On ne peut pas reprocher au FIBD de chercher à légitimer le 9e Art, à proposer une programmation hautement qualitative, ce que Stéphane Beaujean, son directeur artistique, désigne comme « le giron des formes d’expressions respectées et respectables » et qu’il appelle aujourd’hui à dépasser.
Le fait est qu’une certaine bande dessinée populaire « gros nez » est souvent écartée des sélections officielles qui, cette année encore, favorisent des labels alternatifs qui n’ont pas la même ambition commerciale « tous publics ».
Il est vrai que des maisons comme Fluide Glacial, Bamboo ou naguère Soleil, voire Dupuis, ont été quelque peu méprisées sur les bords de la Charente. Patrick Gaumer le rappelle dans la monographie de Raoul Cauvin : « En 1984, Peyo se voit décerner l’« Alfred enfant » pour son album Les Schtroumpfs olympiques par la classe de 6e A du lycée Jules Verne d’Angoulême. L’auteur étant absent, Cauvin monte sur scène et se fait chahuter : « C’est tout juste si on ne nous traitait pas de ringards, nous les représentants de la bande dessinée populaire. Nous avons connu les premières années d’Angoulême. C’était un festival normal, pas une manifestation pour les nombrilistes français qui nous ont — et je ne suis pas le seul à le penser —, éjectés. Comme dans la littérature, il y a un côté parisianiste, presque germanopratin, dans ce qu’est devenu cette manifestation. » [1] Il fallait donc une respiration, d’autant que la gouvernance du Festival continue d’essuyer certaines critiques.
Des Prix en marge
Le « Off du Off », créé notamment par Yves Poinot, ancien président du FIBD, dépasse ce clivage depuis plusieurs années en accueillant notamment le Prix Charlie Schlingo créé en 2009 à l’initiative de Florence Cestac et du même Poinot.
Il récompense « un album et/ou un auteur ayant une communauté d’esprit avec l’œuvre de Charlie Schlingo », du nom de cet auteur surréaliste et décalé décédé en 2005, c’est à dire un truc complètement déjanté, à rebours des normes commerciales les plus raisonnables, mais dont l’originalité est incontestable.
L’événement se passe dans la Maison Isabelle, rue Hergé le jour, et dans l’impasse Charlie Schlingo (tout un symbole…) et s’ouvre sur un jardin baptisé « Place Wolinski » suite aux attentats de 2015.
Les mêmes cette année-là, choqués par les reculades du FIBD créant en 2015 un « nouveau prix décerné à la liberté d’expression » pour mieux se dédire l’année suivante car c’était, disaient-ils, « trop dangereux pour le lauréat », Yan Lindingre, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, décide de lancer un « Prix Couilles aux cul » qui récompense le « courage artistique ».. Après la dessinatrice de presse tunisienne Willis de Tunis en 2016, puis la dessinatrice turque Ramize Erer en 2017, un nouveau prix sera remis le samedi 27 janvier dans la foulée du Prix Schlingo à 12h07 précises.
Ouvert dès le jeudi 25, le lieu propose plusieurs expositions :
Une exposition Zoé Thouron & Jean Chauvelot autour de leur album Highway to Love (Casterman)
Une exposition d’originaux d’étiquettes de vin signées Reiser, Wolinski, Gébé, Cavanna…(Collection Gérard Décambre)
Une exposition du « Prix Couille au Cul » dont le lauréat sera connu juste avant le week-end du Festival.
Par ailleurs, les éditions Fluide Glacial et ses auteurs seront présents dans un « stand incruste » et les journées seront émaillées de débats, de concerts et autres joyeusetés, tout cela pour zéro euro, zéro centimes, mesdames et messieurs (seules les consommations sont payantes, de même que les achats de livre, faut pas déconner…).
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Angoulême 2017, le Off du Off, du jeudi 25 au dimanche 27 janvier 2018
37 rue Hergé à Angoulême
[1] Patrick Gaumer, Cauvin, la monographie, Dupuis, 2013.