"- Qu’est-ce que vous lui voulez à Alésia ?" demandait en s’énervant le bon Alambix dans Le Bouclier arverne. Cette défaite gauloise n’est évidemment pas un bon souvenir, au point que lorsqu’on demande à un Français où Alésia se trouve, la réponse est souvent évasive. Même Google Maps y perd son latin, pointant sur une station de métro parisienne (il faut taper "MuséoParc d’Alésia", sinon vous n’y parvenez pas...).
On y accède pourtant facilement. C’est à 1h00 de TGV de Paris (descendre à Montbard) et la région regorge de ressources touristiques, du site voisin de Bibracte, où César rédigea ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, à l’Abbaye de Fontenay, l’un des plus anciens monastères cisterciens de France, au bourg médiéval de Flavigny-sur-Ozerain, "le plus beau village de France"...
C’est là que le Conseil Général de la Côte d’Or en Bourgogne a établi en 2012 le bâtiment de l’architecte Bernard Tschumi, prix de Rome d’architecture, à qui l’on doit aussi le Musée de l’Acropole à Athènes, la Blue Tower à New York, ou encore le Parc de la Villette. Ce "centre d’interprétation" se donne comme projet de faire revivre la fameuse bataille sur un espace de 1200 m². Un camp romain est même reconstitué. La statue de Vercingétorix commandée par Napoléon III à Aimé Millet, surplombe le site. Idéal pour une visite en famille.
Alésia ou Gergovie ?
Alors, la fameuse bannière romaine plantée sur la Gaule, symbolisant la domination de Rome dans les albums d’Astérix pointe-t-elle sur Alésia ? "Non !, nous répond catégoriquement l’historien Vincent Guichard, directeur général du centre archéologique de Bibracte qui a fouillé l’endroit, c’est précisément Gergovie ! Gergovie est une bataille qui a duré moins longtemps qu’à Alésia mais, tout de même, il y a eu un début de siège qui a foiré : César a voulu attaquer trop vite et les Romains y ont pris une sacrée dérouillée ! On a retrouvé des éléments de ce dispositif dès 1862 et encore récemment. On est bien sûr que c’était là !"
Justement, en ce qui concerne la situation d’Alésia, il y a eu un bon nombre de controverses... "Il y aura toujours des négationnistes, nous répond Vincent Guichard en souriant, mais l’affaire est close archéologiquement depuis le mois de mai 1861. Dès les premiers coups de pioche de l’équipe mise en place par Napoléon III, on a pu découvrir les systèmes de fortifications romaines devant Alésia, des armes romaines, des monnaies gauloises.. Pour la communauté archéologique, il n’y a pas de débat. Les sources, à 98%, provenaient du Commentaire de César, où la description topographique est précise. Il y a une continuité toponymique complète. Nous avons plusieurs inscriptions dont une -et c’est rarissime- en langue gauloise en caractères latins qui mentionne une corporation d’artisans installés "in Aliséa" datant du 1er siècle apr. J.-C. Des jetons de vote de l’antiquité comportent aussi ce mot-là. Entre le village d’aujourd’hui, Alise-Sainte-Reine et Aliséa, la continuité est parfaite."
Qu’est-ce qui poussa Napoléon III à aller à fouiller à Alésia, le Roman national ? "C’est plus que cela. C’est pour montrer que le césarisme fait le bonheur des peuples, histoire de se raccrocher à une histoire impériale très ancienne. Mais c’est aussi clairement une curiosité scientifique. Napoléon III avait une formation d’ingénieur militaire, il est artilleur. Il a vraiment monté une équipe scientifique pluridisciplinaire pour étudier toutes les campagnes militaires de César."
Uderzo à Alésia
" - Je ne suis jamais venu à Alésia, dommage que René ne soit pas là..." nous glisse Albert Uderzo pendant la visite. Celui qui fête ses 88 ans aujourd’hui, le 25 avril (bon anniversaire, Albert !) tient la forme et se montre comme tout un chacun émerveillé.
L’exposition concoctée par Mathilde Le Piolot-Ville, responsable de l’action culturelle du MuséoParc et Stéphane Beaujean, rédacteur en chef de la revue Kaboom et membre du comité de programmation du FIBD d’Angoulême est conçue comme une immersion dans les cases d’Astérix. Les commissaires ont sollicité 15 historiens de renom qui ont abordé différents thèmes comme la vie militaire des Romains, la vie du village gaulois, la religion gauloise, les Commentaires de Jules César, le banquet gaulois, les techniques de combat (dont la fameuse tortue reconstitué à l’échelle 1/1) et la forêt en Gaule.
"Nous n’avions pas la prétention de refaire l’histoire ou de faire une BD historique, raconte Uderzo. Nous nous sommes donc servis des ouvrages de référence : la Guerre des Gaules comme ouvrage de base et moi, je m’inspirais beaucoup des gravures et des photos du Colisée et autres vestiges romains. Pour le reste, les clichés de l’époque, nous sommes en 1959, ont fait l’affaire : "Nos ancêtres les Gaulois !"..."
"Je suis très honoré, déclara Uderzo au moment de l’inauguration. Je savais qu’Alésia existait. Je suis très ému d’être ici car c’était un site que je m’étais toujours promis de connaître... Je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez fait."
Le dessinateur, qui connaît son affaire, mentionnant au passage, lorsque l’on parla de vin, ce qui est normal en Bourgogne, que le tonneau était une invention gauloise, posa cette "colle" aux scientifiques présents : les maisons gauloises avaient-elles une cheminée ? Ils furent bien en peine de répondre...
Là est la vertu d’Astérix qui questionne l’histoire et donne à réfléchir aux historiens, et à ses lecteurs !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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LIRE AUSSI :
Astérix à Alésia - Du Mythe à la réalité
Du 25 avril au 30 novembre 2015
TGV Paris Gare de Lyon - Gare de Montbard
puis car Transco, ligne 73.
Plus d’info sur le site MuséoParc d’Alésia
Reportage photographique : D. Pasamonik (L’Agence BD)