Nos confrères anglo-saxons s’esclaffent bruyamment : "Does Anyone Actually Want The Angoulême Grand Prix ?" titre Rich Johnston sur le site Bleeding Cool. Ils ont raison, même si la liste des Eisner Awards, la plus haute distinction pour la BD américaine, est chaque année aussi exempte de femmes qu’un club de gentlemen londoniens et qu’Hollywood elle-même commence à s’émouvoir de l’absence de noirs dans la sélection des Oscars pourtant assurée par plus de 6000 membres de la profession.
Il faut dire que le FIBD, pardonnez-moi l’expression, donne des verges pour se faire battre : tout commence par la bévue d’une liste de nominés uniquement masculine immédiatement contestée par dix d’entre eux, se poursuit par l’ajout précipité de six noms d’auteures à la liste initiale, pour se conclure par une "liste libre" au nom d’une "démocratie" qui aurait été absente jusque là. De pire en pire...
À cela s’ajoute un autre genre d’absurdités : le maintien d’Alan Moore dans la liste alors que, par deux fois, le grand auteur anglais a déclaré, notamment sur ActuaBD.com qu’il n’en voulait pas, de ce prix. Ou l’émergence inattendue de Claire Wendling -belle artiste probablement soutenue par un fan-club très actif-dans la liste des trois nominés. Cette dernière, se rendant compte sans doute de l’absurdité de sa position alors que bien d’autres auteures devraient passer devant elle, demanda très vite sur sa page Facebook qu’on ne vote plus pour elle...
Reste Hermann, figurant longtemps dans la liste des "papabile" lorsque l’Académie des Grands Prix fonctionnait encore, et qui désespérait de se voir jamais élu sachant qu’il avait quelques ennemis personnels dans cet aréopage. Rugueux comme il peut l’être, le créateur de Jeremiah nous déclarait il y a seulement quelques jours qu’il ne se mêlerait à aucune polémique et que si le vote lui accordait le Grand Prix, contrairement à ce que l’on a pu lire çà et là chez des confrères mal informés, qu’il l’accepterait sans doute pour faire plaisir à son ami l’académicien François Boucq qui insistait beaucoup pour cela. Quel dommage que ce prix donne l’impression qu’il lui est accordé par défaut alors qu’il est parfaitement légitime ! Qu’il ne s’en formalise pas : rien n’est de sa faute !
Le Grand Prix de la Ville d’Angoulême
Entre les Ricains qui rigolent -pas forcément par bonté chrétienne- du plus prestigieux festival européen et nos copines les auteures qui ont bien raison de profiter de la situation pour faire valoir leurs droits, les règlements de compte des uns et des autres tout à la joie du "Bondoux Bashing", il est peut être nécessaire de se rappeler quelques fondamentaux.
C’est quoi ce Grand Prix ? C’est, il faut le rappeler, le Grand Prix de la Ville d’Angoulême.. On peut le noter : le glissement sémantique de 9eArt+ qui a consisté à faire de ce Grand Prix, par un petit jeu de sophisme, un "Grand Prix du Festival d’Angoulême" n’a jusqu’ici été remarqué par personne.
Peut-être que le maire devrait s’inquiéter de l’usage qui est fait d’une distinction qui, apparemment, émane de sa bonne cité et qui donne aujourd’hui une image un peu désastreuse de sa ville. Il serait peut être avisé de se rapprocher des gestionnaires du FIBD et de reprendre en main cette académie dont 9e Art+ ne veut plus, composée de membres -ce n’est un secret pour personne- qui ne peuvent plus encadrer la direction du Festival.
Cela a évidemment un coût : il faut faire venir chaque année une vingtaine d’auteurs prestigieux pour qu’ils délibèrent. Mais ce n’est pas hors de portée d’une cité qui a tant investi dans la bande dessinée et -qui plus est- a, grâce à la Cité de la BD, toute légitimité pour accueillir une telle institution, quitte à organiser l’élection en amont du Festival et à couronner le récipiendaire pendant l’événement. Monsieur Bondoux serait débarrassé de cette corvée qui le fait tant souffrir...
Évidemment, cette académie devrait être un peu plus structurée qu’elle ne l’est actuellement. Elle devrait élire une présidence (une présidente ?), se doter d’un règlement intérieur strict (histoire que les tweets de M. Trondheim évitent de foutre le boxon) et disposer de moyens adaptés (en s’appuyant sur la Cité ?) pour valoriser ce prix toute l’année : auprès des lycéens, en terres étrangères, que sais-je encore...
En clair, il serait temps que les élus fassent preuve, osons le dire, d’une mâle autorité pour que, comme le dirait un maire de Champignac égrillard, les choses soient reprises en main et cessent de partir en couille !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
43e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême : du 28 au 31 janvier 2016.
Découvrez le programme heure par heure
Participez à la discussion