Au fil des chapitres de cet album atypique, l’auteur brosse un portrait tout en creux et en non-dits d’un jeune homme qui semble porté par les flots de la vie et ne cherche pas réellement à nager à contre-courant.
Antoine est un petit garçon qui a la poisse... Et la vision d’un squelette attaché à un pieu au bord du quai le marque fortement. Pas étonnant, puisque sa mère lui dit qu’il s’agit d’un pirate ainsi puni. Un pirate !
Nous retrouvons Antoine jeune adulte, marin sur un rafiot mené par un ivrogne, qui tombe par hasard sur une caisse enfouie sous le sable d’une île peu fréquentée. Le trésor enterré là ne profitera pas au marin, mais sera la première étape d’un voyage qui l’emmènera à monter sur un bateau pirate...
Le noir et blanc de Luis Durán est d’une bien belle facture, son dessin riche, expressif et stylisé renforçant l’ambiance légèrement décalée par rapport à la réalité de son histoire. Ses personnages ont de vraies gueules, et l’attention portée aux détails et aux décors fait beaucoup pour cette ambiance.
Tout le charme de l’album réside dans cet équilibre entre réalisme sans fard (la peinture de cette société est assez dure) et onirisme enfantin (des interludes racontant diverses légendes, dessinées dans un style plus brut aux grands aplats noirs, semblent faire prendre des chemins de traverses au récit) ; dans le personnage d’Antoine, que l’on apprend peu à connaître, ce qui n’empêche nullement qu’il soit particulièrement attachant, grâce entre autres à cette sensation de grave légèreté qu’il dégage.
Il faut aussi remarquer la cohérence narrative de cet album, la façon dont l’auteur lie les différents aspects de son récit d’une façon touchante sans être mélodramatique.
Antoine des tempêtes est un album qui possède un cachet certain. Nous attendrons avec impatience le prochain travail d’un auteur qui reçut pour son récit plus noir qu’il n’y paraît au premier abord le prix du meilleur album de l’année au festival de Barcelone 2004.
(par François Peneaud)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire un extrait.