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Angoulême 2011 : manœuvres estivales et chiens de faïence

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 juin 2010                      Lien  
Ayant vécu avec la ville une crise ouverte l’année dernière, le Festival International de la Bande Dessinée semble dialoguer davantage avec la mairie cette année. De son côté, le Centre International de la BD et de l’Image s’apprête à fêter le premier anniversaire de l’ouverture du Musée de la BD, entre ratés et réussites.

L’affaire a du fait sourire certains à Paris et au bord de la Charente : Didier Deroeux nommé conservateur du Musée de la Bande Dessinée à Angoulême après le départ d’Ambroise Lassalle en mars dernier a décidé de ne pas aller au-delà de sa période d’essai, apprenait-on par un article de Sud-Ouest (27/05/2010) : il a préféré jeter l’éponge. La direction du musée est donc vacante et un nouvel appel d’offre a été lancé ces jours-ci. Avis aux amateurs.

Le départ du précédent directeur, Ambroise Lassalle et son remplacement n’avaient en revanche surpris personne. Le jeune conservateur avait mené à bien pendant un peu plus de trois ans, avec le conseiller scientifique Jean-Pierre Mercier, la fondation des collections du nouveau musée qui avait ouvert ses portes en juin 2009. Un travail d’autant plus remarquable que chacun sait combien les intrigues angoumoisines rendent parfois la chose difficile, notamment parce que la programmation des expositions en début d’année est plus ou moins pilotée par l’événement de janvier. Mais Lassalle avait l’échine assez souple pour gérer ces aléas. Ce spécialiste de l’antiquité (il avait organisé en octobre dernier un colloque d’histoire à l’occasion des 50 ans d’Astérix) visait depuis quelques mois une nouvelle aventure : la direction du futur Musée de la Romanité à Narbonne qui doit voir le jour en 2013 autour des fouilles issues du littoral audois.

Angoulême 2011 : manœuvres estivales et chiens de faïence
Ambroise Lassalle (à g.) avec le maire d’Angoulême Philippe Lavaud et la présidente de Poitou-Charentes, Ségolène Royal, lors de l’inauguration du musée en juin 2009. Derrière, dans l’ombre, le directeur du Cibdi, Gilles Ciment.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Didier Deroeux, de son côté, arrivait avec un CV un peu plus épais : À 52 ans, il avait été conservateur du musée de Béthune, ex-directeur du musée des Beaux-arts et du musée d’Art contemporain de Dunkerque et avait fondé Solstice Rare Books, une librairie-galerie spécialisée dans le surréalisme et les avant-gardes littéraires et artistiques du XXe siècle. Peut-être est-ce cette expérience et le fait qu’il n’avait plus occupé de responsabilité muséale depuis plusieurs années qui ont été à l’origine des tensions entre le nouveau conservateur et son autorité de tutelle, Gilles Ciment, directeur du CIBDI ? Habitué à une certaine indépendance, le conservateur a dû être un peu surpris par l’implication dans le dossier de son directeur, spécialiste de la bande dessinée et du dessin animé. Il faut dire que le Musée de la Bande Dessinée n’entre pas forcément dans le moule des autres musées nationaux : il est géré par une EPCC qui administre aussi une « Maison des Auteurs » et une Bibliothèque dépositaire du dépôt légal de la BD en France. Un profil atypique.

Pas de Tarzan pour Angoulême

Les observateurs angoumoisins n’ont pas manqué non plus de constater que l’exposition Tarzan prévue en juin de cette année a été purement et simplement annulée.

Renseignements pris, il semblerait que la faute en incombe surtout au Musée du Quai Branly qui ne s’est pas suffisamment assuré auprès des collectionneurs de la libre disponibilité des œuvres et qui s’est retrouvé, le moment venu, le bec dans l’eau.

Le Musée l’a remplacée par une exposition sur la bande dessinée animalière, où Donald dialoguera avec Pogo, Pif avec Lapinot, du 7 juillet au 7 novembre 2010.

« Cent pour Cent » à Bilbao, Istanbul et Paris

Ce couac ne doit pas dissimuler l’une des vraies réussites du musée : l’exposition « Cent pour Cent » qui avait fait sensation en janvier dernier et qui est aujourd’hui présente à la Alhondiga de Bilbao, un centre pluridisciplinaire réaménagé par Philippe Starck, qui inaugure sa toute première saison culturelle avec cette exposition sous le titre de « 100x100 Komik ». Elle est visible jusqu’au 20 août 2010. [1]

Elle est accompagnée d’une présentation sous le titre d’ Une année à Angoulême, des travaux de Clara-Tanit et de Lola Lorente, résidentes à la Maison des auteurs.

Elle ferait aussi escale à Istanbul en Juillet 2010 (sous une forme essentiellement numérisée) avec la contribution de quatre auteurs de BD turcs qui ont choisi une œuvre du Musée de la BD d’Angoulême pour en donner leur ré-interprétation. Nous vous en reparlerons.

C’est ensuite la Bibliothèque Forney à Paris (bibliothèque des arts graphiques de la Ville de Paris) qui l’accueillera du 21 septembre 2010 au 8 janvier 2011 [2]

Des répliques qui montrent l’ambition du Musée : créer un réseau qui permettrait aux expositions de circuler et au besoin de les amortir sur plusieurs sites.

Exposition Cent pour Cent : Frank Pé rend hommage à Franquin.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Exposition Cent pour Cent : François Avril rend hommage à Bilal.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Exposition Cent pour Cent en janvier 2010. L’exposition s’en va à Bilbao, Istanbul puis Paris.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Le FIBD et la mairie d’Angoulême se reparlent !

Toujours dans Sud Ouest, le 10 juin, on apprend que le directeur du Festival, M. Frank Bondoux, patron de 9ème Art +, la société qui gère le FIBD, et le maire d’Angoulême M. Philippe Lavaud, ont repris le dialogue. Les deux hommes, en effet ne se parlaient plus lorsque, au plus fort de la crise de l’automne dernier, seul le préfet de la Charente faisant les bons offices entre les deux chiens de faïence, avait réussi à les faire dialoguer.

La ville devant affronter, comme toutes les collectivités locales en ces temps de « rabotage », des coupes drastiques dans ses budgets va certes tenter de « mutualiser » une partie de ces coûts en opérant un rééquilibrage avec le concours de l’agglomération d’Angoulême, mais cela suffira-t-il ? La ville qui se souvient de la lourde dette de l’époque Boucheron, un maire socialiste que la justice était allée rattraper en Amérique du Sud, a le portefeuille très endolori.

À cette occasion, Sud-Ouest soulève un point de droit quelque peu épineux en ce qui concerne l’attribution des subsides publics à la société organisatrice du Festival, 9e Art + : « Le Département peut penser qu’il est délicat de verser 200 000 € à une société délégataire de droit privé, sans avoir recours à la procédure de l’appel d’offres. Le préfet de Charente aurait entendu l’argument. Frank Bondoux se récrie : « Notre société ne peut pas verser de dividendes à ses actionnaires. Elle a des comptes certifiés et son objet unique est d’organiser le FIBD. Je remarque que, partout en France, d’autres sociétés directement subventionnées, comme celle qui s’occupe des Francofolies, n’offrent pas les mêmes garanties. » affirme-t-il à Sud-Ouest.

Son objet unique est d’organiser le FIBD ? On veut bien le croire, mais nous sommes un peu étonnés : Sur le site Internet du Festival, un petit onglet sous le label « 9e+ » semble pourtant offrir des services bien plus élargis. 9e Art +, si l’on en croit cet argumentaire commercial, aurait notamment pour « vocation à intervenir auprès de toute entité désireuse d’initier des actions dans [le domaine de la BD] (collectivités, institutions culturelles, entreprises, …) en apportant des prestations adaptées à chaque problématique, qu’elle soit simple ou complexe. ».

Philippe Lavaud, maire d’Angoulême, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et Franck Bondoux, patron de 9e Art+ en janvier dernier.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Toujours selon le quotidien régional du Sud-Ouest, si le pragmatisme est d’actualité entre le FIBD et la mairie, les relations entre le Festival et la CIBDI, en revanche, ne sont toujours pas au beau fixe. Une partie des subsides passe obligatoirement par l’EPCC angoumoisine et M. Bondoux n’en est pas plus ravi : « En conflit ouvert avec Gilles Ciment, raconte Sud Ouest, Franck Bondoux n’est pas non plus enchanté à l’idée que la Cibdi pèse de tout son poids pour que les Charentais bénéficient des expositions de qualité du festival, au-delà du grand raout de janvier… Et quand il cite « un animateur de la vie locale », Franck Bondoux ne parle pas de la Cibdi… mais bien de l’association du festival, plutôt bichonnée à l’approche des négociations. Elle dispose en effet d’une arme fatale : sa propre dissolution qui signerait la fin de la délégation de Neuvième Art +. Pas étonnant que Gérard Balinzalia et ses amis, caution morale du festival, soient très directement impliqués dans le FIBD 2011, avec une exposition sur l’Égypte au musée des Beaux-Arts.  »

L’autre musée angoumoisin. Ambiance…

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

En médaillon : Philippe Lavaud, maire d’Angoulême, et Benoit Mouchart, directeur artistique du FIBD. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD).

[1Plaza Arriquibar, 4, à Bilbao. Du lundi au dimanche, de 7 à 23h00. Site web : www.alhondigabilbao.com Renseignements : info@alhondigabilbao.com.

[2Site web : www.bibliotheques.paris.fr.

 
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