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Bajram, Bertrand et Mangin : « Quadrant Solaire est un label de BD tout public d’auteurs ».

Par Nicolas Anspach le 24 mars 2007                      Lien  
{{Denis Bajram}} et {{Valérie Mangin}} ont créé le label {Quadrant Solaire} aux éditions Soleil. Surchargés de projets, ils ont engagé l'éditrice {{Corinne Bertrand}}. Cette collection s'attache à créer une bande dessinée tout public d’auteur aux thématiques plus adultes. Rencontre avec cette brochette d'éditeurs et avec quelques-uns de leurs auteurs.

De passage le mois dernier à Bruxelles pour le vernissage d’une exposition à la librairie Brüsel, Denis Bajram, Valérie Mangin et Corinne Bertrand parlent de leur label dont on attend les vraies nouveautés pour quatrième trimestre 2007.

Les séries de Denis Bajram (Universal War One) et de Valérie Mangin (Le Fléau des Dieux, Le Dernier Troyen, Luxley, etc) intégreront, quant à elles, cette collection au fur et à mesure de leurs rééditions…

Pourquoi avez-vous souhaité vous impliquer dans la direction éditoriale de ce nouveau label, Quadrant Solaire …

D. Bajram : J’ai toujours bénéficié de beaucoup d’indépendance au sein de Soleil. Quand j’ai signé avec Mourad Boudjellal, son PDG, pour le premier tome de Universal War One, je lui ai directement signifié que je souhaitais conserver ma liberté. Lorsque je travaillais sur Cryozone aux éditions Delcourt, je souffrais d’une présence trop importante de l’éditeur. Et cela me bloquait dans mon travail ! Avec Valérie Mangin, ma compagne, nous avons développé notre territoire au sein du catalogue Soleil. Nous nous sommes, par après, interrogés sur la place de nos livres dans cette maison d’édition. Nous ne correspondions pas à l’image « orientée adolescent » de cet éditeur. Nous avions l’impression d’être un peu à contre-courant de son catalogue. Nous en avons parlé à Mourad, et il nous a fait un chèque en blanc !
Si nous ne nous sentions pas à l’aise chez Soleil, nous n’y aurions jamais développé Quadrant Solaire. La création de cette structure est logique : nous n’allions ni quitter Soleil, ni continuer à lutter contre l’image d’une maison d’édition qui était un peu trop forte pour nos livres plus adultes. Nous avons donc clarifié.

Quelle est la ligne éditoriale de Quadrant Solaire ?

C. Bertrand : Elle est à la fois simple et compliquée : publier ce que l’on aime. Nous souhaitons éditer de la bande dessinée tout public d’auteur. Bref, des livres qui ne nécessitent pas forcément une grande culture BD pour les comprendre, mais qui sont réalisés par des auteurs qui abordent leurs préoccupations personnelles, ou des thèmes plus adultes. Tous les genres sont les bienvenus : de l’autobiographie, à l’historique en passant par la science-fiction.

Bajram, Bertrand et Mangin : « Quadrant Solaire est un label de BD tout public d'auteurs ».
Denis Bajram & Mourad Boudjellal

C’est vaste … Ne devez-vous pas segmenter Quadrant Solaire en différentes sous-collections pour aiguiller les lecteurs ?

CB : Non. Il faudra simplement donner des points de repères aux lecteurs. La bande dessinée peut aborder tous les genres et toutes les thématiques. Nous n’allons pas nous cantonner à un type de narration. Ce sera la force de conviction qui se dégage d’un projet qui fera que l’histoire paraîtra dans Quadrant Solaire, ou pas…

DB : Nous avons conseillé à certains auteurs d’être édités par Soleil, plutôt que chez Quadrant Solaire. Leurs projets ne ressemblaient pas à notre démarche et ne cadraient pas avec notre exigence. Nous avons-nous même un peu de mal à définir l’esprit Quadrant Solaire. En fait, c’est très comportemental : on suit notre instinct, qui est assez clair… On sait vers où on veut aller !

CB : En discutant avec les auteurs, on devine rapidement si on partage des valeurs communes, et des envies qui ne sont pas forcément en corrélation avec la mode et le courant. Des courants qui sont d’ailleurs assez pénibles. C’est aujourd’hui puéril de penser qu’il y a un clivage entre différents genres : la « BD à papa » contre la nouvelle BD. Et vice versa ! On peut dépasser ce mode de pensée aujourd’hui, non ?

Corinne Bertrand, vous avez été éditrice chez Dupuis [1] et vous vous occupiez du label « Expresso ». Vous y éditiez de la « nouvelle BD »…

CB : Ce n’en était pas. J’ai grandi en découvrant les premières BD de l’Association. J’ai vécu l’arrivée du manga. Tous ces changements ne me posent aucun problème, mais que l’on arrête d’en faire des manières de penser, ou des partis forts. Il ne s’agit pas d’un « mode de penser », mais d’une manière différente de raconter.

Denis Bajram, Valérie Mangin et Corinne Bertrand

Valérie Mangin et Denis Bajram, avez-vous encore le temps de travailler sur vos projets personnels ?

DB : Cette entreprise nous a pris un an de travail à Valérie et à moi-même ! Heureusement, Corinne Bertrand nous a rejoints. Les démarches quotidiennes sont lourdes, et la prise de décision souvent difficile. Mais j’ai énormément appris en travaillant sur ce label : Le marché de la BD, le marketing autour d’un album ou d’une collection, la manière d’aborder les auteurs, etc. Tout cela nous donne envie de continuer…

Malo Kerfriden, n’avez-vous pas eu quelques appréhensions d’être publié dans Quadrant Solaire ?

MK : Pas du tout ! Le plus dérangeant était que Valérie, ma scénariste, allait devenir mon éditrice (Rires). Blague à part, KGB est le premier album de Quadrant Solaire. La thématique de la série n’était pas en phase avec l’image de Soleil …

On vous sent plus libéré, notamment sur la couverture du T1 de KGB.

MK : Effectivement. Elle me correspond beaucoup plus que celles que j’ai pu réaliser pour ma précédente série, Quarterback. David Chauvel, son scénariste, en avait conçu le concept des couvertures.

DB : Nous avons laissé venir Malo. Nous partons du principe que l’auteur doit être maître de son travail, car il sait ce qui est bon pour son œuvre. Le premier projet était assez semblable de la couverture définitive. On y retrouvait un excellent impact visuel avec ce fond rouge et une femme qui suscite l’interrogation. Sur les croquis préparatoires, Malo l’avait d’ailleurs représenté avec un sein découvert. Nous n’avons finalement pas opté pour cet artifice glauque pour vendre « plus de papier ». Et on a sans doute perdu cinq mille ventes (Rires).

N’est-ce pas difficile de ne plus avoir d’avis externe, d’un éditeur sur votre propre démarche d’auteur ?

VM : Je bénéficiais déjà de l’expérience de mes précédents albums publiés chez Soleil. Je suis assez confiante.

CB : Denis est un auteur atypique. Il se pose beaucoup de questions sur son travail. Du choix de la couverture, en passant par la mise en page ou la manière de communiquer. On ne rencontre pas cette démarche chez tous les auteurs. Il avait déjà un regard d’éditeur sur son propre travail.

Corinne Bertrand, comment caractériseriez-vous votre travail au sein de Quadrant Solaire ?

CB : Je suis la base avancée de Soleil en Belgique. Je corresponds beaucoup par mail et par téléphone avec Denis et Valérie qui vivent aujourd’hui en France. Quadrant Solaire est un label qui va naître en septembre. Nous y accueillerons de nouveaux auteurs. Mais pour l’instant, nous sommes encore dans une phase de réflexion et de partage d’idées quant à l’identité de ce label. Il nous faut éclaircir nos intentions et définir une charte graphique. Sans oublier d’imaginer le futur à moyen et long terme, afin que cette structure éditoriale tienne la route pour au moins une quinzaine d’année… Tout en étant malléable.

Combien d’album sortiront d’ici la fin 2008 ?

CB : Sans compter les séries de Valérie, nous devons friser la quinzaine de projets. Parmi ceux-ci, citons celui de Bruno Marchand (Little Nemo, chez Casterman). Il va probablement inaugurer la partie la plus introspective et intimiste de la collection. Jung (Kwaidan, chez Delcourt) va réaliser un récit dans la même veine, un diptyque autobiographique. Gérard Goffaux (Max Faccioni) illustrera un scénario de la romancière Barbara Abel (L’instinct maternel, au Masque). Et puis, il y a le projet de Fabrice Neaud

DB : Il s’agit pas seulement du projet de Fabrice, mais de plusieurs auteurs qui y collaboreront en tant qu’invités. Dont moi ! Fabrice n’a pas envie de devenir dessinateur de comics et d’aligner vingt planches par mois (Rires). Nous ne pouvons pas encore donner de date de sortie de ce livre qui demande un très gros travail. Trois Christs sera coédité par Olivier Jalabert. Ce dernier a une compréhension parfaite du marché du comics en France et aux États-unis.

Les albums de « Quadrant Solaire » pourront-ils avoir plusieurs formats ?

CB : Tout à fait ! Nous avons quatre ou cinq pistes pour les formats. Nous avons envie de nous adapter au projet, et donc parfois de privilégier l’objet livre…

Un format correspondra-t-il à un genre ?

DB : Non. Nous allons fonctionner avec la même raison et déraison que nous vous expliquions tout à l’heure…

Quels seront les autres projets ?

CB : Midam et Adam (Game Over) publieront chez nous leur nouvelle série. Rudy Spiessert nous rejoint également avec une histoire très personelle.

Denis et Valérie, faites-vous à vos auteurs les conditions que vous auriez aimé obtenir lors de la signature d’un contrat ?

DB : Il a été convenu avec Mourad, dès le départ, que nous proposerions des contrats aux auteurs, mais nous ne les négocierons pas. Cette partie du métier d’éditeur est délicate car nous avons souvent des liens amicaux avec les auteurs. Je préfère donc laisser Soleil s’occuper de la négociation. Ceci dit, nous avons parfois fait incorporer des clauses dans certains contrats, des clauses de protection…

CB : Ceci dit, les auteurs doivent arrêter de penser que l’éditeur est forcément leur ennemi, ou contre le partage. Il y a une grande ouverture d’esprit et un grand pragmatisme chez Soleil. Nous proposons de nouvelles clauses qui peuvent être financièrement intéressantes pour les auteurs…

L’équipe éditoriale de Quadrant Solaire et quelques-uns de ses auteurs.
Au premier rang, en haut : Malo Kerfriden, Corinne Bertrand, Thierry Démarez et Francisco Ruizgé - A l’avant-plan : Denis Bajram et Valérie Mangin.

(par Nicolas Anspach)

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Le site de Quadrant Solaire

Lire une interview de Bajram, à propos de Universal War One

Photos (c) Nicolas Anspach - Reproduction Interdite sans autorisation préalable.

[1Corinne Bertrand a démissionné de son poste d’éditeur aux éditions Dupuis en avril 2006, et a rejoint le label Quadrant Solaire quelques semaines plus tard.

 
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