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Angoulême 2015 (3/3) : Les problèmes demeurent

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 février 2015                      Lien  
Il y a eu, nous l'avons dit, un climat d'apaisement lors du dernier Festival. Face à l'adversité terroriste, ce n'était pas l'heure de polémiquer, mais au contraire de rassembler. Mais les problèmes demeurent : faux-semblants, provincialisme, intérêts antagonistes et récupérations politiques en tous genres. On l'aura compris : Angoulême, c'est avant tout une question d'image(s).

Il y a d’abord la question de la fréquentation. Ne fermons pas les yeux : le public ne semble pas s’être bousculé lors de cette édition. Sans doute un peu par peur des attentats, même si les visiteurs présents crânent un peu comme en témoigne Le Figaro, peut-être aussi en raison de l’annonce des actions sociales des auteurs et des mesures de sécurité du plan vigipirate. Cette aisance dans la circulation a cependant favorisé les affaires : la plupart des exposants déclaraient un chiffre d’affaires cette année-ci supérieur à l’année dernière.

Le chiffre des fréquentations reste un sujet de polémique comme en témoigne cette remarque de Gilles Ciment sur sa page Facebook, récemment évincé de la direction de la Cité de la BD, qui fait un constat un peu revanchard : "D’ordinaire, chaque année, on lit dans la presse du lundi le chiffre annoncé de façon tonitruante par l’organisateur du festival dès le dimanche soir à 19h : celui d’une fréquentation record (l’an dernier : "plus de 200.000 visiteurs" !). Curieusement, cette année, aucune trace d’une quelconque annonce. Il faut dire qu’une étude commandée par le Conseil général, remise juste avant le festival, faisait état de "15.000 à 20.000 visiteurs", et que le Préfet de Charente lui-même (lui qui est en charge du déploiement des forces de sécurité et de maintien de l’ordre) envisageait, la veille de l’ouverture, d’un "effet Charlie" qui pourrait bien faire doubler la fréquentation habituelle du festival, pour atteindre "40.000 visiteurs". Dans ces conditions, comment annoncer un chiffre ? Continuer de mentir à la presse, donc aussi aux exposants qui louent leur stand à prix d’or, aux sponsors qui misent gros, aux collectivités et à l’État qui subventionnent massivement, en annonçant 220.000 visiteurs, ce serait un peu gros." Tant que des chiffres certifiés ne seront pas publiés, on en sera réduits à ce genre de conjectures.

Angoulême 2015 (3/3) : Les problèmes demeurent
Angoulême 2015 : La fréquentation semble avoir baissé lors de cette 42 édition

Le calme après la tempête

L’affaire Charlie Hebdo a en tout cas fait que les antagonismes n’apparaissent pas au grand jour. Frank Bondoux a été un peu moins arrogant que d’habitude, on peut lui en être gré. Il a assisté sans broncher au discours de Jean-Christophe Menu traitant le maire de "con" et à la leçon de courage politique adressée par Blutch au Ministre de la Culture.
Il a coopéré sans ambages aux demandes des auteurs soucieux de profiter de la lumière angoumoisine pour exposer leurs problèmes dans des États généraux et dans une Marche des auteurs qui a suscité bien des inquiétudes du côté de la préfecture. Tout cela ne lui rapportait rien, sinon des tracas. Il a été de ce point de vue, impeccable.

Mais le signataire de ces lignes n’a toujours as été accrédité comme journaliste depuis 2013 (ce qui ne m’empêche pas d’accéder au festival, comme vous avez pu le constater) et sourit un peu à l’annonce du "Prix Charlie pour la liberté de la presse".

Car l’organisation du Festival reste une bouteille d’encre. Le Grand Prix, nous n’y reviendrons pas, fort de, paraît-il, de plus de 1500 votants (qui sont-ils ? Mystère...) reste sujet à caution. Quant au Prix Charlie pour le liberté de la presse, nous n’en connaissons ni l’objet précis, ni les membres du jury.

Surprise : Alain Juppé vient visiter l’exposition Watterson à Angoulême

Soudain, Juppé...

Fleur Pellerin, fan de bande dessinée !

Alors tout va pour le mieux à Angoulême ? Non pas. La Cité de la BD et de l’Image est actuellement sans directeur et son musée sans conservateur. Et on n’a pas l’air pressé de les remplacer. La candidature a été lancée pour le directeur. Quant au conservateur, on nous laisse entendre que l’on en a pas besoin... Il s’agit pourtant là d’un musée national.

Ce qui est sûr c’est que la perspective des élections départementales (mars 2015) et régionales (décembre 2015) dans le cadre de la réforme territoriale en cours qui va voir la Charente rattachée à la Région Aquitaine, va singulièrement changer la donne en ce qui concerne les fragiles équilibres politiques angoumoisins. La présence inattendue d’Alain Juppé pendant le Festival (voir notre interview) avec le maire d’Angoulême Xavier Bonnefont dans son sillage n’est sur ce point en aucun cas anodine.

De même que l’attention de la Ministre de la Culture Fleur Pellerin qui affecte de déclarer au Figaro qu’elle lit XIII, Les Passagers du vent, Le Cycle de Cyann, Maus, "bouleversant’, elle a beaucoup aimé récemment L’Arabe du futur de Riad Sattouf, et "tout ce qu’a fait L’Association" : Marjane Satrapi, Delisle avec Pyongyang...C’est vrai que cela se lit plus vite que Modiano...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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4 Messages :
  • Angoulême 2015 (3/3) : Les problèmes demeurent
    6 février 2015 12:25, par Gilles Ciment

    Je réfute le terme de "revanchard", que je trouve discourtois. La question des chiffres de fréquentation est très ancienne, ActuaBD s’en est souvent fait l’écho, notamment en donnant la parole à Bertrand Morisset, organisateur du Salon du Livre de Paris, qui les a souvent contestés. Le vieil observateur et commentateur du monde de la BD que je suis (depuis trente ans maintenant, et c’était par ailleurs là mon 33ème festival) ayant retrouvé sa liberté de parole, me semble bien autorisé à commenter cette information très nouvelle venant d’une étude d’impact et du Préfet lui-même, dont je m’étonne qu’elle ne soit pas davantage reprise (au contraire, un voile pudique est jeté sur la question de la fréquentation par l’ensemble de la presse). Mes commentaires sur d’autres aspects du festival, notamment des expositions dont j’ai dit grand bien, attestent bien que je ne me place pas dans un esprit "revanchard". Je pense que ceux qui m’ont porté des coups n’ont pas besoin de moi pour chuter : je ne m’abaisserai donc pas à chercher une quelconque revanche... Me présenter ainsi discrédite mon propos, qui ne fait que reprendre des informations données par la presse locale, comme le signataire de l’article le fait lui-même plus qu’à son tour.

    Sans rancune, Didier (pour rester dans le même registre lexical).

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    • Répondu par Laure le 6 février 2015 à  14:39 :

      En tant que lectrice je n’ai rien trouvé de "revanchard" non plus.

      Je n’ai jamais compris pourquoi le festival d’Angoulême c’est toujours un peu n’importe quoi les prix, certaines années j’avais trop honte de montrer les BD qui avaient gagné à mon mari tellement c’était moyen et contournable. Angouleme ça m’a paru toujours très vieillot. Combien d’années il aura fallu pour que la manga est un prix ?? Je ne comprend pas qu’en france on ne puisse pas avoir un festival digne de sa BD.

      Pour la littérature jeunesse (le salon de montreuil) c’est toujours les artistes les plus pointus et créatifs qui ont les prix, les livres les plus dérangeant et passionnant, on a envie d’acheter toute la sélection. Là c’est la classe d’y aller et de faire partager ses découvertes. POurquoi ça ne peut pas être la même chose en BD ? Pourquoi pour Angouleme il y a si peu de transparence ?

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      • Répondu par Lina le 6 février 2015 à  19:23 :

        Je vais vous dire pourquoi la littérature jeunesse est plus ambitieuse et pointue et intéressante. Parce qu’il n’y pas de magouilles pour des prix, parce que ça ne rentre pas dans des salles de vente,parce que c’est aujourd’hui un vrai espace de création.

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  • Angoulême 2015 (3/3) : Les problèmes demeurent
    6 février 2015 16:35, par La plume Occulte

    En fine politique Fleur Pellerin ministre de la culture et de la communication ménage la chèvre et le chou :XIII, Les Passagers du vent et bien sûr le petit passage obligé sur Maus ,L’Association et l’éternel couplet qui l’accompagne et bien sûr l’incontournable Marjane ,bravo c’est un sans faute !
    mais quand elle perpétue avec son discours ,des contrevéritésvoire quelques contresens notoires, elle se fait pour le coup la porte parole non pas du provincialisme mais bien d’un parisianisme le plus gras et autiste .C’est les autres nations de la BD qui vont être contentes si elles lisent ce genre d’envolée autosatisfaites !Mais bon tout est pardonné /madame Fleur Pellerin lit des fiches et elle est sympa,en plus d’avoir plein d’autres trucs à faire.

    Pour le Grand Prix 2015 les résultats précis sont les suivants : Otomo (38 %), Hermann (34 %), Moore (28 %). Plus de 1600 auteurs ont participé.

    Au passage deux liens pour charpenter le débat sur les démarches des auteurs pour défendre leurs droits.http://www.culturecommunication.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/42eme-Festival-International-de-la-Bande-Dessinee

    https://www.actualitte.com/societe/marisol-touraine-agenda-trop-charge-pour-se-soucier-des-auteurs-55078.htm

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