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Balthazar & Cornette : « Frida Kahlo était hyper-sensible, tant physiquement que psychologiquement. »

Par Charles-Louis Detournay le 2 mai 2015                      Lien  
Étonnante biographie d'une centaine de pages que livrent les deux auteurs de "Frida Kahlo" (Ed. Delcourt), Flore Balthazar et Jean-Luc Cornette. En moins de quatre ans de la vie de Frida Kahlo, peintre mexicaine de renom, ils dépeignent des personnages hors normes empêtrés dans des situations politiques et sociales hors du commun.

Comment vous est venue cette idée d’adapter une partie de la vie de Frida Kahlo ?

Balthazar & Cornette : « Frida Kahlo était hyper-sensible, tant physiquement que psychologiquement. »Flore Balthazar : Je connaissais Frida pour avoir lu sa correspondance. J’aime également mettre en scène des personnages féminins, car j’éprouve plus de facilité à les faire bouger. Sans oublier le fait qu’elle est peintre et réalise un travail graphique, ce qui la rendait doublement intéressante à mes yeux.

Jean-Luc Cornette : L’œuvre de Frida est bien entendu intéressante, mais sa vie et son destin le sont tout autant ! C’est un mélange de belles choses et de souffrances, qui l’a rendue si forte. On ne l’évoque d’ailleurs pas dans le livre, mais elle a vécu un terrible accident à 18 ans qui l’a laissée partiellement handicapée. Frida est presque un personnage de roman !

Pourquoi avoir justement éludé cet accident de bus, que vous n’évoquez que dans la biographie en fin d’album ?, afin de débuter le récit avec l’arrivée de Trotski au Mexique ?

Jean-Luc Cornette : Tout-à-fait, après avoir assimilé beaucoup de documentation, nous avons pris le parti de nous concentrer sur cette période très riche de sa vie. Nous ne voulions pas réaliser une biographie au sens large, ce qui aurait pris six cents ou mille pages ! Nous avons donc choisi de ne pas évoquer sa vie avant Trotski, ni après, un certain moment. Les éditions Delcourt nous ont effectivement permis de réaliser un petit dossier qui remet cette période en situation pour les lecteurs qui ne connaissaient pas du tout le personnage.

Si Frida semble en souffrance, elle semble également dans quête perpétuelle : de sexe, d’art et de réflexion...

Flore Balthazar : C’était une personne forte et éminemment vivante ! Lorsqu’on ressent très fort la souffrance, on est également très sensible à la joie. Elle était sans doute hyper-sensible, autant physiquement que psychologiquement. Ces contrastes produisent donc une vie haute en couleurs.

Le couple qu’elle forme avec Diego Rivera est également hors norme. Ils se courent autant l’un derrière l’autre qu’ils se disputent. Sans compter les aventures extra-conjugales que vous leur prêtez à chacun, à de nombreuses reprises.

Flore Balthazar : Selon moi, ils ne pouvaient ni vivre ensemble, ni séparés ! Puis dans un couple, il est difficile de faire cohabiter deux génies. Normalement, le génie aime vivre avec une muse qui fait aussi la vaisselle et le ménage. Mais dans leur couple, il était impossible que l’une s’efface pour l’autre. C’est pour cela que, selon moi, ils avaient tous les deux des amants et des maîtresses qui jouaient ce rôle, pour le du repos du guerrier. Diego avait semble-t-il une propension à sauter sur tout ce qui bougeait, et Frida, ayant été initiée par lui, avait certainement décidé qu’il ne pouvait alors pas être le seul à s’amuser.

Dans votre première partie, vous analysez en détails les principes et le combat de Trotski. Était-ce important de montrer cette place qu’il avait prise pour Frida Kahlo ?

Jean-Luc Cornette : J’ai surtout voulu mettre en parallèle les différentes vies de Frida et Diego, leur vie sentimentale, artistique, politique et sociale, au travers de quatre personnages : le couple bien entendu, mais aussi Trotski, ainsi que Ramon Mercader, son meurtrier. La seconde partie du livre donne d’ailleurs un éclairage sur les commanditaires de ce dernier, dont sa propre mère. Nous nous sommes focalisés sur ces années grouillantes et tourbillonnantes où cela pétaradait dans tous les sens. J’avais l’impression que pas une journée de ces quatre années ne se passait dans l’ennui. Dans cet intervalle, Frida consent à exposer ses peintures. De passionnée dans l’ombre de son mari, elle devient alors une artiste reconnue.

La chambre de Trotski à Mexico City
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Vous décrivez également le choc de cultures avec les artistes parisiens, notamment avec l’écrivain surréaliste André Breton...

Flore Balthazar : Pour Frida, ce monde de intelligentsia parisienne était assez hallucinant : alors qu’ils devisaient de la révolution à la terrasse du Café de Flore armé de ballons de rouge, la situation au Mexique prenaient des tournures autrement plus sérieuses. Frida avait d’ailleurs décidé que sa date de naissance serait celle de la révolution mexicaine.

Comment vous êtes-vous documentés pour représenter cette période de vie foisonnante qui se partage sur près de trois continents ?

Flore Balthazar : Je me suis récemment rendu compte que j’avais emmagasiné plus de trois mille photos, principalement d’eux deux ainsi que de ses peintures. Jean-Luc et moi nous sommes également rendus au Mexique, grâce à une bourse Wallonie-Bruxelles. Nous voulions visiter les lieux symptomatiques de leur vie. Nous avons donc pris beaucoup de clichés, avant de nous en distancier afin qu’ils deviennent des personnages de bande dessinée.

Jean-Luc Cornette : Pour ma part, j’avais bien entendu beaucoup lu : des biographies plus ou moins réussies, ses carnets de correspondance ainsi que le film qui est très bien réalisé. Elle est un sujet d’intérêt permanent, et même après avoir terminé le scénario, j’ai continué à m’y intéresser.

Cette expérience vous a-t-elle donné envie de continuer à travailler ensemble ?

Jean-Luc Cornette : Oui, tout-à-fait ! Même si nous sommes actuellement partis sur des projets différents. Pour ma part, je travaille sur beaucoup de choses ! Les plus actuelles sont : une nouvelle pour le recueil Bruxelles noir dans la foulée de mon premier roman publié fin 2014 ; un siècle d’Histoire du Laos dans un gros one-shot intitulé Un Million d’éléphants dessiné par Vanyda et qui paraîtra chez Futuropolis ; une autre biographie sur Klimt dessinée par Marc-Renier à paraître chez Glénat dans la série des Grands Peintres ; un Chlorophylle au Lombard dessiné par René Hausman, etc.

Mais de mon côté, tout cela est déjà écrit, et je suis en train de voir si je me remettrais au dessin, ainsi que Futuropolis m’encourage.

Flore Balthazar : J’ai décidé de réaliser mon premier projet au scénario et au dessin. C’est un sujet qui me touche personnellement, car je travaille sur des archives familiales, à savoir l’adaptation du journal de guerre de ma grand-mère. Je suis actuellement en pleine recherche de documentation. Un sujet passionnant !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

Flore Balthazar & Jean-Luc Cornette
Photo : CL Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

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18 Messages :
  • Balthazar existe vraiment ? Je pensais sincèrement que c’était un pseudo que Franck Le Gall utilisait pour adopter un dessin plus "nouvelle bédé".

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    • Répondu par simon brauman le 2 mai 2015 à  23:09 :

      il ne faut plus un grand niveau de dessin pour publier une bande dessinée aujourd’hui... C’est peut-être la leçon à retenir de l’industrialisation à outrance de l’édition de bande dessinée dans laquelle se vautre une grande partie de ceux qui font l’actualité BD de notre époque.Comme il faut constamment alimenter les rayonnages pour ne pas se faire piquer la place par des concurrents qui jouent le même jeu, les éditeurs ne misent plus sur la qualité et embauchent le tout venant qui a des prétentions de tenir un crayon.
      L’argent public attribué par la fédération Wallonie Bruxelles pour satisfaire la démarche louable, mais au final bancale de ses deux auteurs aurait bien fait rire Frida. Qui ressent une ambiance sud américaine dans les planches piteuses de ce recueil ? Je sais que d’autres prétendront le contraire, tout comme ils me diront que je n’ai pas le droit d’émettre cet avis. Quant au parti pris de ne garder qu’une toute petite période de la vie de Frida Khalo, ignorant par là ce qui à nourri la partie majeure de son oeuvre, c’est l’aveu de sottise et de faiblesse des créateurs subsidiés de cet album.

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      • Répondu par Roxy le 3 mai 2015 à  20:31 :

        Ohlala ! Le commentaire haineux qui sent le réglement de compte à plein nez. Vous semblez bien les connaitre avec cette histoire d’argent public attribué par la fédération Wallonie Bruxelles, vous n’avez pas réussi à avoir cette subvention que vous vous fâchez tout rouge comme ça ?

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        • Répondu par simon brauman le 3 mai 2015 à  22:32 :

          oui oui Roxy, c’est bien ça, je suis haineux et moi aussi j’envie les romanichels masochistes qui font de la BD en dépendant d’un chômage ou de la Fédération Wallonie Bruxelles. Cette dernière pour info, se trouvant citée en toutes lettres dans l’article, que vous n’avez peut-être pas tout à fait lu.

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          • Répondu par Auteur le 4 mai 2015 à  01:50 :

            j’envie les romanichels masochistes qui font de la BD en dépendant d’un chômage

            Vous êtes très mal renseigné, les auteurs de BD ne peuvent prétendre à aucun droit au chômage. Les romanichels masochistes vous disent m... .

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      • Répondu par Manu le 3 mai 2015 à  23:21 :

        Vous aviez déjà dit la même chose au bas de la chronique de l’album, c’est de l’acharnement, vous êtes allergique au travail et au trait de la charmante Flore Balthazar. Généralement ceux qui signent de leur nom complet sur ce site sont des auteurs, en tout cas des personnalités déjà connues dans le monde de la bande dessinée. Ne voyant pas qui vous êtiez (ça arrive, on ne peut pas connaitre tout le monde) j’ai fait une recherche dans un moteur de recherche, mais vos noms et prénoms n’apparaissent que dans des commentaires d’Actuabd, alors pourquoi prendre un pseudo qui se cache d’en être un pour intervenir ici ? Se donner une légitimité ? Un prénom ou un surnom suffit, pourquoi un alias spécifique ?

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 4 mai 2015 à  08:15 :

        il ne faut plus un grand niveau de dessin pour publier une bande dessinée aujourd’hui...

        Vous pouviez dire la même chose de Copi, Reiser ou Devos il y a 40 ans, donc votre remarque est ridicule.

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        • Répondu par Flore Balthazar le 4 mai 2015 à  14:41 :

          Eh ben ! Quelle affaire !
          Personnellement, que des gens n’aiment pas mon travail ça m’est un peu égal. Franchement. Ça plaît à d’autres, ça fait passer un bon moment à certains et j’arrive à en faire mon métier, c’est tout ce qui m’importe.

          Ce qui est extraordinaire, par contre, c’est qu’apparemment le monsieur arrive à savoir ce que Frida Kahlo aurait pensé de mon bouquin ! Si vous l’avez en ligne psychique un de ces quatre, remettez-lui un gros bisou.

          Pour ce qui est des subventions, nous avons en effet reçu une bourse de la fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a payé les billets d’avion pour aller chercher de la doc de première main au Mexique. Pas de quoi vivre grassement aux crochets de la sociétay, mais un plus incontestable et vraiment utile.

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      • Répondu par Nico le 8 juin 2015 à  21:10 :

        Hé...fieffé râleur...prends un crayon, du papier, un scanner et montre nous ce que tu sais faire.

        Allez...hop, hop ! Ferme ton Blake et Mortimer (édition originale, j’imagine), sors donc tes doigts, ils n’ont que trop trainé dans ton fondement, et sauve nous le monde de l’édition, s’il te plait !

        Mais vite...le temps presse !

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    • Répondu par Cobb le 4 mai 2015 à  07:02 :

      Ca fait bien 3 ans qu’est annoncé un nouveau Théodore Poussin, où ça en est ?

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  • Moi, je le trouve très bien le dessin de Flore Balthasar.

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    • Répondu par simon brauman le 4 mai 2015 à  15:08 :

      Chers membres de la bien-pensance et du bon goût, je vous prie de m’excuser d’avoir osé émettre un avis contraire aux vôtres. Certains prétendent que je ne suis pas ce que je suis, pendant que d’autres me disent qu’ils m’emmerdent ce qui indique le niveau du débat. Je ne le ferai plus et je vous prie encore une fois, de bien vouloir m’excuser pour avoir donné un avis contraire. En fin de compte il y à assez de guerres et d’intolérants pour que j’en déclenche une ici, à cause de mon avis personnel.

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      • Répondu par J-Jacques le 4 mai 2015 à  21:30 :

        Chers membres de la bien-pensance et du bon goût

        Il ne s’agit pas de bien-pensance ou de bon goût, mais de politesse et de bienséance. Je n’apprécie pas outre mesure le graphisme de Balthazar, mais je n’interviens pas dans chaque sujet la concernant pour y répandre mon fiel et appeler au scandale de publier des choses pareilles. C’est bien vous l’intolérant dont vous parlez quand vous traitez les auteurs de bandes dessinées de "romanichels masochistes dépendant du chômage". S’il vous dégoûte autant, changez de site.

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  • Cornette abuse des ellipses et livre un récit décousu. Passer sous silence le fait que Frida Kahlo eut la polio et boitait, qu’un grave accident fit qu’elle ne pouvait avoir d’enfant et se réfugia dans la peinture, est un parti-pris incompréhensible. C’est comme refuser l’obstacle. Pourquoi choisir de raconter Frida Kahlo si c’est pour ne pas le faire ? Le dessin n’arrive jamais à rendre l’atmosphère mexicaine, ni la magnificence des oeuvres de Frida. Acte manqué ? Peur de se mesurer ?

    Pour ceux que Frida Kahlo intéresse vraiment, je ne saurais que trop conseiller le superbe film de Julie Taymor "FRIDA" avec la sublime Salma Hayek.

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    • Répondu par Oncle Francois le 6 mai 2015 à  10:50 :

      j’ai compris, je me contenterai de le feuilletter en librairie ou de l’emprunter à la médiathèque si j’ai le temps. Merci pour vos conseils qui permettent d’économiser temps, argent et espace sur les étagères.

      Quand on parle de surproduction dans la BD.....

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    • Répondu le 6 mai 2015 à  15:55 :

      Je trouve qu’il reste un côté Le Gall dans le dessin de Balthazar, mais avec le côté anguleux des dessins de Cornette (il y a longtemps qu’on ne voit plus ses dessins). Peut-être a-t-il crobardé son scénario et qu’il en reste quelque chose dans le dessin fini ?

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  • Je trouve ce dessin très beau et très sensible. Pour moi Flore Balthazar sait très bien croquer les femmes.. :)

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  • J’ai emprunté le livre à la médiathèque et il faut bien avouer que c’est pas mal mauvais, pas tant le dessin qui est ce qu’il est, mais le scénario, la narration n’est vraiment pas bon. Hasard j’ai emprunté en même temps la bd sur Robert Moses de Christin et O.Balez chez Glénat dont j’ignorais l’existence, et bien c’est un très bon bouquin, très intéressant, bien raconté et au dessin souvent très beau, je conseille, je crois que c’est chez Glénat.

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