Arthur Cravan est à coup sûr un personnage hors du commun. Poète séducteur, anti-bourgeois, ce géant de près de deux mètres, né à Lausanne en 1887 et arrivé à Paris vers 1909 ne tarda pas à faire parler de lui dans les milieux littéraires et artistiques de ce début de siècle.
Se liant avec des personnalités comme Kees Van Dongen, Sonia et Robert Delaunay ou Blaise Cendrars, le jeune homme cultive toute forme d’excentricité allant jusqu’à se moquer au sein de sa revue Maintenant des tendances et des créateurs les plus en vue à l’époque.
Électron libre, totalement libre, il va d’amour de passage en provocations artistiques et insultes envers les artistes de l’époque. Celui qui voulait « transformer sa vie en œuvre d’art » se réfugie en Espagne où il choisira d’affronter sur le ring, le champion du monde Jack Johnson, échappant par la même occasion à la boucherie de 14-18.
En 1917, il rejoint New York et les artistes dadas Duchamp et Picabia. Le poète-déserteur, boxeur, rencontrera alors le grand amour en la personne de Mina Loy, peintre et essayiste, élue prototype de la femme moderne par un grand journal new-yorkais. Mais le destin mettra un point final à l’incroyable trajectoire de ce dandy pour qui être poète était avant tout un art de vivre !
Cette biographie dessinée d’Arthur Cravan se parcourt comme un véritable roman, restituant avec force une époque où la démarche artistique s’apparentait autant à un sport de combat qu’à la recherche d’une véritable notoriété.
Cette recherche de la célébrité, ses frasques et ses provocations, son appétences pour les mondanités, toute cette ambivalence du personnage pourrait nous le faire percevoir parfois peu attachant.
L’articulation et la longueur du récit finissent par séduire et on suit avec plaisir les déambulations plus ou moins délirantes de ce personnage farfelu et extravagant. Le trait spontané de Jack Manini restitue de manière fluide et efficace l’esprit et les ambiances de cette époque.
Cette chronique enlevée et particulièrement dense décrit en détail l’itinéraire de ce dandy dont la devise personnelle se résumait par la formule : « Je ne veux pas me civiliser ». Jack Manini, en dépit d’une intense activité éditoriale, parfois aussi comme scénariste, a travaillé plus de deux ans autour de ce personnage fantasque et attachant sorti de l’oubli grâce à ce biopic élégant et soigné.
(par Patrice Gentilhomme)
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