Depuis l’avènement de la bande dessinée pour adultes dans le grand public, que l’on peut dater en France avec l’apparition de Barbarella de Jean-Claude Forest en 1962, les spécialistes se sont très vite penchés pour en découvrir les dessous. Il y eut d’abord Jacques Sadoul, son Enfer des bulles (Pauvert, 1968) et ses Filles de papier (Elvifrance, 1971), puis le Moliterni de la BD érotique, Henri Filippini avec sa Petite histoire de l’érotisme en bande dessinée (Yes édition, 1988) et surtout son Encyclopédie de la bande dessinée érotique (La Musardine, 1997, rééditée depuis).
Alors quoi, nous retrouvons ici le distingué Vincent Bernière, rédacteur en chef des numéros BD de Beaux-Arts Magazine, initiateur et éditeur d’une collection Erotix chez Delcourt dédiée à la bande dessinée "érotique, provocatrice et chic", dans un exercice d’encyclopédiste concurrent qui ferait de lui une sorte de Filippini des beaux quartiers ? Non pas, car il s’agit ici d’une anthologie, un peu savante, qui exalte l’érotisme dessiné depuis les amphores grecques jusqu’à leurs avatars en bulles et qui, surtout, donne à voir les bandes dessinées dont elle parle, ce qui vaut bien le coup d’œil.
On s’étonne un peu de la segmentation vaporeuse des chapitres qui réunissent les sujets en "soft", "chic’, "trash", "rigolo" et... "autobio".
Dans la première catégorie, on retrouve Gwendoline, Little Annie Fanny, Epoxy, Blanche Épiphanie et Barbarella dans une chronologie un peu foutraque qui se reproduit dans tout l’ouvrage.
Dans le quartier "chic", vous retrouvez, parmi d’autres, Crepax, Lévis, Manara, Veyron, Gillon, Magnus, Serpieri, Varenne, Frollo ou Casotto.
Dans la section "trash" Tom of Finland, Liberatore, Schulteiss, von Götha ou Baldazzini.
Les "rigolos" vont des Tijuana Bibles au Phantasmes de Reiser, de Vous n’avez pas honte ? de Dany aux Péchés mignons d’Arthur de Pins. On y joint un manga-alibi, Ogenki Clinic, qui ne nous semble pas vraiment représentatif et qui trahit une béance due peut-être à une ignorance du sujet par l’auteur, mais plus sûrement à un problème d’acquisition de droits de publication.
L’anthologie se conclut par le domaine de "l’autobio" (on échappe pour le moment au Bio), dans un fourre-tout qui rassemble Crumb, Joe Matt, Wolinski, et Frédéric Boilet que l’on associe opportunément à Aurélia Aurita.
L’ouvrage est très soigneusement édité en dépit d’une introduction historique pas vraiment rigoureuse (par exemple, Barbarella et Pravda la survireuse se retrouvent édités par Joël -au lieu d’Éric- Losfeld...) Je laisse le soin aux érotomanes distingués et à certains de nos lecteurs d’en faire le relevé pour que l’auteur puisse corriger l’édition suivante d’une anthologie qui a le mérite de contextualiser ces pages (mais l’auteur aurait pu creuser le filon davantage) avec les productions de leur époque, notamment dans le domaine du cinéma.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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