Il y a d’abord la question de la fréquentation. Ne fermons pas les yeux : le public ne semble pas s’être bousculé lors de cette édition. Sans doute un peu par peur des attentats, même si les visiteurs présents crânent un peu comme en témoigne Le Figaro, peut-être aussi en raison de l’annonce des actions sociales des auteurs et des mesures de sécurité du plan vigipirate. Cette aisance dans la circulation a cependant favorisé les affaires : la plupart des exposants déclaraient un chiffre d’affaires cette année-ci supérieur à l’année dernière.
Le chiffre des fréquentations reste un sujet de polémique comme en témoigne cette remarque de Gilles Ciment sur sa page Facebook, récemment évincé de la direction de la Cité de la BD, qui fait un constat un peu revanchard : "D’ordinaire, chaque année, on lit dans la presse du lundi le chiffre annoncé de façon tonitruante par l’organisateur du festival dès le dimanche soir à 19h : celui d’une fréquentation record (l’an dernier : "plus de 200.000 visiteurs" !). Curieusement, cette année, aucune trace d’une quelconque annonce. Il faut dire qu’une étude commandée par le Conseil général, remise juste avant le festival, faisait état de "15.000 à 20.000 visiteurs", et que le Préfet de Charente lui-même (lui qui est en charge du déploiement des forces de sécurité et de maintien de l’ordre) envisageait, la veille de l’ouverture, d’un "effet Charlie" qui pourrait bien faire doubler la fréquentation habituelle du festival, pour atteindre "40.000 visiteurs". Dans ces conditions, comment annoncer un chiffre ? Continuer de mentir à la presse, donc aussi aux exposants qui louent leur stand à prix d’or, aux sponsors qui misent gros, aux collectivités et à l’État qui subventionnent massivement, en annonçant 220.000 visiteurs, ce serait un peu gros." Tant que des chiffres certifiés ne seront pas publiés, on en sera réduits à ce genre de conjectures.
Le calme après la tempête
L’affaire Charlie Hebdo a en tout cas fait que les antagonismes n’apparaissent pas au grand jour. Frank Bondoux a été un peu moins arrogant que d’habitude, on peut lui en être gré. Il a assisté sans broncher au discours de Jean-Christophe Menu traitant le maire de "con" et à la leçon de courage politique adressée par Blutch au Ministre de la Culture.
Il a coopéré sans ambages aux demandes des auteurs soucieux de profiter de la lumière angoumoisine pour exposer leurs problèmes dans des États généraux et dans une Marche des auteurs qui a suscité bien des inquiétudes du côté de la préfecture. Tout cela ne lui rapportait rien, sinon des tracas. Il a été de ce point de vue, impeccable.
Mais le signataire de ces lignes n’a toujours as été accrédité comme journaliste depuis 2013 (ce qui ne m’empêche pas d’accéder au festival, comme vous avez pu le constater) et sourit un peu à l’annonce du "Prix Charlie pour la liberté de la presse".
Car l’organisation du Festival reste une bouteille d’encre. Le Grand Prix, nous n’y reviendrons pas, fort de, paraît-il, de plus de 1500 votants (qui sont-ils ? Mystère...) reste sujet à caution. Quant au Prix Charlie pour le liberté de la presse, nous n’en connaissons ni l’objet précis, ni les membres du jury.
Soudain, Juppé...
Alors tout va pour le mieux à Angoulême ? Non pas. La Cité de la BD et de l’Image est actuellement sans directeur et son musée sans conservateur. Et on n’a pas l’air pressé de les remplacer. La candidature a été lancée pour le directeur. Quant au conservateur, on nous laisse entendre que l’on en a pas besoin... Il s’agit pourtant là d’un musée national.
Ce qui est sûr c’est que la perspective des élections départementales (mars 2015) et régionales (décembre 2015) dans le cadre de la réforme territoriale en cours qui va voir la Charente rattachée à la Région Aquitaine, va singulièrement changer la donne en ce qui concerne les fragiles équilibres politiques angoumoisins. La présence inattendue d’Alain Juppé pendant le Festival (voir notre interview) avec le maire d’Angoulême Xavier Bonnefont dans son sillage n’est sur ce point en aucun cas anodine.
De même que l’attention de la Ministre de la Culture Fleur Pellerin qui affecte de déclarer au Figaro qu’elle lit XIII, Les Passagers du vent, Le Cycle de Cyann, Maus, "bouleversant’, elle a beaucoup aimé récemment L’Arabe du futur de Riad Sattouf, et "tout ce qu’a fait L’Association" : Marjane Satrapi, Delisle avec Pyongyang...C’est vrai que cela se lit plus vite que Modiano...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
LIRE AUSSI :
"Angoulême 2015 : Requiem pour Charlie (1/3)"
"Angoulême 2015 : Des expositions, des états généraux et une ministre (2/3)"
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Participez à la discussion