 minutes qui promettent d’être jubilatoires… mais un peu casse-gueule ! Nous avons tous le trac.

Des conférences aussi...

Des conférences et des rencontres. Les conférences Platinum, coordonnées par Thierry Smolderen, réunissent chaque année la crème mondiale des chercheurs explorant l’histoire du Neuvième Art, qui livrent à leurs confrères et au public leurs dernières découvertes et l’état de leurs recherches.

Les rencontres de l’auditorium permettront d’évoquer, outre la maison des auteurs avec les artistes déjà cités, quarante ans de bande dessinée à Angoulême et Erevan avec Jean Mardikian, l’un des fondateurs du Salon de la bande dessinée, de la création sous les bombes au Liban et en Israël avec Michel Kichka, Joumana Medlej, Asaf Hanuka, Joseph Safieddine, de Dalí avec Edmond Baudoin, le lianhuanhua avec Nie Chongrui et Xu Ge Fei.

Une rencontre importante se tiendra enfin le dimanche 3 février, autour de Jack Lang, pour faire le point sur les 30 ans de ses « 15 mesures en faveur de la bande dessinée ». En janvier 1983 en effet, il annonçait à Angoulême l’attribution d’un exemplaire du dépôt légal éditeur de la bande dessinée, la création d’un musée de la bande dessinée, la construction d’un centre pour réunir ces deux collections, la création d’un atelier de bande dessinée à l’Ecole régionale des Beaux-Arts et des mesures très importantes pour les créateurs et les éditeurs. Tirer le bilan de ces mesures dans le lieu même qu’il a voulu et dont il a impulsé la construction était une évidence.

Cela fait combien d’événements en tout ?

Environ soixante-dix, si l’on compte aussi l’émission de RadioGrandPapier en direct et en public, quelques séances de dédicaces et, surtout, les projections. Nous proposons en effet quelques portraits filmés d’auteurs en lien avec l’actualité (Jean Giraud, Jean-Michel Charlier, Albert Uderzo, Edmond Baudoin), mais aussi deux grandes avant-premières : le documentaire de Maïana Bidegain Sous les bulles, l’autre visage du monde de la bande dessinée, enquête inédite dans l’univers de la bande dessinée franco-belge pour en découvrir la réalité économique contrastée, à travers ses différents acteurs (le débat qui suivra la projection promet d’être animé !) et le documentaire Graphic Novels ! Melbourne ! qui brosse un portrait de la bande dessinée australienne contemporaine.

Par ailleurs, en soirée, le cinéma projettera, au sein de sa programmation, La Tête en l’air, film d’animation d’après la bande dessinée de Paco Roca, ainsi que [Le Voyage de Monsieur Crulic->http://www.citebd.org/spip.php?article4674 ] et Tomi Ungerer, l’esprit frappeur.

Que pensez-vous de la nomination de Benoit Mouchart chez Casterman ?

C’est sans doute un moment difficile à passer pour la société qui l’employait comme directeur artistique, mais cela est souvent suivi de l’arrivée d’un souffle nouveau. Son successeur aura un autre regard sur la manifestation et apportera de nouvelles idées, tout comme l’avait fait Benoît Mouchart à son arrivée il y a dix ans. Une décennie, c’est un cycle raisonnable. Quant à Casterman, je pense que cette nomination va rassurer les auteurs, qui avaient manifesté leur inquiétude dans une lettre à Antoine Gallimard. Ils souhaitaient la nomination d’un professionnel de l’édition qui connaisse la bande dessinée : Charlotte Gallimard, la nouvelle patronne de Casterman, pourra compter sur les connaissances de son jeune directeur éditorial.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Le 40e FESTIVAL INTERNATIONAL D’ANGOULÊME aura lieu cette année du 31 janvier au 3 février 2013

Le site Internet du Festival

Le site Internet de la Cité de la BD

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

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