"Atomic (S)trip" : la prime jeunesse d’Atsushi Kaneko s’effeuille chez Pika

D’Atsushi Kaneko, on connaît les séries à succès qui l’ont mené d’une étiquette underground avec Bambi, chez IMHO, au milieu des années 2000, puis Soil, chez Ankama, à une reconnaissance arty avec Wet Moon puis DeathCo chez Casterman Sakka moins de dix ans plus tard. Un statut qui justifie qu’on se penche sur ses travaux de jeunesse, ou annexes, sur ces nouvelles parues dans diverses revues japonaises, à l’image du récent Fossiles de rêves de Satoshi Kon, publié lui aussi dans la collection "Pika Graphic".

ATOMIC (S)TRIP © Atsushi KANEKO 2016 / KADOKAWA CORPORATION

C’est ainsi qu’arrive chez nous Atomic (S)trip - intitulé Comic ? au Japon - recueil composite, sorte de nouvelle édition des récits courts d’Atsushi Kaneko. Quelques éléments pour s’y retrouver car, c’est certainement l’une des lacunes de cette édition, les deux textes du mangaka pour présenter son travail manquent un peu de clarté et un ajout de l’éditeur pour présenter et contextualiser l’ensemble n’aurait pas été superflu.

Atomic (S)trip se trouve construit autour de trois éléments distincts. Tout d’abord un ensemble de nouvelles de la fin des années 1990, publiées ensemble en 2001 sous le titre Atomic ?. Elles ferment notre édition, accompagnées d’une postface d’Atsushi Kaneko qui détaille pour chacune le contexte de composition. Au milieu de notre édition, une autre nouvelle, de la même période (2002), donc inédite car postérieure au recueil de 2001 : Fuck Forever.

Enfin, un véritable ensemble cohérent et filé dans le temps qui ouvre l’actuelle édition et auquel le mangaka consacre sa préface : Tattoo Girls. Dix nouvelles publiées entre 2006 et 2015, dans la même revue annuelle qui donna son titre à ces courts récits.

ATOMIC (S)TRIP © Atsushi KANEKO 2016 / KADOKAWA CORPORATION

Une manière de suivre l’évolution graphique d’un auteur sur une période donnée et de voir comment son imaginaire évolue et investit un même thème d’année en année, cherchant à chaque fois à se renouveler dans l’approche du motif. Cette section constitue certainement l’attrait majeur du recueil, chaque récit livrant une petite pépite inattendue.

ATOMIC (S)TRIP © Atsushi KANEKO 2016 / KADOKAWA CORPORATION

On y retrouve un Atsushi Kaneko déjanté et iconoclaste, expérimental et sans tabou. Avec des récits crus et cruels à la fois, qui ne se départissent toutefois jamais de cette ironie mordante qui leur confère leur justesse de ton. Et, conséquence directe du format court de ces récits, un art de la construction et de la chute d’une rare maîtrise.

Ainsi des excellents Atomic ?, Cosmic ? et Satanic ?, les deux premiers demeurant assez légers malgré la gravité de certaines situations, le dernier faisant savoureusement froid dans le dos. Le mangaka affirme créer en déconstruisant les machines dont il s’empare. C’est net dans ces nouvelles à travers lesquelles Atsushi Kaneko multiplie les essais et expérimentations.

Si tout n’apparaît pas immédiatement formidable, certaines tentatives laissant un peu circonspect, l’efficacité globale de ces nouvelles - certaines d’à peine quelques planches - et l’inventivité dont elles témoignent emportent le morceau. Atsushi Kaneko est diablement talentueux et cela apparaît comme une évidence à la découverte de ces récits de jeunesse.

ATOMIC (S)TRIP © Atsushi KANEKO 2016 / KADOKAWA CORPORATION