Lors de la conférence de presse des éditions Dupuis annonçant la grande tournée du 75e anniversaire de Spirou, en novembre dernier, un journaliste posa cette question à Olivier Perrard, le directeur général de la société Dupuis édition et audiovisuel : pourquoi dans le parcours du 75e anniversaire qui passe par une dizaine de villes-étapes (nous vous en parlerons prochainement), n’y a-t-il pas une étape à Angoulême au mois de janvier, alors qu’une exposition est prévue au Musée de la BD en été ?
Voici sa réponse, et il est intéressant de se pencher sur les arguments développés :
"Dupuis a décidé il y a plus de deux ans de ne plus aller au Festival d’Angoulême pour plusieurs raisons, la raison majeure est que cela doit être une fête pour nos auteurs. Or, en particulier les auteurs Dupuis, les auteurs fidèles, les auteurs belges n’étaient pas très heureux là-bas. On a fait un essai pendant cinq ans (2005-2010). Cela a été une décision prise en commun avec nos auteurs. Pour un investissement représentant beaucoup d’argent, les auteurs trouvaient que c’était beaucoup d’efforts pour peu de reconnaissance, donc on a changé notre fusil d’épaule et on se rapproche de notre public d’origine qui aime l’humour, les farces, les 8-12 ans... La décision a été plutôt d’aller au Salon du Livre pour la Jeunesse de Montreuil."
"Les auteurs belges n’étaient pas très heureux..." Ni Jean Van Hamme et Philippe Francq venus présenter leur film Largo Winch, il y a deux ans, ni Willy Lambil et Raoul Cauvin venus inaugurer leur exposition sur les Tuniques bleues face à l’Hôtel de Ville n’avaient l’air malheureux, pourrait-on objecter du côté du Festival, la décision pouvant sembler, vu le climat économique actuel, plutôt budgétaire.
Voire. Cette réaction résume bien néanmoins les reproches que l’on entend habituellement à l’encontre du Festival. Avec près de 1500 auteurs accrédités (très peu sont invités par le festival), leur logement, leur défraiement, la gestion des séances de dédicace, le coût du stand, la gestion du personnel et des stocks que cela implique, tout cela coûte un pont aux éditeurs qui doivent gérer une multitude de contingences annexes : les relations avec la presse, avec les éditeurs étrangers, les sollicitations des nouveaux auteurs qui viennent avec leur dossier sous le bras...
Le plus souvent, c’est 80% de l’équipe d’une maison d’édition qui se retrouve sur place avec des hôtels et des restaurants pris d’assaut, des nuits ultra-courtes à discuter jusqu’à pas d’heure, sans compter le climat qui, selon les années, passe du crachin à la neige qui rend la circulation impraticable...
À cela s’ajoute une dérive inaugurée dès avant l’actuelle direction du Festival, du temps de Jean-Marc Thévenet : une forme de césarisme qui rend les relations difficiles sinon exécrables avec certains partenaires, comme cela a été le cas naguère avec le maire ou avec la Cité de la Bande Dessinée, avec l’Association commanditaire du festival- ou encore avec certains journalistes auxquels on ne répond plus aux mails, quand on ne leur raccroche pas le téléphone au nez. Le prétexte du "professionnalisme" a fait perdre aux festivaliers un peu de la joie de vivre qu’on y trouvait il y a encore dix ans.
Le départ de Benoit Mouchart devrait être, pour tous les partenaires du Festival, pour le moins l’occasion d’une remise à plat. L’embrouillamini du système actuel des prix "Fauves", totalement illisible, le mode de scrutin du Grand Prix discrédité sinon ridiculisé par une communication ratée, une direction artistique qui ces dernières années s’est avérée par trop clivante et sans objectif clair, une relation dégradée avec un certain nombre d’éditeurs, d’auteurs, de médias,... de plus en plus critiques, tout cela doit être réformé.
La nomination d’un nouveau directeur artistique sera déterminante. Et sa tâche titanesque.
Mais d’ici-là, comptez sur ActuaBD pour vous tenir informés au plus près de ce qui se passera là-bas.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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40e FESTIVAL INTERNATIONAL D’ANGOULÊME
Du 31 janvier au 3 février 2013
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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