Arkham Asylum fait partie des grands récits désormais considérés comme classiques au sein de la mythologie Batman. Proposé dans les années qui suivirent The Dark Knight Returns de Frank Miller, en 1989, sur le modèle du "roman graphique", ce récit fait date tant par sa manière d’investir et d’approfondir l’imaginaire de ce lieu que par la narration qui le mène.
Narration portée par le dessin de Dave McKean dont la froideur dégage un sentiment d’angoisse saisissant, idéalement adéquat au sujet de cette aventure. L’artiste, pour ce volume, a recouru à diverses techniques -peintures, crayonnés, collages, etc.- dont le mélange et la confrontation transcrivent à merveille le chaos que l’on associe à l’asile d’Arkham.
L’intrigue d’Arkham Asylum conte comment une émeute des détenus d’Arkham, menés par le Joker, conduit à la prise en otage du personnel de l’asile. Les pensionnaires "invitent" alors Batman à les rejoindre, à venir entre les murs de ce temple de la démence pour dénouer la situation. Dans cet espace définitivement autre, c’est à la psyché même de ses ennemis que le Chevalier Noir doit faire face, opérant une véritable plongée dans la folie que ménage et entretient l’endroit.
Avec cet ouvrage, le lieu que constitue l’Arkham Asylum se voit doté d’une temporalité, un passé : celui de la lignée familiale qui donne son nom à l’asile. Ce qui explique, en partie, le présent, ce que ce lieu est devenu et ce qu’il sera pour Batman et tous les membres, héros et vilains, de son univers. L’apport est fondamental.
Si le récit est désormais certainement connu de nombre de fans [1] , les nouveaux amateurs de l’univers du Chevalier Noir ne doivent en aucun cas manquer cette nouvelle édition. Les autres, ceux qui possèderaient déjà une ancienne édition pourraient tout à fait se laisser tenter.
En effet, le matériau inédit en France que propose Urban Comics à cette occasion se révèle particulièrement précieux : il s’agit du script réalisé par Grant Morrison et publié aux États-Unis dans l’édition anniversaire de 2005. Sur 64 pages -le script initial en comptait 48 et celui final, après le travail d’appropriation de Dave McKean en fera 128- toute l’intrigue se trouve décrite, à la manière d’un film, séquence par séquence, y compris certaines coupées ou remaniées. Ce script est illustré par le storyboard réalisé par le scénariste et accompagné de commentaires de sa part.
Si cette édition a été compliquée par un problème lors de la première impression -les deux premières pages inaugurales manquaient- retardant la véritable sortie du titre d’un mois (du 12 juin au 11 juillet), elle s’offre néanmoins comme une véritable réussite par le soin apporté à la mise en page de cette partie du volume sous la forme d’un pseudo dossier qu’on imagine aisément médical.
Celui de Grant Morrison lui-même ? À l’issue de cette lecture on pourrait être tenté de le penser tant le projet lui-même et l’exigence de sa réalisation relèvent d’une forme de folie, celle de la création.
(par Aurélien Pigeat)
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Arkham Asylum, par Grant Morrison et Dave McKean. Traduction Alex Nikolavitch. Urban Comics collection "DC Deluxe". Sortie le 12 juin 2014. 208 pages. 19 euros.
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[1] Outre l’édition chez Reporter en 1999, Panini en proposa une autre en 2010, nous vous en parlions alors.