En mars 2013, le lancement de la revue Professeur Cyclope annonçait le début d’une petite révolution numérique. Mais au delà des défis technologiques et des innovations techno-narratives, la question d’une déclinaison en livre s’est immédiatement posée, comme le rappelle Gwen de Bonneval, directeur éditorial de Professeur Cyclope : « Il faut d’abord bien préciser que la revue est numérique et qu’elle le restera. En revanche, certains récits peuvent bénéficier d’une autre vie sur un support plus classique : le papier. Créer un label papier « Professeur Cyclope » est une volonté que nous avons depuis le début et nous sommes ravis que ce projet puisse aussi voir le jour, en complément du magazine. » Après avoir discuté avec plusieurs éditeurs, la rédaction du mensuel à choisi de s’associer avec Casterman. Un choix raisonné : « Casterman a tout simplement été l’éditeur qui s’est montré le plus en phase avec notre projet. Nous nous retrouvons sur l’envie de créer des liens entre le papier et le numérique, ainsi que de réaliser des œuvres fortes, singulières et accessibles. Arte, qui nous suit depuis le début pour ces mêmes raisons, a naturellement souhaité continuer l’aventure en co-éditant le label via Arte éditions. » Quatre albums sont annoncés pour 2014 : « Le Sourire de Rose » de Sacha Goerg et Iba de Pierre Maurel en mai ; « Les Pénates » d’Alexandre Franc et Vincent Sorel, et « Le Teckel » d’Hervé Bourhis en septembre.
Cette transposition de certaines bandes dessinées nativement numériques vers le papier pose bon nombre de questions. On peut se demander s’il s’agira finalement des même oeuvres que celles que l’on a pu lire dans leur version électronique et quel sera la part de recréation. L’adaptation nécessite du travail comme le précise Gwen de Bonneval : « Prenons l’exemple de l’histoire de Sacha Goerg, « Le Sourire de Rose ». Elle a été réalisée avant tout pour une lecture sur écran... En changeant de support, il s’agit évidemment de repenser le récit, d’en faire une adaptation pertinente afin d’en préserver toute la force et toute la saveur. C’est en quelque sorte une nouvelle œuvre, oui. Tout au moins une nouvelle approche et une nouvelle expérience pour le lecteur... Mais aussi pour l’auteur, qui doit penser deux fois son récit ! Nous pensons que la lecture « en livre » offrira un autre regard et un intérêt renouvelé pour l’histoire. Nous ne voulions tout de même pas priver tous ceux qui « aiment l’odeur du papier » du talent de Sacha ! »
Après une année 2013 pleine de promesse, est-ce que le marché des revues numériques a véritablement éclôt ? On pourrait en douter... « La Revue dessinée », dont le lancement a été un grand succès, a finalement basculé son énergie vers sa version papier, la version tablette ne subsistant que comme un "bonus". Le projet « Spirou.Z » des éditions Dupuis est toujours dans les limbes. Face à cet état de fait, l’équipe rédactionnelle de Professeur Cyclope se montre patiente :
« Notre estimée collègue « La Revue dessinée » est avant tout portée vers la BD du réel et du reportage... Nous sommes plus axés sur la fiction et les nouvelles narrations. Nous n’avons pas les mêmes objectifs, il est normal que nous ne fassions pas les mêmes choix ! Nous avons créé Professeur Cyclope en sachant que la route serait longue, parce que nous défrichons un peu sur tous les plans. Ca demande beaucoup d’énergie, mais explorer la « Terra incognita », c’est aussi ça qui est excitant. Si les auteurs n’empruntent pas ces nouveaux chemins, qui le fera à leur place ? Et surtout comment ? Au bout d’un an, nous constatons que si le marché n’est pas encore tout à fait mûr, celui-ci mûrira à mesure que les créations de qualité spécifiquement pensé pour les écrans fleuriront. Il faut plus de revues « nativement numériques » de qualité, et et pour différents types de publics. »
On se souviendra que l’objectif de la première année du journal était de dépasser la barre symbolique des 1000 et s’approcher des 1500 abonnés (soit le nombre de lecteurs qu’avait fidélisé la BDNovella de Thomas Cadène, « Les Autres Gens »). Le cap semble atteint et Gwen de Bonneval détaille les motifs de satisfaction à l’heure du bilan anniversaire : « Professeur Cyclope se porte plutôt bien avec ses 1000 abonnés. La plupart d’entre eux ont joué le jeu en choisissant de s’engager pour un an. Ils suivent l’évolution du magazine, ses rendez-vous, ses surprises... Les abonnements sont en croissance régulière et nous espérons avoir fidélisé nos lecteurs de la première heure afin qu’ils repartent pour un an -au moins- avec nous. À l’aube de cette deuxième année c’est l’un des enjeux majeurs. Pour durer, Professeur Cyclope doit continuer de se faire connaître auprès d’un plus large public. La version gratuite de notre co-producteur Arte est un très bel exemple pour toucher de nouveaux lecteurs, et nous sommes heureux de pouvoir rendre accessible une grande partie des contenus de notre magazine par ce biais. Par ailleurs, l’un des motifs de satisfaction les plus importants à ce jour est l’implication des auteurs dans le magazine et la qualité de leurs projets. Nous sommes terriblement heureux d’avoir eu l’occasion de les publier, et d’avoir pu les rémunérer correctement sur un support qui peine à trouver son modèle économique. Les projets et les auteurs à venir, quant à eux, sont tout aussi excitants ! Sur le volet technologique, notre web application fonctionne bien sur de très nombreux supports. Nous sommes aujourd’hui en mesure de proposer des applications pour télécharger le magazine et le lire hors ligne, sur tablettes et ordinateurs. C’était une évolution nécessaire, qui a pris plus de temps que nous l’aurions souhaité, mais c’est chose faite maintenant. » Voilà qui vient corriger le principal grief formulé par les lecteurs de la première heure.
Ce week-end, l’équipe de Professeur Cyclope sera présente au Festival d’Angoulême, avant de fêter son premier anniversaire en mars lors du Festival Pulp. Et c’est en mai que l’on pourra découvrir en librairie les premiers livres du label Professeur Cyclope, édités par Casterman et Arte Editions.
Propos recueillis par Morgan Di Salvia
(par Morgan Di Salvia)
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Photos et illustrations (c) Silicomix
Professeur Cyclope à Angoulême.
Trois tables rondes à la salle Odéon du théâtre d’Angoulême.
Vendredi 31 janvier de 15h à 16h30 : Narrations numériques : haute couture ou prêt-à-porter ?
Samedi 1er février de 15h à 16h30 : Professeur Cyclope Show
Dimanche 2 février 13h45 à 15h15 : Quel modèle économique ?
Une exposition au Théâtre d’Angoulême (niveau -1).
Stand N46. Bulle du Nouveau Monde.
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