Cela peut paraître fou de l’écrire de nos jours, mais oui, les Avengers n’ont pas toujours été aussi populaires et/ou connus qu’ils ne le sont aujourd’hui. Des années 1980 jusqu’aux années 2000, l’éditeur Marvel se reposait ainsi principalement sur le succès mondial des X-Men ; la famille mutante constituant alors son principal groupe de super-héros aux yeux des lecteurs alors que « les plus puissants héros de la Terre » n’étaient de leur côté que des acteurs de second rang. Qu’est-ce qui a bien pu changer la donne sur cette grosse décennie qui vient de s’écouler ? Comment la Maison des Idées est passée de la suprématie des X-Men à celle des Avengers ? L’explication trouve ses racines avec l’année 2004 et l’arrivée de Brian Michael Bendis dans l’univers des Avengers.
En 2004, le scénariste commence à être porté aux nus par les amateurs et les critiques pour ses diverses œuvres, notamment celles de la branche Ultimate (lancée en 2000) où il ré-écrivait pour les nouveaux lecteurs du troisième millénaire un nouvel univers Marvel, mais aussi la série Jessica Jones – Alias (lancée en 2001) où il adoptait un ton plus mature que dans la plupart des autres publications de l’éditeur. Toutefois, la question se posait à l’époque : que venait faire le nouveau scénariste-star de l’éditeur dans une famille laissée en friche par son éditeur depuis quelques années ? La réponse ? Une révolution.
Pour faire des Avengers le groupe que l’on peut se représenter de nos jours, Bendis ne va pas aller de main-morte et va donc faire carrément table rase du passé de l’équipe. Voilà ici l’un des premiers des très nombreux coups de canif que ne va pas hésiter à donner le scénariste dans la continuité scénaristique de son éditeur, pour le meilleur et parfois le pire pour les amateurs, qu’il ne laissera décidément jamais indifférents.
La Séparation est un récit simple, mais choc. Les Avengers vivotent tranquillement dans la situation où les précédents auteurs les avaient emmenés, notamment comme équipe au service de l’ONU et habitant à New York. Sans crier gare, ils ne vont pas voir débouler un sempiternel super-vilain pour le traditionnel souk de la journée, mais vont au contraire être assaillis par des visions d’horreur et des catastrophes, et ce page après page. Autant l’écrire, ce n’est ici pas un euphémisme de souligner que Bendis n’y va pas de main-morte pour tourmenter sa nouvelle équipe : en proposant sans discontinu, entre autres, des attentats-suicides, des trahisons au sein de l’équipe, une invasion extra-terrestre ou des imbroglios politiques, le scénariste ne laisse pas le temps au lecteur de se remettre de ses émotions et le laissera souvent hébété face à un tel déchaînement de mésaventures pour ces personnages.
Le propos est spectaculaire, mais comme souligné précédemment, l’intrigue est simple : une relecture intéressante d’un Avenger et de ses démons intérieurs par Bendis lui a suffi pour justifier son histoire, et ce de manière convaincante. Pas étonnant qu’il a remis le couvert de manière similaire l’année suivante avec ce personnage, mais cette fois-ci en incluant la famille mutante dans le cross-over House Of M qui avait fait date. Le scénariste prouve ici une nouvelle fois sa propension à bien savoir croquer les personnages et leurs vies personnelles, ce qui apporte un charme non négligeable à l’histoire.
Avengers – La Séparation est un album que nous vous recommandons, autant aux amateurs qu’aux nouveaux lecteurs : les Avengers bénéficient ici d’un récit de qualité qui a marqué leur histoire et le scénariste Brian M. Bendis se montre ici sous l’un de ses meilleurs jours. Les planches du principal dessinateur de cet événement, à savoir David Finch, sont très réussies et soutiennent sans faiblir la riche action narrée ici. On retiendra aussi quelques planches de David Coipel, de Jim Cheung ou encore de Micheal Gaydos qui ne manqueront pas d’attirer l’attention du lecteur !
Le récit est accompagné de deux intrigues d’époque venues des séries Iron Man et Captain America and the Falcon (qui concluaient les intrigues respectives pour mieux repartir ensuite vers une autre direction) : autant la première nous semble dispensable, autant la seconde, malgré son aspect très chaotique pour le lecteur, permet de creuser la place de plus en plus cruciale que prend un personnage dans le giron des Avengers sous la houlette de Bendis.
(par Romuald LEFEBVRE)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Avengers – La Séparation. Par Brian M. Bendis (scénario) et David Finch (dessins). Traduction de Nicole Duclos, Khaled Tadil et Sophie Viévard. Panini Comics, collection Marvel Events. Sortie le 24 août 2016. 288 pages. 25,00 euros.