Cette édition peut s’honorer de la venue d’un grand artiste de Chine continentale : Kun-wu Li. Depuis plusieurs années, Kana a entrepris de publier en français ses œuvres autobiographiques ou fortement liées à l’histoire de son pays.
Cet « enfant de Mao », soldat-dessinateur, puis dessinateur de presse, s’y est également illustré en tant que chantre de sa province d’origine du Sud-Ouest chinois, le Yunnan, et de ses minorités ethniques.
Après la trilogie Une Vie chinoise (avec Philippe Otié) ou une évocation de la pratique traditionnelle des Pieds bandés, redoutable pour les femmes chinoises d’antan, il a encore produit entre autres La Voie ferrée au-dessus des nuages.
Il y traite du temps où les colonialistes français construisirent cette dernière pour tenter de développer leur sphère d’influence sur le Céleste Empire depuis l’Indochine. Son style en noir et blanc, fondé sur le maniement d’un pinceau nourri de références à la peinture et à la calligraphie chinoises, y fait merveille.
Dans le même temps, son compatriote Chongrui Nie, dessinateur du Juge Bao, depuis plusieurs mois en résidence d’artiste à Angoulême, prendra une part active au festival, aux côtés des Éditions Fei, qui y ont depuis quelques années consolidé leur succès.
Au point qu’elles concourent pour le prix du Patrimoine, avec leur coffret dédié aux adaptations tirées du roman médiéval et « classique » de la culture chinoise Les Trois Royaumes. Ceci afin de patienter en attendant la sortie d’un recueil des aventures de San Mao, picaresque vagabond des rues du Shanghai des années 1930.
Pour sa quatrième année de participation, la bande dessinée de l’autre Chine, l’insulaire Taïwan, s’applique à démontrer que ses standards ne sont pas seulement dominés par une importante influence chez elle du shônen venu du Japon. D’où l’envoi d’une délégation de sept artistes aux registres diversifiés : Yu-tung Yeh, T.K. Chang Shih-hsin, Sean Chuang, Kinono, Jason Chien, Cory et 61Chi. On les retrouvera autour d’un espace dédié de Little Asia, sur le thème : Voyager avec la BD taïwanaise.
Par ailleurs, notons que TX6, le sixième numéro de Taiwan Comix, publication qui rassemble des auteurs désireux de s’exprimer en regardant aussi vers d’autres influences (présence d’Emmanuel Guibert à son sommaire), concourt cette année pour le prix du fanzine et de la BD alternative.
Sa correspondante en France Li-chin Lin (Formose, Ça et là) a elle-même été la récipiendaire du Prix des lycéens et apprentis de la Région Île de France. Elle participe aussi au festival.
Au cours d’une édition précédente, rappelons qu’une autre œuvre d’un artiste taïwanais avait attiré l’attention, en l’occurrence celle d’Akata, aboutissant à la publication en Français de Seediq Bale de Row-long Chiu. Cette fresque dépeignant la résistance d’un des peuples autochtones de Taïwan (l’ancienne Formose) contre ses colonisateurs, japonais en 1930, est de plus devenue un succès cinématographique majeur du box-office local.
Comme dans le cas de Kun-wu Li et du Yunnan, elle présente en outre l’avantage de mieux faire connaître une autre diversité culturelle de Taïwan. Car celle-ci n’est pas seulement habitée par l’ethnie han majoritaire en Chine et venue du continent. Même si son contingent s’est encore accru après le repli sur l’île en 1949 de Jiang Jieshi et de ses soutiens opposés à Mao Zedong.
Mais, hormis la bande dessinée taïwanaise, le voyage qu’elle propose s’étendra à d’autres contrées et découvertes pour les festivaliers faisant le détour par Little Asie et ses satellites…
(par Florian Rubis)
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En médaillon : couverture de La Voie ferrée au-dessus des nuages/© 2013 Kun-wu Li & Kana
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Les Rencontres internationales, avec notamment Kun-wu Li et Suehiro Maruo