Alors même que le médiateur Jacques Renard doit remettre prochainement son rapport, un groupe d’Angoumoisins mené par le fils du fondateur du Festival Jean Mardikian, Patrick Mardikian, dénommé "Angoulême, la Renaissance", soutenu par sept Grands Prix d’Angoulême, de Florence Cestac à François Boucq, de Martin Veyron à François Schuiten, et d’éminents spécialistes de la bande dessinée comme le Britannique Paul Gravett ou le journaliste Laurent Melikian, avait fait publiquement acte de candidature, se positionnant pour un éventuel appel d’offre si, par extraordinaire, la donne devait changer sur les bords de la Charente.
Rappelons qu’un contrat lie l’Association du Festival International de la BD d’Angoulême à 9eArt+, lequel aurait été reconduit dans des conditions pour le moins controversées pour une nouvelle période de dix ans, sans appel d’offre d’aucune sorte, alors que 46% de fonds publics, selon son organisateur, soit un peu moins de deux millions d’euros, irrigue les comptes de cet événement.
Nous avions favorablement salué cette opportunité, car nous sommes dans l’idée que, sans alternative, la crise qui oppose aujourd’hui 9eArt+ avec les éditeurs et les auteurs de bande dessinée et qui avait provoqué une demande de médiation au ministre de la culture, ne pourrait se résoudre.
"À la Spaggiari"
La direction du FIBD ne l’a pas apprécié la démarche, d’autant qu’un message envoyé à tous les adhérents de l’Association du FIBD par ses initiateurs les invitait la semaine dernière à venir en discuter autour d’un verre... Delphine Groux, la chargée de communication de l’Association et propre fille du fondateur du Festival, Francis Groux, qui a lié le FIBD à 9eArt+ pour ce fameux contrat reconductible, est furibarde contre cette manœuvre "à la Spaggiari" (référence à un célèbre gang qui avait réussi un casse spectaculaire dans les années 1970 en passant par les égouts).
Du coup, elle flingue. Dans son communiqué, on peut lire que les sept Grands Prix et les spécialistes signataires de la motion menée par Patrick Mardikian deviennent des "joyeux turlurons". Ils sont accusés de vouloir faire "main basse" sur le Festival. On en appelle à "l’état de droit", qualifiant sans rire ce qui n’est qu’une simple disposition à un appel d’offre de "coup d’état" ! On met en cause "l’honnêteté intellectuelle" des prétendants comme si, ces dernières années, il n’y avait que des choses positives à retenir du Festival.
Madame Groux récuse d’ailleurs tout simplement le fait que le Festival est en crise. La colère des éditeurs et des auteurs ? Les couacs répétés de la dernière édition du Festival ? Du vent ! "Non, le Festival d’Angoulême n’est pas au bord du précipice et n’a aucunement besoin d’être sauvé par des amateurs qui se prétendent professionnels, écrit-elle. A ce sujet il suffit de regarder attentivement leurs propositions pour voir ce qu’elles révèlent : au mieux une grande méconnaissance des réalisations du Festival et au pire, beaucoup de mauvaise foi." Tout va donc très bien, madame la marquise...
Le vrai patron du FIBD
À ces invectives, s’ajoute un autre document, que la "responsable des relations presse" du FIBD (qui ne nous envoie pas ses communiqués, soit dit en passant...) invite à lire : une note de 14 pages (14 pages !) Intitulée "Vérités à la renaissance". Ce document que nous avons pu consulter reprend les "14 propositions" de l’alternative "renaissance" pour mieux conclure à "un catalogue d’idées « lancées en l’air » dans le cadre d’une joyeuse réflexion de « Joyeux Turlurons » (chers à Séraphin Lampion). Effectivement, ces réflexions semblent davantage sortir de l’esprit d’amateurs que de réels spécialistes de la bande dessinée et de l’événementiel."
Donc, si l’on comprend bien Madame Groux, pour la direction de l’Association du FIBD, il n’y a rien à réformer et le contrat avec 9eArt+ n’est pas à remettre en cause. Circulez, il y a rien à voir ! Nous nous trompons, ou c’est précisément cette réforme qui est aujourd’hui en discussion auprès du Médiateur ?
Cerise sur le gâteau, La Charente Libre (10.06.2016, un article de Stéphane Urbajtel), toujours sagace, a eu la curiosité de faire un clic droit sur la note "Vérités à la renaissance" et là, ô surprise, elle découvre que l’auteur de ce document est... Franck Bondoux, le patron de 9eArt+ !
Pas gênée par cette curieuse coïncidence et sans se justifier en aucune façon (nos colonnes lui sont ouvertes...), Delphine Groux joue la matamore auprès du quotidien angoumoisin : "Celui qui tiendra le stylo à ma place n’est pas encore né !" déclare-t-elle.
On a plutôt l’impression que celui qui corrige ses textes a déjà vu le jour, en revanche : il semble bien être le seul vrai patron du Festival.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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